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J'ai deux dragons et je suis confinée

RCF,  - Modifié le 17 juillet 2023
Comment montrer les points positifs du confinement lorsqu'on jongle entre travail et garde des enfants ? Et si l'on repensait notre rapport aux enfants ?

Hier je discutais avec des amis de ma chronique matinale et leur mot d’ordre était assez simple : donne du positif ! On a besoin de joie. Permets aux auditeurs de regarder plutôt le verre à moitié plein, sors-leur la tête des annonces gouvernementales, des pitreries politiciennes, permets leur - l’espace de quelques instants - de ne pas penser masques, virus et réanimation. Avec la phrase ultime : « Tu pourrais parler de la joie d’être confinée H24 avec les enfants les plus chouettes de la terre ». Et là j’ai bugué. Mon logiciel de positif s’est enrayé.

Sérieusement ? Vous voulez vraiment que j’envoie du love sur le thème : c’est génial d’avoir ses enfants qui hurlent « mamaaaaan » à la porte de ce qui est censé être ton bureau mais qui est en fait ton bureau/ta salle à manger/ta chambre/ta salle de pause ? Vous voulez que je trouve de l’émerveillement dans le fait de désormais leur préparer 4 repas par jour et cela 7 jours par semaine, entre 2 visios,  en vidant le lave vaisselle en même temps que je cherche des idées de menus, parce que comme t’es confiné, tu ne vas quand même pas leur faire manger des petits pots tout prêt ? Je sais plus très bien moi si c’est le verre à moitié plein quand je pense à celui dont je me délecte le soir quand ils sont couchés parce que c’est notre moment de décompression et de silence… Là j’ai du mal à l’imaginer ma chronique sur le thème de mon bonheur parental en plein confinement. Parce que je mets à penser aux tampons qui sont tout secs parce qu’ils n’ont plus de bouchons depuis belle lurette, quand j’ai démissionné de les ramasser pour la 100 ème fois, que je pense au sol où je pourrais retracer une partie des repas parfois ou à la housse de couette de ma fille de 2 ans qui a cru bon d’exprimer son talent d’art abstrait avec les nouveaux feutres que j’avais achetés en 4ème vitesse. Parce qu’en bonne mère indigne, pas du tout manuelle, les activités Montessori n’étaient pas en haut de notre programme familial jusqu’à présent…

"Vous voulez que je trouve de l’émerveillement dans le fait de désormais leur préparer 4 repas par jour et cela 7 jours par semaine, entre 2 visios, en vidant le lave-vaisselle en même temps que je cherche des idées de menus ?"

Montrer le beau, cela demande un changement de regard. Se décaler de quelques mètres pour observer comme ils ont grandi ces dernières semaines. Et je ne pense pas qu’ils ont plus grandi que d’habitude, c’est juste que cette fois je les ai vus. J’avais le temps de prendre le temps, même dans une journée à 100 à l’heure. Justement parce que je ne veux pas et je ne peux pas les caler, eux, entre 2 meetings pros et une réunion scoute et que j’ai finalement inversé les choses : je cale le reste en fonction d’eux. Ma journée n’a plus de pauses. Il n'y a plus de temps de trajet pour appeler les copains et gérer les urgences. Mon heure de début est matinale et l’heure de fin est tardive mais c’est parce que je veux être là pour le bain, alors que d’habitude c’est la nounou qui gère. Je veux l’entendre me chanter le chant de la Promesse qu’elle m’a entendu fredonner des centaines de fois et dont je me rends compte qu’elle connait les paroles. Marceau a décidé de commencer à marcher il y a un mois et je profite chaque jour de l’assurance qu’il prend. Je suis imparfaite, je culpabilise de la répétition des journées, du peu de diversité des activités alors que mes supers copines instits trouvent des idées de fous. Je culpabilise de parfois ne pas leur dire bonne nuit parce que je dois avancer sur les options de déconfinement pour le boulot. Je m’énerve souvent parce que je suis claquée, et les toilettes sont parfois le seul refuge pour que je sois peinard 5min et encore, si on enlève le fameux « mamannnnnn » hurlé derrière. Je culpabilise de penser à ce moment où la nounou reviendra et où je retrouverai ce que je considère être un gros bout de liberté. Suis-je égoïste ? Suis-je assez maternelle ?  
 

"J’ai finalement inversé les choses : je cale le reste en fonction d’eux"

Ils grandissent, et je repense à la citation de Janusz Korczak
« Vous dites :
C'est fatigant de fréquenter les enfants.
Vous avez raison.
Vous ajoutez :
Parce qu'il faut se baisser, s'incliner,
Se courber,
Se faire tout petit.
Là, vous avez tort,
Ce n'est pas cela qui fatigue le plus,
C'est le fait d'être obligé de s'élever,
De se mettre sur la pointe des pieds
Jusqu'à la hauteur de leurs sentiments,
Pour ne pas les blesser. »
Et je me dis, il y a sacrément du bon dans ce confinement.

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