La fête commence samedi et se prolonge jusqu’au 25 mars, c’est le 25e printemps des poètes. Dans les bibliothèques, les communes, les salles de spectacles, les établissements scolaires, il y aura bien un événement pour vous, lecture, atelier, concert, allez voir sur le site du Printemps des poètes. Quant à moi, j’en profite pour vous présenter quelques-uns des derniers recueils de poésie.
Je commence par le nouveau livre de François Cheng. Dans « Suite orphique », il a rassemblé 99 quatrains qui commencent par la vie et la mort : « N’oublions pas nos morts ni notre propre mort ; /C’est le devoir-mourir qui nous pousse vers l’élan » nous confie l’auteur de 94 ans. On y retrouve encore la poésie délicate de l’académicien : « Voici que monte la brume/ Nous invitant à une halte/ Senteurs et ramages nous reposent ;/ Mais seule la cime nous exalte. » Une belle invitation du poète encore quand il écrit : « Etre ici les yeux ouverts et le cœur battant/ fût-ce le temps d’un seul éclair,/ L’univers n’est plus là pour rien. Cet instant nôtre/ Vaut en durée l’éternité ».
La poésie est importante, en même temps pas toujours facile d’accès…
C’est vrai, on cherche trop souvent à comprendre ce que le poète a voulu dire. Peut-être l’assemblage des mots nous déroute et nous invite à simplement saisir l’harmonie d’une phrase, une image suggérée… C’est aussi l’intérêt du Printemps des poètes qui nous propose d’être guidé ; Et puis, vous pouvez picorer dans un recueil de poésie, ne pas chercher à lire du début à la fin, mais vous laissez surprendre, comme avec l’écriture de Stéphane Bataillon. Son texte s’intitule GPS : « trouver sa place/retrouver le sens/devenir soi/ Une histoire de coordonnées/ imprécises. » Un poème, ce peut être aussi très accessible, et pourquoi pas mêlé d’humour : « On se prend la tête/ On se pince le nez/ On casse les pieds/ on en a plein le dos/ Et un jour on s’étonne/que le corps/ ne réponde plus. » Le recueil de Stéphane Bataillon, sous le titre « Permettre aux étoiles », est publié par Bruno Doucey. Et j’ai envie encore de vous présenter le livre de Colette Nys-Mazure « Sans crier gare », publié aux éditions Invenit. L’auteure est une habituée des déplacements ferroviaires. Autant d’occasions, mais oui, d’écrire quelques poèmes ; « Mes trajets volontiers poussifs gardent leur attrait/ Bien que j’en connaisse reconnaisse chaque détour/ J’ignore la routine du train-train quotidien. » Le banal peut devenir poétique si l’on trouve les mots, si l’on garde des yeux ouverts : « Les hommes et les femmes qui montent dans le TER/ portent sur eux l’ardeur du jour commençant/ Journée faite ils descendront visages défaits/ épaules affaissées/corps de poussière sous le faix du boulot. »
J’aurais pu commencer par là : le thème du printemps 2024, c’est la grâce, et pour l’illustrer, c’est une œuvre de Fabienne Verdier qui nous est proposée, parce que la poésie et l’art se retrouvent toujours à un moment dans cette manière subtile de nous toucher, de nous bousculer parfois, parce que tout est grâce. « Il arrive que la grâce vous fouette le visage », écrit Sophie Nolleau qui a longtemps dirigé le printemps des poètes. Dans un petit livre de méditation, elle raconte sa naissance, l’incendie de Notre-Dame, la mort de Christian Bobin, la sagesse des moines tibétains… Elle parle de l’œuvre de Fabienne Verdier, ce coup de grâce qui passe par la couleur d’or : « Si l’on savait le long et patient cheminement avant d’arriver à cette spontanéité de miel… » C’est sans doute le mot juste. La grâce, comme la poésie, a la saveur du miel. Il vous reste à butiner.
François Cheng, Suite orphique, Gallimard
Sophie Nauleau, Mais de grâce écoutez, Actes Sud.
Colette Nys-Mazure, Sans crier gare, Ed. Invénit
Stéphane Bataillon, Permettre aux étoiles, Ed. Bruno Doucey
Chaque jeudi à 8h44, Christophe Henning (La Croix) et Christophe Mory (RCF et Radio Notre-Dame) présentent le livre de la semaine.
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