Fabien Toulmé : "Les changements de vie m'inspirent"
Un ingénieur en génie civil reconverti dans la bande dessinée. C'est le parcours de Fabien Toulmé depus 2008. Le changement de vie, un thème qui l'inspire justement, comme pour "Ce n'est pas toi que j'attendais", où il racontait sa propre histoire de papa d'une petite fille trisomique ou "l'Odyssée d'Hakim", vrai récit d'un jeune réfugié ayant fui la Syrie avec son bébé. Ce 4 septembre est sorti "Ulis", qui nous plonge dans le quotidien d'une classe d'inclusion. Coulisses de ce nouvel album et petits secrets de bonheur d'un dessinateur engagé au micro de Vincent Belotti.
© Editions Delcourt
Il s’appelle Yvan Faillez. Et ce matin-là, ce trentenaire barbu a rendez-vous avec la principale d’un collège pour préparer son entrée en tant qu’Aesh, accompagnant d’élèves en situation de handicap. C’est ainsi que s'ouvre "Ulis", une plongée dans le quotidien d’une de ces classes adaptées et pas sans rapport avec la propre histoire de l’auteur : "Je suis père d’une jeune fille qui a une trisomie 21 et qui a été scolarisée un temps dans ce dispositif. Et ma femme est elle-même AESH. Donc cette double vision m’a donné envie de raconter les destinées des jeunes et des professionnels qui y travaillent." explique l'auteur.
Tout au long des pages et des saisons, tel Ulysse, le héros grec balloté par les vents, on va suivre Yvan exercer sa mission auprès de Matisse, jeune autiste, entouré de ses camarades, Léa, Inès, Valentine, Goran et Bilal, le petit rigolo de la bande. Des handicaps divers : problèmes de vue, troubles mentaux, de langage, motricité. Mais en commun, une volonté farouche d'avancer. "Ce qui m’a touché, pendant ma période d’observation avant d'écrire cette bd, c’est leur spontanéité, leur pureté, une forme de force et de résilience." confie le dessinateur "Et a contrario, ça apprend aussi aux autres jeunes du collège à inter agir avec des gens qui ont un handicap. C’est ça, l’idée de l’inclusion."
Changements de vie
Pour autant, cet album ne fait pas l’impasse sur les difficultés du dispositif. Le manque de moyens et formation des AESH, les doutes, l’épuisement, mais aussi l’attachement à ces élèves personnifié par son institutrice, quitte à négliger sa propre vie. Lien qui se crée également peu à peu entre Matisse, débordé par ses émotions et Yvan, ex ingénieur en informatique, victime d’un burn out. Deux êtres complémentaires qui vont s’apprivoiser. "Et apprendre à donner du sens dans son travail, c’est quelque chose qui va guider Yvan pour la suite." analyse l’auteur.
Reconversion, c’est aussi le cas de Fabien Toulmé. Ancien ingénieur en génie civil, il bascule en 2008 dans la bande dessinée, suite à un séjour au Brésil et la rencontre d’auteurs. Des histoires autour des changements de vie, comme "L’odyssée d’Hakim" jeune papa réfugié ayant fui la Syrie avec son bébé ou "Les deux vies de Baudoin", trentenaire introverti atteint d’un cancer incurable et qui décide de réaliser ses envies. Un thème inspirant pour Fabien Toulmé : "Comment en dépit des obstacles qu’on traverse tous, on arrive à se reconstruire et sublimer ces difficultés pour qu’elles nous transforment positivement." En bref, heureux dans son métier. Mais quid de la vie de tous les jours ?
Questions bonheur
Quand vous voulez le matin, est-ce que c'est tout de suite de bonne humeur. Ou alors "On ne m'approche pas tant que je n'ai pas bu mon café ? "
Je dirais que si la nuit a été correcte et pas trop courte, je suis plutôt de bonne humeur, directement.
Qu'est-ce qui vous fait lever le matin ?
En fait, je pense que c'est la nécessité de préparer ma fille pour qu'elle aille à l'école.
C'est très concret, ça !
Oui, c'est très concret, donc il faut s'organiser. Et après, tout simplement, le plaisir de faire ce que je fais, qui s'appelle "un travail", mais que je ne vis pas vraiment comme un travail. C'est vraiment le goût de raconter des histoires. Et en fait, J'y pense un peu tout le temps, y compris le week-end !
Quand vous avez un petit coup de déprime, qu'est-ce que vous faites pour vous remonter le moral ?
Quand j'ai un petit coup de déprime, j'écoute de la samba, la musique brésilienne où j'ai passé un certain nombre d'années. Je crois que ça me remet dans l'ambiance du Brésil. Et même s'il pleut, ou même si je suis un peu triste, ça m'aide.
Est-ce qu'il y a une personne qui a beaucoup compté dans votre vie, que ce soit professionnelle ou privée, et à qui aujourd'hui, vous avez vraiment envie de dire merci ?
Eh bien, je vais dire merci à ma femme, Patricia, qui m'accompagne depuis très longtemps, qui m'a connecté au Brésil. Et puis là, comme une espèce de boucle, qui m'a connecté aussi à la classe Ulis où j'ai été en observation et qui m'a permis d'écrire cette bande dessinée.
Je pensais aussi aux dessinateurs que vous avez rencontrés au Brésil et qui vous ont fait passer justement à la bande dessinée.
Oui, c'est vrai. Effectivement, quand j'étais ingénieur au Brésil et que je commençais à me poser la question de devenir auteur de bande dessinée, j'ai rencontré un homme qui allait devenir un ami, qui s'appelle Daniel Brandao, qui était auteur de BD après avoir été avocat. Et ça m'a pas mal inspiré, justement dans cette trajectoire de reconversion et de voir qu'il était possible de faire de la bande dessinée un métier.
Dernière question. Vous connaissez le dicton "Pour vivre heureux, vivons cachés " mais pour vous, pour vivre heureux, il faudrait vivre comment ?
Alors, pour moi, la notion de liberté est quand même un peu le cœur de ce qui me rend heureux. Raconter ce que je veux, comment je veux, au rythme où je veux. Je pense que c'est ça, le secret de mon bonheur.
Dans Ulis, il y a ce psychiatre que Yvan consulte et qui lui pose ces deux questions : qu'est-ce que vous voulez réellement et qu'est-ce qui vous en empêche ? Deux questions essentielles que vous vous êtes posées un jour ou l'autre ?
Je pense que je ne me les suis pas formalisées comme ça, mais dans ce moment de questionnement sur pourquoi je suis ingénieur et pourquoi je ne fais pas de la bande dessinée, comme j'ai toujours voulu faire quand j'étais petit. Je pense qu'à un moment donné, j'ai dû me poser ces questions-là et probablement, J'ai dû trouver la réponse puisque j'ai réussi à enchaîner. Mais oui, c’est sûr qu'à un moment donné, je pense qu'on se les pose tous un peu et puis des fois ça vient d'une personne extérieure, comme le psy pour Ivan. Donc oui, moi, ça m'est arrivé.
Son actualité : "Ulis", un roman graphique bien documenté sur le rôle méconnu des Aesh (ex-AVS). editions Delcourt - Sortie le 4 septembre


lIs sont chanteurs, comédiens ou écrivains. Mais qu'est-ce qui les met en joie ? Chaque dimanche, à 7h42, ils livrent leurs petits secrets pour être heureux à Vincent Belotti.



