Gérard Roche : dix ans à la présidence du Festival de la Chaise-Dieu
Arrivé à la présidence du Festival de musique de la Chaise-Dieu en 2015, suite au décès soudain de Jacques Barrot, Gérard Roche vient de franchir le cap des dix ans à la tête de l'institution culturelle. Une expérience riche que l'ancien Sénateur de Haute-Loire évoque avec simplicité, ambition et le regard tourné vers la 60ème édition qui se tiendra en août 2026.
Gérard Roche est le président du festival de musique de la Chaise-Dieu depuis 2015 @RCF 2025Stéphane Longin : Vous semblez étonné lorsqu'on évoque vos dix ans à la tête du festival. Le temps passe vite lorsqu'on occupe cette responsabilité ?
Gérard Roche : Je dois avouer que je n'avais pas réalisé. Vous venez de me le dire et je suis surpris car je pensais que ça faisait 7 ou 8 ans que j'étais président. Mais en refaisant les comptes, vous avez raison ça fait bien 10 ans que j'ai pris la suite de Jacques Barrot.
SL : Que retenez-vous de cette décennie à la tête du festival ?
GR : Je retiens que le Festival de la Chaise Dieu est né d'un miracle. Un coup de cœur entre Cziffra et l'Abbatiale Saint Robert. C'était dans les années 1960 et depuis, sans lui, malgré le temps le Festival est toujours là et il gagne encore en notoriété et en réputation. Cela nous permet de faire partie des grands festivals de France et d'Europe alors qu'il fonctionne sur le modèle associatif et que nous savons que cela est toujours très fragile. Mais comme nous ne sommes pas une entreprise qui se contente de vendre des spectacles, notre seul but est de servir la musique. Et tout cela dans un lieu qui, par rapport à d'autres festivals, est éloigné des grands centres urbains, il faut venir à la Chaise-Dieu ! Mais c'est aussi une chance car dès que le public arrive ici, il est dans un écrin musical que beaucoup nous envie.
SL : Comment expliquez-vous cette fidélité de l'engagement bénévole au fil du temps ?
GR : C'est merveilleux de voir que toute l'année les membres du Conseil d'Administration sont en soutien de l'équipe permanente. Et, dès que l'été arrive, les administrateurs se mettent au service du festival en assurant des tâches parfois invisibles à l'accueil du public, à la boutique, au montage de la scène ou pour accompagner des artistes. Ils et elles (les administrateurs) le font avec d'autres bénévoles qui reviennent souvent tous les étés. Ils sont 172 cette année à faire en sorte que le festival se passe bien. Tout cela avec l'équipe des salariés qui est d'une très grande qualité et que je remercie pour son engagement sans faille pour le festival.
SL : Et aussi grâce au président ?
GR : Vous savez, un président c'est comme pour une réaction chimique. Il y a les ingrédients et il faut un catalyseur. Moi je suis un peu le catalyseur et comme tous les membres du conseil d'administration je suis avant tout un amoureux de musique et du festival et nous sommes donc avant tout des bénévoles passionnés. Alors évidemment pendant l'année nous sommes là pour boucler les budgets, préparer les événements et faire en sorte que la Chaise Dieu soit de plus en plus connue et que le public réponde de plus en plus présent.
SL : Vous évoquez le budget et la fréquentation. Face à la raréfaction de l'argent public, la place de la billetterie risque de devenir encore plus essentielle qu'elle ne l'est déjà ?
GR : Evidemment, mais vous savez quand j'ai débuté comme président je me disais "le public est âgé" et cela m'inquiétait beaucoup et je me demandais ce que nous allions devenir. Mais en fait, au fil des années on voit de nouveaux festivaliers arriver, un public qui reste dans cette tranche d'âge au dessus des 40 ou 50 ans. Ils ont sans doute un peu plus de moyens et ils sont attirés par la qualité de concerts et des ensembles qui viennent ici à l'Abbatiale ou dans les différents lieux où nous donnons des concerts.
Stéphane Longin : Vous posez donc un regard attentif sur la programmation ?
Gérard Roche : Non c'est Boris Blanco (le directeur du festival) qui s'en occupe. Et depuis trois ans nous voyons qu'il sait répondre aux attentes du public avec des pièces qui sont très attendues comme le Messie de Haendel, les Symphonies de Beethoven ou encore le Boléro de Ravel. Mais il sait aussi choisir les pièces plus rares qui vont ravir les mélomanes à la recherche de découvertes musicales. L'équilibre est subtil et pour l'instant parfaitement maîtrisé de sa part.
