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Hommage au comédien Michel Bouquet
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Hommage au comédien Michel Bouquet

Un article rédigé par Fabien Genest - RCF, le 17 avril 2022  -  Modifié le 17 juillet 2023

Ce mercredi 27 avril à 16 heures, se tient aux Invalides à Paris une cérémonie d'hommage national à Michel Bouquet. Cet immense comédien de théâtre et de cinéma nous a quittés le 13 avril dernier à l'âge de 96 ans. Un acteur au regard énigmatique, révélé par Chabrol et Truffaut, qui aura joué dans une centaine de films. Fabien Genest lui rend hommage à travers les musiques de ses principaux films.

 

Bougies allumées dans une église. ©Unsplash Bougies allumées dans une église. ©Unsplash

Un homme de théâtre venu au cinéma au début des années 60

 

Michel Bouquet est né un 6 novembre 1925 à Paris. Ce fils d'un chef comptable à la préfecture de police, qui n’avait pas fait d’études, aura vers 17 ans une révélation auprès de Maurice Escande, sociétaire de la Comédie-Française. Dès lors, l’art dramatique sera sa raison d’être. Il monte sur les planches en 1944, côtoie Jean Anouilh et Gérard Philipe, et participera, plus tard, à faire connaître Harold Pinter en France. Ce n’est que longtemps après qu’il se révélera au cinéma. D’abord dans des petits rôles avant de véritablement s’imposer à la fin des années 60 grâce à Claude Chabrol et François Truffaut, cinéastes de la Nouvelle Vague qui voient en lui le parfait prototype du notable de province.    

 

"La mariée était en noir" chez François Truffaut en 1967

 

 

La célèbre "Marche nuptiale", de Frédéric Mendelssohn, est le thème central de "La mariée était en noir". En 1967, François Truffaut adapte le roman policier de l’Américain William Irish et filme Michel Bouquet, Claude Rich, Charles Denner, Michael Lonsdale et Jean-Claude Brialy au centre d’une vengeance dirigée par Jeanne Moreau dont le mari a été assassiné alors même qu’il venait de l’épouser.

 

La musique originale du film, signée par ailleurs Bernard Herrmann, comporte également le Concerto pour mandoline, de Vivaldi. Michel Bouquet tournera une seconde fois avec Truffaut l’année suivante pour "La sirène du Mississippi", où il interprète cette fois-ci un détective privé rigide et pugnace traquant Jean-Paul Belmondo.

 

Six films avec Claude Chabrol, qui en fait le parangon du notable de Province

 

 

 

D'une certaine façon, [Claude Chabrol] jouait à ma place, me manipulait... Voilà un grand directeur d'acteur !

 

Après l’avoir dirigé, déjà à deux reprises, Claude Chabrol confie à Michel Bouquet le rôle d’un mari trompé dans "La femme infidèle", en 1969. La musique quant à elle très dissonante est de Pierre Jansen, le compositeur attitré des musiques des films de Claude Chabrol dans les années 60 et 70. Michel Bouquet joue un mari trompé par Stéphane Audran, qui va chercher à se venger de l’amant de sa femme joué par Maurice Ronet.

 

Claude Chabrol, qui aura dirigé l’acteur à six reprises le considérait un peu comme un double. Dans "La femme infidèle", il joue le bourgeois assassin et devient l'archétype du héros chabrolien. "D'une certaine façon, il jouait à ma place, me manipulait, confiait Michel Bouquet au sujet de Chabrol, voilà un grand directeur d'acteur ! Rien qu'avec sa caméra, il apportait de l'intensité à mon interprétation." Les deux hommes se retrouveront une dernière fois en 1984 dans "Poulet au vinaigre", là encore dans une peinture acerbe de la bourgeoise provinciale.

 

Des rôles de policiers vengeurs, cyniques et froids

 

 

Dans les années 70, Michel Bouquet va donner sa pleine mesure au cinéma avec des rôles très souvent rigides, voire inquiétants comme dans "Un condé", d’Yves Boisset en 1970, et "Deux hommes dans la ville", de José Giovanni, en 1973. Deux films où il endosse le costume d’un inspecteur de police franchissant la ligne rouge. Antoine Duhamel compose la musique en 1970 d’"Un condé", caractérisée par ses accords pesants aux accents dissonants.

 

Un film sur la vengeance dans lequel Michel Bouquet est obsédé par l’idée de se faire justice après la mort de son collègue abattu par des trafiquants de drogue. Le film reste célèbre pour avoir connu des problèmes avec la censure : en raison du mode de représentation qu’il renvoyait de la police et de la violence sans état d’âme du personnage principal qu’incarne Michel Bouquet. Cette médiatisation aura pour conséquence d’assurer au film un succès important.

 

 

Autre succès et autre composition magistrale de Michel Bouquet, deux ans plus tard cette fois-ci, devant la caméra de José Giovanni dans "Deux hommes dans la ville", resté célèbre, aussi, pour son thème musical mélancolique que l’on doit à Philippe Sarde. José Giovanni livre en 1973 un plaidoyer contre la peine de mort. Michel Bouquet compose, quant à lui, un inspecteur narcissique et pervers, persuadé qu’un voyou reste toute sa vie un voyou. Le film, qui sera le dernier grand succès de Jean Gabin en éducateur de probation, offre à Alain Delon un rôle particulièrement touchant d’un homme sincère qui souhaite se racheter, assez éloigné de son registre habituel de personnage cynique et solitaire.

