Le Collège des Bernardins : un espace de formation et de dialogue
Le Collège des Bernardins est un joyau de l’architecture cistercienne situé en plein cœur de Paris. Au-delà de sa dimension patrimoniale, c’est aussi un espace de débat, de formation et d’art ; un lieu de dialogue entre la société et la sagesse chrétienne. Son directeur général, Laurent Landete, a évoqué la mission particulière de ce haut lieu au micro de Julien Bal pour 1RCF Belgique. Entretien.
La Grande Nef du Collège des Bernardins / DRJulien Bal : La mission du Collège des Bernardins, quelle est-elle précisément ?
Laurent Landete : Le Collège des Bernardins est avant tout un lieu qui a reçu une mission de l'archevêque de Paris. La mission d'être un espace de dialogue entre l'Église et le monde. C'est avant tout un lieu seuil. Ce n’est donc pas un lieu de l'annonce charismatique, comme on peut le voir dans certaines propositions qui sont offertes ici (parmi les stands du Congrès Mission 2025 au milieu duquel a été réalisée cette interview, ndlr).
C'est intéressant d'être au milieu de toutes ces propositions, parce que cela montre que la vocation de l'Église est multiple. Mais quand elle parle d'annonce de l'Évangile, il ne s’agit pas forcément d’une annonce explicite. Et puis, il est important de bien préciser ce qu'est l'annonce de l'Évangile. C'est d'abord se mettre au service des hommes de ce temps. C'est être dans une attitude, une volonté, un désir d'aimer les gens. Voilà. Personnellement, ce qui m'intéresse dans la mission du Collège des Bernardins c'est, dans le sillage du Concile Vatican II, et particulièrement la constitution pastorale Gaudium et Spes (sur l'Église dans le monde de ce temps, ndlr), cette idée que les joies, les espérances, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps sont celles des chrétiens.
C'est cela, je pense, la mission du Collège des Bernardins : être à l'écoute des angoisses, des tristesses et des joies de ce monde pour pouvoir aussi recevoir quelque chose de cette réalité. Mais c’est également témoigner d'une sagesse, d'une histoire, d'un patrimoine ; témoigner d'un corpus d'Ecritures saintes qui a toujours été en dialogue avec la société.
J. B. : La fonction première du Collège des Bernardins c’est donc la formation ?
L. L : Oui. C'est le premier de ses métiers. C'est le cœur. Former à quoi ? Former à la théologie et former à la philosophie. Pour recevoir non pas une explication du monde en kit, mais pour recevoir des clés de compréhension à travers cette sagesse. Des clés de compréhension de la réalité du monde aujourd'hui. C’est aussi faire le pari que Dieu continue à parler aux hommes de ce temps.
Le Collège des Bernardins, ce sont en fait plusieurs métiers. C'est d'abord la formation. Ensuite, c'est un espace de recherche. Pas n'importe quelle recherche : chercher un langage qui va permettre d'être mieux compris et de mieux comprendre. C'est par ailleurs un espace de débat, d'échange, de rencontre. Un espace qui, dans une société qui ne sait plus débattre, favorise la capacité de débattre pour ne plus se battre. Enfin, notre dernier métier c'est celui de l'émotion, de la sensibilité humaine. Je parle de cette sensibilité qui fait parler l'Homme depuis l'âge des cavernes ; depuis l’époque des représentations sur des rochers, parfois très simples, mais qui cherchaient aussi, à travers cette expression artistique, à donner du sens à sa vie.
Nous, aujourd'hui, dans notre temps, dans l'époque que nous vivons, la question que nous nous posons est la suivante : comment avec cette Ecriture, ce corpus, cette sagesse, parlons-nous encore aux hommes de ce temps ? Parfois l'intelligence atteint ses limites. C'est alors que la sensibilité humaine peut prendre le relais dans la recherche de Vérité qui est essentielle à l'Homme.
J. B. : Les artistes que vous programmez sont-ils systématiquement inspirés par les Écritures ?
L. L. : Nous n’accueillons pas simplement des artistes chrétiens. En revanche, ce n'est pas un lieu neutre, tout le monde le sait. C'est un lieu qui dépend du diocèse de Paris. C’est un lieu qui s'inspire d'une tradition, d'une culture. Ce que nous cherchons avec les artistes, c'est de leur permettre d’établir un lien avec cette sagesse, et de faire le pari que cette sagesse, non seulement peut leur parler, mais peut leur permettre de s'exprimer.
Ce n'est donc pas nécessairement de l'art sacré que nous programmons. C’est un art qui pose la question suivante : comment cette sagesse, ces Ecritures, tout ce patrimoine et toute l’interprétation de ce patrimoine dans la tradition vivante de l'Église, peuvent-ils aujourd'hui permettre ce que le pape Jean-Paul II désignait comme la « nouvelle épiphanie de la beauté ».
