La violence dans l'Art 2/2
Autant le dire d'emblée : la couverture de l'essai de Suzanne Ferrières-Pestureau peut sidérer. Il s'agit d'un détail du tableau "Judith et Holopherne (v. 1598) du Caravage, où l'on voit une main tenir fermement la tête d'un homme et l'autre lui transpercer la gorge. Ce tableau stupéfiant résume à lui seul le sujet au cœur du remarquable l'essai "La violence à l'œuvre" (éd. Cerf) de Suzanne Ferrières-Pestureau.
"La violence n'est pas représentable, il faut qu'elle se manifeste sur un corps"
Violence et culture
Au sein du Groupe de recherches Pandora de l'université Paris-Diderot (Paris-VII), Suzanne Ferrières-Pestureau travaille sur la question de la création et de la psychanalyse. Et sur la façon dont la violence s'exprime dans l'art, différente selon les périodes. Avec cette idée majeure : depuis la naissance de l'art, la violence habite son histoire tout comme la violence habite l'histoire. "On peut même remonter à l'archéologie, Georges Bataille en a parlé du reste de cette violence, de cette rébellion de l'homme, par rapport à cette civilisation qui commençait et de ce désir de retourner à quelque chose de violent, de plus naturel."
peur de la mort et peur du sexuel
"Depuis que l'homme est homme, il crée et il crée je pense pour justement faire avec cette violence qui est liée d'une part à la mort, à la peur de la mort, et au sexuel." La mort et le sexuel qui sont "deux pôles de réflexion et de crainte pour l'homme", dit la psychanalyste. Freud parle de pulsion de vie et de pulsion de mort. "L'homme se servirait de l'art et de la création pour lier cette pulsion de mort aux pulsions de vie et échapper de cette façon-là à cette terreur du sexuel et de la mort."
Le corps en jeu
Qu'il soit malmené, trituré, crucifié, suplicié, le corps est quasi systématiquement engagé dans le processus créatif. "Car la violence n'est pas représentable, il faut qu'elle se manifeste sur un corps, explique Suzanne Ferrières-Pestureau, pour représenter l'acte violent il faut qu'un corps soit atteint pour faire image."
Dans la culture occidentale, l'image du Christ en croix "s'impose comme représentation de la violence faite au corps par l'homme". Il est étroitement lié à la culture chrétienne, insiste la psychanalyste. "Je crois que l'image du Christ en croix est la représentation originaire de la violence faite à l'homme par l'homme." Et même quand la représentation du corps cesse d'être une référence au corps christique, dans l'art contemporain, un grand nombre d'installations qui représentent la violence reprennent "le rituel chrétien du sacrifice".
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