 

Un Javert impitoyable dans "Les misérables", en 1982

 

 

Neuf ans après "Deux hommes dans la ville", Michel Bouquet reprend en 1982 le rôle de Javert dans Les Misérables. Dans cette version de Robert Hossein, il tient une nouvelle fois le rôle de celui que Victor Hugo comparaît à un chien policier qui pourchasse inlassablement Jean Valjean, comme sa proie. En cela, on peut y voir un parallèle avec "Deux hommes dans la ville", de José Giovanni. Michel Magne compose une BO épique à l’image de "Requiem des barricades", un morceau puissant et vibrant qui accompagne une histoire que l’on ne présente plus et qui vaudra à Jean Carmet le César du meilleur second rôle pour sa composition d’un Thénardier veule et mercantile à souhait.

 

En patron de presse tyrannique et avide de pouvoir dans "Le jouet", en 1976

 

 

Vladimir Cosma au meilleur de sa forme compose en 1976 un divertimento plein de trouvailles et de drôlerie qui a fait date dans la discographie du compositeur. Dans "Le jouet", Michel Bouquet compose un numéro exquis de patron de presse avide de puissance et pensant tout pouvoir acheter jusqu’à ses propres employés qu’il terrorise et mène à la baguette comme dans cette scène célèbre où il demande à son bras droit, joué par Jacques François, d’ôter son pantalon. Pierre Richard en journaliste dépassé devenu le jouet d’un enfant gâté, est pour le coup grandiose et surjoue à l’envi un personnage corvéable, motivé par la simple crainte de perdre son emploi.

 

Rêveur dans "Toto le héros", en 1992

 

 

"Boum !" de Charles Trénet, célèbre chanson de 1938 du "Fou chantant", est utilisée à plusieurs reprises par le réalisateur belge Jaco Van Dormael, dans son film "Toto le héros", César du meilleur film étranger en 1992. Michel Bouquet y incarne Thomas, un géomètre à la retraite, persuadé d'avoir été échangé à la maternité avec Alfred, son voisin d'enfance, élevé dans une famille aisée. Enfermé dans ce fantasme d'une existence volée, cet impénitent rêveur, est passé à côté de sa vie.

 

Enfin un César en 2002 à... 76 ans !

 

En 2002, Michel Bouquet obtient son premier César pour "Comment j’ai tué mon père", d’Anne Fontaine. L’histoire d’un paisible médecin qui voit un jour ressurgir son père, de longues années après avoir quitté le domicile familial quand il était enfant. Charles Berling est face à un Michel Bouquet, comme toujours, économe en paroles, cynique à souhait qui va semer le désordre dans la vie bien établie de son fils. La musique du film de style classique est signée de l’Anglaise Jocelyn Pook, musicienne à succès et compositrice de partitions remarquées notamment chez Stanley Kubrick pour "Eyes Wide Shut".

 

Un troublant François Mitterrand chez Guédiguian en 2005

 

 

L’un des derniers grands rôles de Michel Bouquet au cinéma ces dernières années, outre celui de Renoir, est assurément celui de François Mitterrand pour "Le promeneur du Champ-de-Mars", de Robert Guédiguian en 2005. Une adaptation du livre de Georges-Marc Benamou, "Le Dernier Mitterrand". L’interprétation de Michel Bouquet, qui devait jouer au théâtre "Le Roi se meurt", de Ionesco (qu’il aura tenu pas moins de 800 fois dans sa carrière), est impressionnante et d’une très grande subtilité. L’acteur compose un mimétique Mitterrand à la fin de sa vie, crépusculaire et sans concession, qui se livre à un journaliste sur sa vie, sa carrière, les femmes et la mort. Un rôle unanimement salué qui lui vaudra, après "Comment j’ai tué mon père", un second César.


Le bonheur de jouer Renoir, en 2012

 

 

Dans "Renoir", en 2012, Gilles Bourdos offrait à Michel Bouquet un rôle en or, taillé à sa mesure, celui du maître de l’impressionnisme. Il composait, il y a 10 ans, un confondant Renoir à la fin de sa vie, encore ébloui malgré l’âge par la beauté de son jeune modèle Andrée Heuschling (jouée par Christa Theret), une jeune femme libre et émancipée qui finira par épouser son fils, Jean, le futur cinéaste.

 

De son propre aveu, Michel Bouquet avait adoré jouer ce peintre du bonheur qui n'était que souffrance. Aussi, parce qu'il admirait que l'artiste soit toujours dans l'émotion pure. Et surtout, comme lui, qu'il suive sa ligne et que, rien, et surtout pas l'air du temps, ne l'en fasse dévier. La musique délicate du film était signée par Alexandre Desplat.

 

Michel Bouquet tournait peu mais tournait encore ces dernières années. On pourra encore le voir en juin dans le film de Tatiana Becquet Genel "Cérémonie secrète", son dernier rôle où il incarne un ancien magistrat, patriarche d’une grande famille bourgeoise.

 

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©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
La Symphonie du cinéma

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