Hattonchâtel : L'ancienne résidence des évêques de Verdun reconstruite par une bienfaitrice américaine, il y a un siècle

Pour visiter l'église paroissiale, ancienne collégiale St Maur, nous rencontrons Jean Claude Zingerlé le maire des 7 communes regroupées de Vigneulles (Billy sous les côtes, Creuë, Hattonchâtel, Hattonville, St Benoit en Woëvre, Viéville sous les côtes et Vigneulles les Hattonchâtel), en l'absence de Christophe Leblan, maire délégué d'Hattonchâtel.
Marie Normand représente la paroisse St Airy qui regroupe 62 villages.
Stéphanie Hanrion, passionnée d'histoire, nous a rejoint. Notre équipe est composée de 
Stéphane Henriot, tailleur de pierre, spécialiste des églises halles  qui est dans sa commune 
et Nanou Bouillet déléguée de pays de la fondation du patrimoine de la Meuse. 

                                   
Nous souhaitons, en cet après-midi ensoleillée et orageuse, connaître le coup de cœur du jour de nos hôtes.
Le maire aime beaucoup les vitraux et la grand rosace qui fait l'objet d'illuminations l'hiver, grâce à l'association l'Esperluette de St Mihiel. 
Marie de la paroisse est tombée sous le charme du fameux retable du XVI ème siècle de Ligier Richier.
Dans l'église, Stéphanie a appris à lire l'histoire de ce village occupé de longues dates. 
Nanou souligne immédiatement la curiosité de cet édifice rectangulaire imbriqué dans les remparts anciens dont subsiste une tour côté sud. 

1)Le village d'Hattonchâtel : 
Stéphanie nous rappelle les riches heures d'Hattonchâtel. 
la découverte de pièces gauloises, à l'éperon barré de Bathélémont, atteste de la présence humaine ancienne. 
Hatton, 29 ème évêque de Verdun, érige un château vers 870. On y frappe monnaie.
Résidence des évêques de Verdun, Hattonchâtel devient chef lieu de prévôté et même de bailliage. Les évêques tiennent leurs grands jours de justice. Le fief est cédé au duc de Lorraine en 1544 qui l'érige en marquisat.  
En 1634, le cardinal de Richelieu fait procéder au démantèlement de la forteresse. Ce sont les habitants qui seront sollicités pendant 2 ans pour cette tâche.
Beaucoup d'éléments ont été compilés par l'ancien curé,l'abbé Jean Denaix (1929-1973), originaire de Ménil-la Horgne près de Commercy (fief de Dom Calmet) spécialiste de l'étude des chartes. médiévales  (Prix Herpin  de l'académie Nancy Metz).   

2)L'église, ancienne collègiale Saint Maur  (St Maur 2 ème évêque de Verdun 356-383 )
De forme rectangulaire (avec le cloître), adossée à la citadelle, la tour fait partie de la muraille. Avec les démolitions et les reconstructions, le cloître semble s'intégrer dans la cité.
On distingue un portail du XVI ème qui encadre une porte divisée par un trumeau mouluré
la nef voûtée d'ogives et d'arcs doubleaux compte 4 travées. Les clés de voûte portent l'écusson de l'évéque Guillaume de Haraucourt, bien connu pour ses intrigues avec Charles le Téméraire contre le roi Louis XI. Les vitraux semblent être réalisés par Gruber. (école de Nancy)  mais ne sont pas signés comme à Vigneulles par exemple.
La collégiale fondée en 1328  comptait 11 chanoines  avec un prévôt et un doyen, elle fut supprimée en 1709 et transférée à Saint-Mihiel. Reste néanmoins une galerie à baies tréflées. 

                                  
On distingue un retable gothique du début XIV ème, reprenant des épisodes de la passion du christ en haut relief. Nanou souligne surtout le caractère unique du retable renaissance de Ligier Richier de 1523 avec des scènes de la passion du Christ. Des armes de Louis de Lorraine évêque de Vedun sont visibles sur les clés de voûte. A noter :  le portrait de l'évêque et du prêtre donateur. Les armoiries de Lorraine sont celles du duc Antoine. 

                                  
J'ajoute  qu'un bras reliquaire donné par Guillaume de Haraucourt, longtemps conservé à Hattonchâtel dans des conditions de sécurité précaire, est désormais  au musée de St Mihiel avec le gisant de Ste Lucie par exemple. (voir notre reportage sur Sampigny) 
Il est également possible de voir la pierre tombale du XVIème de Jean le Queulx receveur qui établit les plus anciens comptes de la prévôté en 1523  et  aussi celle de Bernard Lausmonier, échevin synodal,  celle de Gérard Lausmonier, chanoine et doyen de la collégiale.

