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RCF Docteur Daniel Dufour, survivre à la guerre et à ses traumatismes
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Docteur Daniel Dufour, survivre à la guerre et à ses traumatismes

RCF, le 22 août 2016  -  Modifié le 1 février 2024
Visages Docteur Daniel Dufour, survivre à la guerre et à ses traumatismes
30 après le Dr Daniel Dufour raconte sa vie de chirurgien de guerre. Ces souffrances vues de si près... et ces personnes qu'il est traumatisant de n'avoir pas pu sauver. Par Thierry Lyonnet.
Julien Faugère Julien Faugère

Dans son paisible et lumineux cabinet médical, il exerce une médecine globale, qui traite autant les causes que les symptômes. Le Dr Daniel Dufour a beaucoup écrit sur sa pratique de la médecine. Ce qu'il a longtemps caché, c'est ce que fut sa vie de la fin des années 70 au milieu des années 80. Chirurgien en zone de guerre puis coordonateur médical pour le CICR sur les points les plus chauds de la planète, il a été victime de TSPT c'est-à-dire de troubles de stress post-traumatiques.

Un jour, il a vu défiler sous ses yeux tous les visages de ceux qu'il aurait voulu soigner, "une douleur excessive" se souvient-il. Ce fut le premier symptôme des TSPT. Par la suite, ils l'ont laissé sans espoir, coupé des autres, avoir des attitudes autodestructrices... Un mal dont il a appris à guérir et qu'il décrit dans son ouvrage "J'ai failli y laisser mon âme". Un mal qu'il soigne aujourd'hui chez les autres depuis son cabinet médical en Suisse, maintenant qu'il a "retrouvé cette envie de vivre pleinement!"

Jeune homme, Daniel Dufour n'était pas spécialement épris de l'idéal d'aller sauver les populations en souffrance. "Les peuples en souffrance, je ne les connaissais pas." Quant à être médecin humanitaire, dans son milieu, c'était même "bizarre". A l'âge de 28 ans, il a posé le pied en Rhodésie-Zimbabwe: ce fut pour retrouver un ami. Mais la visite impromptue d'un hôpital l'a marqué pour le restant de ses jours. Ce sont surtout ces visages émaciés des enfants malnutris, aux yeux exorbités, qui l'ont bouleversé. Et c'est probablement dans le regard d'une petite fille que l'on avait torturée, qu'il a tourné le dos à sa vie de chirurgien aisé de Genève. "C'était un choix qui n'en était pas un, ça s'est imposé complètement."
 

"Me trouver devant une multitude d'enfants souffrants était une véritable torture.
J'aurais aimé les sauver tous car aucun ne méritait ce sort, ils étaient destinés à grandir, à s'amuser, à profiter de la vie.
Pas à mourir.
"

 

Afghanistan, Cambodge, Ethiopie... En septembre 1982, il a été le premier à entrer dans les camps de Sabra et Chatila au Liban. Deux charniers, des milliers de morts, plus âme qui vive, pas même un animal. "J'ai vu la même chose au Kurdistan." De voir tant de souffrance, cela isole, invite au repli sur soi, on ne peut rien dire à ses proches - comment trouver les mots? "On veut repartir." Etre chirurgien de guerre, ça signifie "beaucoup de blessés et pas assez de moyens médicaux". Il faut "faire le tri" entre les blessés trop gravement atteints pour pouvoir survivre, ceux qui seront opérés mais qui doivent l'être tout de suite et ceux qui attendront. Parfois, il faut sacrifier certaines personnes qui pourront être opérées au profit d'autres. Ne pas penser à tous ceux qui auraient pu être sauvés... Se dire qu'en sauver un c'est déjà quelque chose de bien... Parmi les photographes de guerre, grands reporters ou humanitaires, beaucoup sont ceux qui ne s'en sont jamais remis.

 

Entretien réalisé en juin 2016.

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©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Visages

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