Georges de La Tour, humaniste du sacré
Aujourd’hui, Guillaume Goubert évoque un des grands événements parisiens de l’automne, la rétrospective que le musée Jacquemart-André consacre au peintre Georges de La Tour.
Le Nouveau-né, Georges de La Tour © Musée des Beaux-arts de RennesRétrospective que le musée Jacquemart-André consacre au peintre Georges de La Tour.
Un exposition ambitieuse puisqu’elle présente plus de la moitié de l’œuvre connue de ce peintre lorrain du XVIIe siècle. Mais il faut préciser que le nombre de tableaux attribués à Georges de La Tour est seulement de 40. Il y a là un des grands mystères de l’histoire de la peinture. Cet homme fut un artiste très apprécié de son vivant. Il entretenait un atelier important pour répondre à la demande. À tel point que certains historiens de l’art estiment qu’il a signé plusieurs centaines d’oeuvres. Beaucoup d’entre elles ont été détruites en 1638 lors de l’incendie de Lunéville, la ville où se trouvait son atelier. L
e problème c’est surtout que Georges de La Tour a été complètement oublié après sa mort. Ses œuvres ont été remisées ou attribuées à d’autres. C’est seulement au début du XXe siècle qu’un historien d’art allemand lui a redonné vie en lui consacrant un article et en lui attribuant trois tableaux. Nous en sommes maintenant à 40 et le nombre n’est peut-être pas définitivement fixé. Les spécialistes débattent encore vivement pour savoir si telle toile est de lui, de son atelier ou des copies d’originaux disparus.
Georges de La Tour suscite ainsi la passion…
À cause de cette histoire mouvementée mais aussi parce que sa peinture a de quoi fasciner. En raison de son dépouillement, très rare pour l’époque. Georges de La Tour peint sur des fonds uniformes, sans aucun décor, sinon des objets très simples une chaise, une table, un miroir. Il peint des gens ordinaires, aux visages marqués par la vie, même lorsqu’il s’agit de portraits de saints. Dans la plupart des cas, ses tableaux religieux sont épurés de références au sacré. Pas d’anges, ni d’auréoles, pas tonnerre dans les cieux. La peinture de Georges de La Tour dégage un calme assez unique.
Sa palette se limite à des tonalités assourdies, sauf quelquefois un rouge vermillon qui prend donc un relief extraordinaire. Tout comme la présence de bougies ou de chandelles dans la main d’un personnage, comme seule source de lumière du tableau.
Une célébrité pour la dimension nocturne
C’est pour cela qu’il est célèbre. Il y a dans son œuvre beaucoup de scènes diurnes, l’exposition du Musée Jacquemart-André le montre bien. Mais les tableaux les plus marquants ont cette dimension nocturne, paradoxalement apaisante. André Malraux, dans Les voix du silence, l’exprime dans une de ces phrases dont il a le secret : « La Tour est le seul interprète de la part sereine des ténèbres. »
Tout cela s’illustre particulièrement dans un tableau justement célèbre, Le Nouveau-né. Rien n’indique que cet enfant est le Christ. Mais il irradie de lumière. Une lumière dont on ne voit pas la source : la flamme de la bougie nous est cachée par la main d’une femme, assise à côté de la mère, vêtue d’une robe rouge. Les visages sont sereins. Chez Georges de La Tour, le sacré est profondément humain.
Un dernier mot. Cette rétrospective suscite déjà une grande affluence. Il est indispensable de réserver. Et choisissez de préférence un jour de semaine aux heures creuses car les espaces d’exposition de ce musée sont vraiment étroits pour ne pas dire étriqués. La peinture de Georges de La Tour ne se prête pas à la bousculade. Jusqu’au 26 janvier


Chaque mardi à 8h45, Guillaume Goubert et Simon de Monicault présentent une exposition ou un événement qui raconte l'histoire de l'art.




