Génial compositeur de musiques de films, François de Roubaix, disparaissait il y a 50 ans
Disparu brutalement le 21 novembre 1975, en mer, au large des Canaries, François de Roubaix n’avait que 36 ans. Sa carrière fulgurante aura marqué toute une génération de cinéphiles et de musiciens. Cet autodidacte, passionné d’expérimentations, a laissé une œuvre oscillant entre lyrisme et modernité, mélancolie et audace. La preuve en 7 films.
© Wikimedia. François de Roubaix dans son home studio. Ce qu'il faut retenir :
- Autodidacte, passionné d’expérimentations
- Un précurseur de la musique électronique
- Une empreinte indélébile dans l'histoire de la musique de film française
1-Dernier Domicile connu et son sample hypnotique en 1970
Le thème de Dernier domicile connu est un thème culte qui illustre à merveille la solitude et la quête obsessionnelle du personnage incarné par Lino Ventura, inspecteur de police à la recherche, en compagnie de son adjointe jouée par Marlène Jobert, d’un témoin, parti sans laisser d'adresse. Cette mélodie obsédante, dépouillée mais poignante, reste l’une des plus belles signatures musicales de François de Roubaix. Deux ans plus tôt, en 1968, José Giovanni l’avait déjà sollicité pour Le Rapace, un film d’aventures tourné au Mexique, toujours avec Lino Ventura.
2-Ventura - Delon, à la vie à la mort dans Les Aventuriers en 1967
Dans Les Aventuriers, film culte de Robert Enrico, avec Lino Ventura et Alain Delon, il est question d’amitié virile et tragique pour le duo parti à la recherche d’un trésor englouti. François de Roubaix compose une musique à la fois romantique et mélancolique. Et c’est la voix de Théo Sarapo qui immortalise la chanson-titre. Autodidacte et explorateur sonore, de Roubaix composait parfois directement en écoutant des images du film, créant ainsi la musique comme une réaction spontanée au visuel. Il aimait plus que tout mêler musique populaire, jazz, musiques du monde et expérimentations électroniques. Mais il utilisait surtout des boucles mélodiques, créant une atmosphère hypnotique et reconnaissable entre mille.
3-Le silence élevé au rang d’œuvre d’art chez Melville dans Le Samouraï en 1967
Pour les besoins du Samouraï de Jean-Pierre Melville, parangon de dépouillement et de silence, la musique de François de Roubaix épouse en 1967 la solitude glaciale d’Alain Delon alias Jef Costello. Une économie de notes, une certaine esthétique du vide pourrait-on dire et une tension palpable qui s’installe. Sans trop se tromper, on peut affirmer que le thème du Samouraï constitue l’une des partitions les plus radicales de François de Roubaix et aussi l’une des plus admirées de part la capacité à fusionner des éléments traditionnels et électroniques, dans une approche férocement novatrice.
La musique de film se situe à mi-chemin entre la musique très sérieuse et la musique de variété. Moi j’y trouve nourriture et plaisir
4-La série télé Les Chevaliers du ciel en 1968
François de Roubaix n’a pas que composé pour le cinéma, il a aussi largement collaboré pour la télévision dès les années 1965 y voyant là un champ d’expérimentations intéressant.
Que ce soit dans Les Secrets de la mer Rouge, Les Chevaliers du ciel ou Les Oiseaux rares, trois génériques mythiques de séries de la télévision française des années 60 diffusées sur la première chaîne de l’ORTF, toute l’amplitude de son orchestration y est développée. A la télé, aussi, François de Roubaix a marqué l’imaginaire collectif que ce soit pour les aventures maritimes des Secrets de la mer Rouge, les envolées aériennes du tandem composé par Jacques Santi et Christian Marin, alias Tanguy et Laverdure, ou les aventures sentimentales des sœurs Massonneau dans Les Oiseaux rares.
5-Louis de Funès explosif dans L’Homme orchestre en 1970
Le morceau Piti piti pas, extrait du film de Serge Korber L’Homme orchestre, comédie musicale pétillante avec Louis de Funès, est un exemple du plaisir que prenait François de Roubaix dans son processus de création. Le compositeur s’ amuse comme rarement, en multipliant les trouvailles rythmiques et mélodiques. Une partition joyeuse, inventive, qui montre toute l’étendue de son talent, capable de passer du polar sombre à la légèreté la plus évidente.
En 1970, Serge Korber réalise L’Homme orchestre, véritable comédie musicale avec un Louis de Funès au sommet de sa forme, plus élastique et nerveux que jamais dans la peau d’un directeur de compagnie de danse tyrannique et perfectionniste. À ses côtés, on retrouve Olivier de Funès, son fils, qui joue un assistant maladroit et rêveur par qui le scandale va arriver.
6-Boulevard du rhum et nostalgie de la Prohibition en 1971
Réalisé par Robert Enrico (déjà complice de François de Roubaix sur Les Grandes Gueules et Les Aventuriers), Boulevard du rhum réunit en 1971 Brigitte Bardot et Lino Ventura. L’action se déroule dans les Caraïbes dans les années 1920-1930, au temps de la Prohibition. Lino Ventura incarne un aventurier trafiquant d’alcool (un “rum runner”), tandis que Bardot joue, elle, une actrice hollywoodienne, rencontrée au détour de ses périples.
Ce film d’aventures, teinté de romance et d’humour, mélange la grande fresque exotique au glamour. On peut y entendre le Chant des Rum Runners, qui ouvre le film, une mélodie maritime, rythmée comme une chanson de marins, avec chœurs virils qui scandent presque une sorte d’hymne. François de Roubaix introduit des percussions évoquant la mer et les bateaux, des cuivres et bois colorés, et ce balancement régulier qui rappelle à la fois les vagues et la marche d’un équipage.
7-Le Vieux Fusil et le César posthume de la meilleure musique en 1975
En 1975, François de Roubaix signe sa dernière grande partition pour Le Vieux Fusil, là encore de Robert Enrico. Le thème Clara 1939 restera comme un sommet de lyrisme et de mélancolie. Quelques mois plus tard, le compositeur disparaît accidentellement lors d’une plongée sous-marine. Les César naissants lui décerneront, à titre posthume, la première statuette de la meilleure musique originale. Le film en remportera trois au total dont celle du meilleur long métrage et du meilleur acteur pour Philippe Noiret. À seulement 36 ans, le compositeur laisse une œuvre immense, marquée par la liberté, la modernité et une émotion intacte. François de Roubaix, c’est l’exemple d’un créateur qui a su marier la chanson populaire, le jazz, les musiques du monde et l’électronique naissante, pour inventer un langage musical unique au cinéma.


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