Marin Fouqué
" G. A. V. " (Actes Sud)
Une nuit dans un commissariat, à chaque cellule sa voix : Angel à l'étrange sourire, une jeune femme soumise au harcèlement quotidien d'un entrepôt, des émeutiers ramassés à la fin d'une marche pour le climat, un vieux manifestant brutalisé, un cadre en dégrisement, un flic exténué, un adolescent souffre-douleur…
Parias d'une nuit ou d'une vie, ils n'ont rien à déclarer, mais un destin à endosser, des circonstances à ressasser, une colère à exprimer, des espoirs à ranimer.
La chronique de Jacques Plaine
MARIN FOUQUÉ
G.A.V.
Actes Sud
Diplômé des Beaux-Arts de Cergy, Marin Fouqué vit en
Seine-Saint-Denis, anime des ateliers d’écriture, étudie
le chant lyrique et pratique la boxe française. Il écrit de
la poésie, du rap et des nouvelles. Il est actuellement en
résidence d’écriture à Saint-Étienne.
Après deux coups de feu qui ont déchiré la nuit - « c’est pas
Bagdad, ici.... T’as pas entendu ? Toi, ça fait boum-boum et
t’entends pas ? » - les flics ont fait leur marché et rempli les
G.A.V. alentour.
G.A.V. ? « Gardav’ » pour les initiés, « Garde à vue » pour
les autres.
Dans un style qui déménage - « Le style c’est l’homme »
disait Buffon - Marin Fouqué, avec des périodes longues
trois fois comme cet article, suivies de phrases mitraillettes
d’un seul mot - « Lève. Tire. Tord. Plaque » - nous fait
découvrir en 430 pages quelques citoyens du monde à
l’ADN plus proche de celui de leurs cousins de banlieue que
des bobos parigots.
Ce sont trois gamins embrigadés dans une manif suicidaire - « Nous étions vingt et cent, nous étions des milliers » et
qui se retrouveront seuls en G.A.V. Trois lascars qui ont
pour devise « rien à foutre des frontières. Partout c’est chez nous » et qui font découvrir
dans leur parlure d’émeutiers que Lanceur ou Épicier peuvent avoir un autre sens que dans
le Grand Larousse.
C’est aussi Angel qui avait seize ans à sa première interpellation « avec menottage et tout le
décorum » et qui pourrait cocher d’une croix les suivantes comme Nungesser cochait ses
victoires sur la Carlingue de « l’Oiseau Blanc ».
C’est encore un vieux maghrébin amoureux de la doyenne des grands singes de la
ménagerie de Paris, une guenon qui a connu l’enfermement toute sa vie. « À son âge, la
libérer, c’est la tuer. Merde ». C’est aussi un drôle de collectionneur qui arrache les poteaux
de signalisation, « les poteaux c’est comme la vie. C’est comme l’amour », et pour fermer le
ban et ouvrir les portes des cellules, une poétesse-manutentionnaire qui, le jour, trimbale
des caisses orange (et non pas d’oranges) et qui, la nuit, prend la plume en se rêvant
grutière, car tout là-haut dans « sa tour rouge et blanc, elle écrirait son roman, à voix
haute…».
Mais tout a une fin, les livres de 430 pages comme la taule sans même avoir besoin d’en
scier les barreaux : « J’ai le poids dans mon sac. Le poids de la liberté. Mes rotules qui
s’actionnent. Ma nuque vers l’avant. La chaîne qui craque. J’avance jusqu’à la grille…».
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