Avant de faire de l'art chrétien, il est surtout question de chercher la beauté. Qu'est-ce qui est beau dans ce monde ? Qu'est-ce que l'homme peut encore faire de beau et avec quelle source d'inspiration ? C'est cela notre ADN.
Site internet du Collège des Bernardins / Capture d'écran au 12/11/25 - D. R.
Site internet du Collège des Bernardins / Capture d'écran au 12/11/25 - D. R.
Site internet du Collège des Bernardins / Capture d'écran au 12/11/25 - D. R.
Site internet du Collège des Bernardins / Capture d'écran au 12/11/25 - D. R.
Site internet du Collège des Bernardins / Capture d'écran au 12/11/25 - D. R. J. B. : Comment quantifiez-vous les fruits et les effets de votre action ?
L. L. : On peut évidemment mesurer les fruits de notre action à travers le nombre de personnes qui viennent. C'est une réalité statistique. Pour ce qui est de la formation, nous n'avons jamais eu autant de personnes qui se forment en présentiel chez nous. Par ailleurs, depuis deux ans et demi, nous avons ouvert une plateforme de formation digitale. Elle est ouverte à tous, quelle que soit la situation géographique. Bien sûr, pour l'instant, cela n’attire que des francophones. Mais nous voyons à travers les connexions qu'il y a déjà une attente.
Aujourd'hui, avec mes équipes qui sont très performantes sur ces questions, notamment les plus jeunes qui maîtrisent les outils numériques, on peut me renseigner quotidiennement sur les durées de connexion, l'endroit où les gens se connectent, etc. Et on constate à travers cela un besoin énorme. Je pense que c'est le reflet d’une dynamique. On parle de catéchumènes, de nouveaux baptisés, etc. On observe que ces gens-là affluent chez nous, comme peut-être ailleurs, par soif de formation. Ce besoin se mesure notamment par le nombre d'inscrits aux formations.
Un autre signe, ce sont les connexions à nos débats. Nous avons ouvert une chaîne de débats en ligne qui sont accessibles, encore une fois, à tous. Et ce sont des centaines de milliers de personnes qui se connectent aujourd'hui pour tenter de comprendre les questions relatives à l'écologie par exemple. Un des débats récents concernait l’écologie : "Doit-elle ou non être punitive ?" Le nombre de connections, c'est mesurable. Ce qui est mesurable aussi, c'est le nombre de personnes qui viennent à nos expositions. L’exposition consacrée à Augustin Frison-Roche – un peintre vraiment extraordinaire – a fait venir en quelques semaines pas moins de 60 000 personnes.
Cela étant dit, j'espère que ce qui est dans les cœurs ne sera jamais complètement mesurable. Cela appartient au cœur de chacun. Et je pense que nous sommes dans une société où nous voulons tout contrôler, tout mesurer. Être performants, c'est bien. C'est très important d'être attentif aux chiffres. Mais il faut être particulièrement attentif aussi à ce que des choses demeurent, des choses qui ne se mesurent pas.
J. B : Au printemps dernier vous avez fait paraitre un livre sur les premiers mots du pape Léon XIV et sur ce que l’on pouvait en déduire pour la teneur de son pontificat à venir. En quoi les premiers mots de ce pape-là résonnent aussi avec la mission du Collège des Bernardins ?
L. L. : La première déclaration du pape Léon XIV à la loggia de Saint-Pierre de Rome, ce sont en fait trois mots : « Paix », « Ponts » et « Dialogue ». Cette question de la paix, au Collège des Bernardins, nous y travaillons chaque jour, par le dialogue interreligieux et par le dialogue au sens large. Ce jour-là (le 8 mai dernier, ndlr), j’ai vu un pape qui disait la paix, en reprenant les paroles du Christ « La paix soit avec vous », dans un monde qui est, comme le disait François, en situation de troisième guerre mondiale morcelée.
Personnellement, cela m’a profondément ému et touché. Les ponts, c’est la mission du souverain pontife. Le pontife, ne l’oublions pas, c’est étymologiquement celui qui fait des ponts et qui nous invite à en faire à notre tour, par le dialogue. Le dialogue tel que nous le vivons, nous chrétiens, n’est pas une mondanité relationnelle. C’est quelque chose qui ne s’impose pas, quelque chose qui se donne. Et la lumière qui est donnée par les chrétiens n’est pas non plus celle d’un projecteur aveuglant. C’est plutôt celle d’une bougie, vacillante, qui respecte la liberté de chacun.
Quelques liens utiles :
Le site internet du Collège des Bernardins
PRIXM ou comment faire le lien entre la culture et les Ecritures
Le livre de Laurent Landete sur les premiers mots du pape Léon
Esquisses d’un pontificat Les chemins ouverts par les premières paroles du pape Léon XIV

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