"La Rivale", d'Eric-Emmanuel Schmitt
Le mélomane qu’est Eric-Emmanuel Schmitt ne pouvait pas passer à côté du centième anniversaire de la naissance de Maria Callas que nous fêterons le 2 décembre. Lui qui a déjà magnifié Mozart, Beethoven, Chopin, rend hommage ici à la diva que certains appelaient même la Divina. Avec une mise en scène dont il a le secret, l’auteur mêle histoire vraie et fiction, faisant entrer dans ces pages Carlotta Berlumi, un cantatrice maudite et imaginaire, contemporaine de la Callas.
Ca se passe à la Scala de Milan, bien sûr, haut-lieu de l’art lyrique. Agée, Carlotta Berlumi revient sur les lieux et raconte à Enzo, jeune garçon bien élevé, ces années de gloire de l’opéra. Avec un portrait en creux de la diva, car Carlotta est la rivale, celle qui voudrait voir tomber la diva pour prendre sa place. L’art lyrique ne pardonne pas : « Sur scène, nous autres, les cantatrices, nous passons notre temps à agoniser. Les histoires le réclament, les compositeurs également, car les affres des héroïnes leur permettent d’écrire des airs déchirants ou des prières à fendre l’âme », confie Carlotta. Mais voilà : Londres, New-York, Vienne, Paris : c’est toujours la Callas qui est tout en haut de l’affiche.
C’est tout un monde, l’opéra, qui n’est souvent accessible qu’aux initiés, mais qui suscite l’admiration : « La renommée de la Callas se développait, excédant désormais celle d’une chanteuse lyrique, égale à celle d’une star de cinéma dont on commente les robes, les coiffures, les chaussures, les goûts culinaires et les caprices ». Et c’est vrai que la cantatrice cultivait les caprices de star, c’est peut-être aussi cela qui faisait sa popularité. « Il est certain qu’elle chope toute la lumière et condamne les autres à l’oubli », souligne vengeresse Carlotta. Eric-Emmanuel Schmitt dresse avec humour le portrait de la jalouse, la rivale, qui est dans le public en ce 2 janvier 1958. Callas doit interpréter le rôle de Norma à l’opéra de Rome : « Elle entra, vêtue en prêtresse, svelte, élégante, radieuse, un rameau de gui à la main. Le temps se suspendit. Même le silence changea de densité ». Et là… je ne vous en dirai pas plus, pour ne pas dévoiler le ressort de ce roman à la gloire de la Callas, les grands amateurs d’opéra savent de quoi je parle…
Ce que je peux vous dire encore, c’est l’admiration de l’écrivain pour la cantatrice : « Le chant de Callas était beau, écrit Eric-Emmanuel Schmitt. Insoutenablement beau. Plastique, mobile, infléchi, il désespérait et consolait en même temps. La voix de Callas, à la fois puissante et meurtrie, associait la force et la fragilité. » Ecrivain increvable et prolixe, Eric-Emmanuel Schmitt excelle aussi bien dans les grands romans épiques, notamment le cycle de « La traversée des temps » qui raconte l’histoire de l’humanité, qu’avec les pièces de théâtre ou encore les textes brefs comme celui-ci, un peu à l’image de Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran ou d’Oscar et la dame rose. A se demandait si Callas n’est pas un personnage de légende : « Elle a tout chanté. et parce qu’elle a tout chanté, elle n’a pas chanté longtemps. »
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