"la danseuse" de Patrick Modiano
J’aurais pu vous parler de Jon Fosse, prix Nobel de littérature 2023, poète, romancier et dramaturge, ce Norvégien converti au christianisme s’est confié au New Yorker en 2022 : « Parfois, quand je parviens à écrire, je vois cela comme un cadeau, une sorte de grâce, Réussir à écrire et à bien écrire, c’est une grâce. Et je crois que peut-être, la vie en elle-même peut être une sorte de grâce. » C’est à lire manifestement, mais j’avoue mon ignorance du norvégien. Jusqu’alors pratiquement inconnu en France, son œuvre sera très vite traduit en Français.
J’aurais pu encore vous parler de Louise Glück, poétesse américaine, décédé le 13 octobre, Nobel de littérature en 2020, dont il faut découvrir la poésie : « Nous voyons le monde une fois, dans l'enfance. Le reste n'est que souvenirs », écrit-elle par exemple. Et encore : « Lorsque vous aimez le monde, vous entendez la musique céleste. » Tout ça pour vous donner envie de lire, finalement un autre Nobel de littérature bien français, en la personne de Patrick Modiano, distingué « pour son art de la mémoire avec lequel il a évoqué les destinées humaines les plus insaisissables ».
Le prix Nobel de littérature en 2014 publie donc un nouveau roman…
La danseuse, c’est le titre et le personnage principal de ce court roman, une danseuse énigmatique dont le narrateur est épris : il lui est entièrement dévoué, s’occupant de son petit garçon Pierre, tandis que la danseuse est en répétition. D’elle, on ne sait pas grand-chose, si ce n’est qu’elle a pu souffrir et que la danse l’avait sauvée en quelque sorte : « A partir du moment où elle avait commencé les cours de danse, les premières années de sa vie s’étaient effacée comme un mauvais brouillon. Elle avait eu l’impression de naître une seconde fois. Ou plutôt que c’était à ce moment-là qu’avait eu lieu sa vraie naissance. »
En fait, le narrateur – sosie de l’auteur – se souvient brusquement des années 60 : « Voilà un instant du passé qui s’incruste dans la mémoire comme un éclat de lumière qui vous parvient d’une étoile que l’on croit morte depuis longtemps. » Jeune homme marqué par la figure mystérieuse de la danseuse, il était fasciné : « C’était la période la plus incertaine de ma vie. Je n’étais rien. Jour après jour, j’avais l’impression de flotter dans les rues. » On retrouve, vous l’avez compris, l’ambiance mélancolique et surannée des romans de Modiano qui ne révèle que quelques bribes de ses personnages pour mieux laisser le lecteur divaguer.
Il y a d’autres personnages encore, tous nimbés d’un flou artistique, comme revenus d’un passé qui surgit au détour d’une promenade dans Paris, bien sûr. « Qu’étaient devenus la danseuse et Pierre, et ceux que j’avais croisés à cette même époque ? Voilà une question que je me posais souvent depuis près de cinquante ans et qui était resté jusque-là sans réponse. Et soudain, il me sembla que cela n’avait plus aucune importance. Ni la danseuse ni Pierre n’appartenaient au passé mais à un présent éternel », écrit Modiano. Peut-être, en effet, ceux qui étaient présents dans le quotidien de nos existences restent mystérieux présents, témoins d’une histoire dont on oublie parfois les contours. « En rêve, je regarde souvent une étoile quand le ciel est limpide, et j’ai la certitude que la lumière discontinue et lointaine s’adresse à moi. » Je vous laisse à vos souvenirs…
La danseuse, de Patrick Modiano est publié chez Gallimard.
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