
LE MOT DE LA SEMAINE - Les 135 cardinaux appelés à voter sont réunis dans la chapelle Sixtine. Ils vont choisir un nouveau souverain pontife, dans le cadre de ce que l’on appelle un « conclave », avec une fumée blanche pouvant s’élever dans le ciel à partir du mercredi 7 mai, annonçant que nous avons un pape, «habemus papam ».
Retour sur le mot conclave
« Fermé à clef », telle est l’origine du mot « conclave ». On l’oublierait presque si l’étymologie ne nous rappelait qu’il s’agit d’un latin médiéval, construit sur le préfixe latin cum, « avec », et sur la racine clavis, la « clef ». C’est en 1360 que le mot est pour la première fois attesté en langue française, mais c’est en juillet 1274, sous Grégoire X, que s’installa ce sens particulier en latin, pour désigner au Vatican le lieu fermé à clef où les cardinaux se réunissent pour élire le souverain pontife.
Dès 1690, dans son Dictionnaire universel, l’abbé Furetière en fait longuement état en rappelant que le Conclave « est le lieu où se fait l’élection du Pape » et que « c’est à St Pierre » qu’elle a lieu, « quoy que Grégoire X & Clément V ayent ordonnée que le conclave se feroit où le dernier pape seroit décédé. » Et de préciser qu’au moment d’élire un nouveau pape « On emmure toutes les portes & fenêtres », qu’« on n’y est éclairé que par des lampes. On y laisse seulement la première porte de la salle fermée de quatre serrures, & de quatre verrouils, où il y a une ouverture par où on sert à manger aux Prélats enfermés. »
Curieusement l’ordre alphabétique qui m’est si cher a ici sa place. Que précise en effet l’abbé Furetière ? En ce lieu fermé, dit-il, « On y dresse des cellules pour autant de cardinaux qu’il y en a de présents à l’élection », cellules « qui ne sont séparées que par des rideaux ou tapisseries. Elles sont marquées par les lettres de l’Alphabet, et distribuées par sort aux Cardinaux ». De fait, quand il s’agit d’impartialité, l’ordre alphabétique qui n’obéit à aucune hiérarchie n’est jamais très loin. Quant à l’alimentation des cardinaux, Furetière apporte quelques précisions s’agissant des traditions suivies alors pour les conclaves : « Après trois jours d’assemblée, déclare-t-il, on ne sert plus que d’une viande, & après cinq autres jours que du pain & du vin. » C’est qu’il s’agissait, on l’a bien compris, de pousser les cardinaux à prendre une décision sans trop tarder.
Conclaviste : un mot bel et bien présent dans le Dictionnaire de l’Académie française. On le rencontre d’ailleurs dans Le Roi des Aulnes, publié en 1971, où Maurice Tournier évoque à propos d’une élection papale que « Soixante-deux cardinaux, assistés chacun d’un conclaviste et d’un garde noble se sont enfermés avant-hier dans la partie du Vatican réservée au conclave », il fait ainsi émerger le mot « conclaviste » qui désigne en effet un ecclésiastique attaché au service d’un cardinal pendant la durée d’un conclave et bien sûr tenu par serment à une rigoureuse discrétion pour tout ce qui touche au conclave.
Prévoir qui sera élu pape est risqué, les supputations des « vaticanologues », les historiens du Vatican, sont rarement couronnées de succès. Ainsi, un proverbe encore en vigueur figure dès 1835 dans le Dictionnaire de l’Académie française pour montrer à quel point rien n’est prévisible en matière d’élection papale : « Qui entre pape au conclave en sort cardinal », comprenons que tout cardinal annoncé comme futur pape peut sortir de la Chapelle sixtine comme il est entré, c’est-à-dire « cardinal ».
Rappelons au passage que la Chapelle sixtine s’appelle ainsi parce qu’elle a été construite sur l’ordre de Sixte IV. Alors, comme nous n’avons pas encore de « pape » je vais me permettre un peu d’humour, ce dont d’ailleurs les papes ne manquent pas. Pour faire deviner le mot « conclave », j’ai en effet lu cette définition de mots croisés, « on y papaute, au coin de la cheminée », papauté, assortie d’une autre définition, « on y finit en fumée », la fumée blanche bien sûr, celle qui relève d’un symbole merveilleux, puisque cette fumée nous fait lever la tête vers le ciel en même temps que sur terre naît un nouveau pape, un « souverain pontife », un mot dont nous reparlerons la semaine prochaine !
Jean Pruvost, lexicologue passionné et passionnant vous entraîne chaque lundi matin dans l'histoire mouvementée d'un simple mot, le mot de la semaine !
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