3)  Travaux  de la municipalité et le tiers-lieu :

Le maire nous précise que la commune investit régulièrement dans son patrimoine. La maison des arcades du XIV ème siècle est emblématique du village. 2 arcs ogivaux  avec un pilier central sans chapiteau, la galerie est  sur un solivage de chêne équarri. Le prévôt rendait la justice sous les arcades et devant le grand puits. Profitant des indemnisations pour les expropriations lors de la création de la ligne du TGV,  la commune a fait l'acquisition de l'immeuble voisin. Les associations "loisirs  amitié" et "Hatton Initiatives" y organisent le printemps de l'art.  Des tableaux de Louise Cottin, artiste peintre, 1er second grand prix de Rome sont à découvrir : une partie de la collection a été léguée à la commune. La vie de miss Skinner est relatée comme  aussi l'historique du blason du village  et des cartes postales anciennes du site. Un tiers-lieu culturel dont la commune a légué la gestion aux associations. On peut naturellement y rencontrer des artistes et les scolaires sont associés. Belle réussite  
      

4)  l'activité de la paroisse
L'église St Maur est ouverte grâce aux voisins  Klauss et Danièle, habitants du village.  
On y célèbre beaucoup de baptêmes et de mariages dans un cadre idyllique et avec repas au château. 
Le 8 novembre,  St Maur est fêté : sa  belle statue trône dans l'église.    

 5)A voir aussi dans le village

Stéphanie nous explique que Miss Skinner a été la marraine d'Hattonchâtel, après guerre, soit il y a plus d'un siècle. Passionnée d'histoire, Stéphanie a pu, en avril dernier, faire venir Sarah Skinner  Kilborne arrière petite nièce de l'illustre bienfaitrice. Grâce aux réseaux sociaux et internet,  elle a découvert que l'américaine avait fait une thèse sur sa vie.   
Le père de Miss Skinner était un riche industriel qui possédait une manufacture de soierie à Holyoke dans le Massachusetts.(Nord Est des Etats-unis, berceau d'une des premières colonies américaines). Pourquoi s'intéresser à Hattonchâtel ? La richissime américaine avait été  marquée dans son enfance par des inondations qui ont détruit le village de Skinnerville  à côté de l'usine de son père. Comme elle connaissait le site visité lors de voyage, elle décida en voyant les destructions de la guerre d'aider les populations en difficulté et  d'adopter ce village.   

Le Château : restauré par l'architecte Jacquelin d'Evreux  après guerre et financé par  miss Skinner 
l'aile nord  est le seul vestige du  château médiéval.  A noter, le don du château à l'Évêché de Verdun par William Skinner, le frère de Miss Bell Skinner.        

La mairie école : reconstruite en 1923 grâce encore  à Miss skinner par l'architecte américain John Sanford.  On découvre une esplanade avec escalier, jardins à la française, permettant d’accéder au chemin de ronde. Le porche est en plein cintre, avec des colonnes chapiteaux, armoiries et fausses gargouilles. Le point de vue est tout à fait exceptionnel.  

                              
Lavoir Skinner  :  Il s'inspire de l'architecture japonaise avec une faible pente, pas de chéneau. Les lavandières travaillent debout. Stéphanie insiste sur ce point. La bienfaitrice a œuvré pour améliorer le confort des utilisatrices.   
Lavoir des romains : Avant guerre,  sur l'ancienne voie romaine, les habitants devaient y descendre pour laver le linge.  Il a été réhabilité  par les chantiers d'insertion et les conseils du CAUE dans les années 1990.            

6) à voir à l'extérieur
Dans la même commune mais à Creuë cette fois, en pleine forêt, on retrouve l'emplacement d'un gibet où les seigneurs de haute justice faisaient exécuter les peines en faisant sécher le corps des condamnés.                     

                
On retrouve le symbole des bois de justice sur les cartes anciennes (Cassini, Naudin). Autour, on trouvait un cabaret.  Eh oui, à cette époque, il existait des spectacles macabres. Stéphane, régional du jour fait visiter ce site en complément de celle de l'église de Creuë.
Nanou préfère l'aspect romantique d'Hattonchâtel et la vue à couper le souffle sur la plaine de Woëvre. Le spectacle des vergers en fleur au printemps.  Jean Claude rappelle qu'avec  44 ha  les  vins des côtes de Meuse sont désormais en IGP. (A noter également que depuis peu, on peut aussi goûter la bière Amara à Vigneulles).  

 Par beau temps depuis Hattonchâtel, on voit les tours du haut du lièvre de Nancy. 
Alors que vous soyez citadins ou ruraux,  venez à Hattonchâtel, l'accueil est à la hauteur et 
vous ne regretterez pas cette plongée dans l'histoire (il existe aussi une fête médiévale).
Nous vous attendons  et merci à nos hôtes.

Etienne  31 mai 2025