SL : Vous l'encouragez donc à continuer à programmer les plus grandes pièces du répertoire ?
GR : Vous savez la musique est inaltérable. Que l'on soit passionné par la période baroque, classique ou romantique on est toujours touché par l'interprétation d'un musicien, d'un chef ou d'un ensemble qu'on vient écouter à la Chaise-Dieu. Chacun apporte sa vision de la musique, sa coloration, sa sensibilité si bien que les pièces ne se ressemblent pas et elles semblent nouvelles à chaque fois. Je prends l'exemple du Gloria de Vivaldi joué cette année par le Concert Spirituel dirigé par Hervé Niquet. Toutes les chorales chantent un jour ou l'autre cette œuvre majeure. Vous savez que j'ai été chef de chœur amateur et j'ai entendu le Gloria des dizaines de fois, peut être même plus d'une centaine de fois. Et pourtant je l'ai totalement redécouvert avec les choix d'Hervé Niquet de faire chanter deux chœurs de femmes comme l'avait imaginé Vivaldi. J'ai eu l'impression de n'avoir jamais entendu cette musique !
SL : J'entends que vous assumez pleinement de programmer régulièrement les plus grandes partitions !
GR : Oui car la culture musicale de nos festivaliers est très grandes et ils viennent autant pour l'œuvre que pour les ensembles et leurs différentes interprétations. Les Symphonies de Beethoven, tout le monde les connait. Mais proposez l'intégrale sous la baguette de Victor Julien-Laferrière permet de les entendre totalement différemment. Son approche sans cuivres dominants est exceptionnelle et pour être un peu direct il y a moins de "fanfare" et pourtant elles sont tout aussi puissantes. Une force qu'il va chercher dans les cordes ou les autres instruments. C'est fabuleux à découvrir.
SL : Le festival peut s'appuyer sur le soutien de nombreux partenaires publics et privés. Seront-ils au rendez-vous alors que la situation politique et financière devient de plus en plus compliqué ?
GR : Pour les entreprises privées qui nous accompagnent, elles sont souvent là depuis de nombreuses années. Avec des partenaires d'une fidélité exemplaire comme Alain Mérieux qui nous aide depuis maintenant 40 ans et qu'il vient chaque année et qui aime le festival. Je pourrai en citer beaucoup comme lui, à l'image de la famille Omerin avec qui la notion de partenaire prend pleinement son sens. Cela va au delà du simple soutien financier, ce sont des amoureux du festival et du territoire. Et nous avons créé aussi cette année le cercle des amis pour les particuliers qui souhaitent nous aider avec des plus petites sommes. Mais cela donne quelques avantages mais surtout ça permet au festival de continuer à se développer.
SL : Alors que la 59ème édition se termine ce samedi soir (30 août). Êtes vous satisfait du festival 2025 ?
Gérard Roche : A part un concert à l'Abbatiale qui a eu plus de difficulté à se remplir, les autres ont été très bons en billetterie.
SL : Même les concerts en dehors de la Chaise-Dieu ?
GR : C'est en effet un peu plus compliqué. Il y a des lieux où le public est là. Mais quand la mairie qui nous reçoit pense que nous sommes qu'une entreprise qui propose des spectacles et qu'elle ne joue pas le jeu, alors c'est plus difficile de remplir. Par contre, quand la mairie comprend que nous sommes une association qui veut faire vivre la musique et qu'elle nous aide dans la communication alors on a beaucoup de monde. Cela doit nous faire réfléchir à l'avenir sur la qualité de la relation que nous tissons avec les territoires où nous prévoyons des événements.
SL : Parlons d'avenir. 2026 sera l'année du 60ème festival. Une édition anniversaire très attendue. Il y aura des surprises ?
GR : Je sais que Boris Blanco a déjà imaginé tout cela. Nous souhaitons que le public s'en souvienne, qu'elle reste gravée dans les mémoires. Je sais aussi que le directeur pense à de très grands orchestres européens comme celui de Budapest par exemple. Mais il ne veut pas trop en dire... même au président.
SL : Ce sera votre dernière édition comme président ?
GR : Je veux faire la soixantième édition en tant que président car on en parle depuis longtemps et qu'elle s'annonce exceptionnelle. Mais je suis né en 1942, et les années passent. Il faut savoir passer la main. Mais je souhaite rester dans l'équipe et m'investir aussi comme bénévole. Je ne quitterai pas le festival ! Mon épouse est aussi bénévole, on prend un gîte ici et on vit des moments extraordinaires. Donc je préfère me consacrer à ça pour l'instant.
