Didier Van Cauwelaert; "c'est la réalité qui avait de l'imagination"
On ne le présente plus, Didier Van Cauwelaert a vendu plus de 6 millions d'exemplaires de ces ouvrages. Le natif de Nice n'en est pas forcément fier et cherche à être "fier du chemin qui me reste à parcourir". En septembre est sorti en librairies, l'Impasse des rêves chez Albin Michel
L'Impasse des rêves par Didier van Cauwelaert - Albin MichelL'homme, "très perfectionniste", ne livre ce qu'il a écrit "que lorsque j'estime que je ne peux pas faire mieux". Didier Van Cauwelaert l'assure, "rien n'est moins naturel que la fluidité" d'un livre, "tous les premiers jets sont trop compliqués, sont trop chargés. Je me donne énormément de mal pour qu'on ne sente pas justement la difficulté".
L'Impasse des rêves par Didier van Cauwelaert:
Janny Plessis, journaliste: C'est un ouvrage assez autobiographique ?
Didier van Cauwelaert: L'histoire commence avec un jeune écrivain de 20 ans qui envoie ses livres depuis l'âge de 8 ans chez les éditeurs. Et puis, il reçoit souvent une lettre de refus, une lettre type. Monsieur, nous vous avons lu avec beaucoup d'intérêt. Malheureusement, votre texte n'entre pas dans notre ligne éditoriale. Et un jour, il reçoit la même lettre avec un manuscrit qui est retourné par l'éditeur. Sauf que la lettre commence par Cher Madame et elle accompagne un manuscrit qui s'appelle "Je te tuerai dimanche prochain", signé Anaïs Forge. Il y a eu une erreur. Un comité littéraire a refusé des manuscrits. Parmi ces manuscrits, il y en a eu deux qui ont été renvoyés à leur auteur respectif avec une erreur d'enveloppe.
Et je me dis, si je reçois le texte de cette dame, fatalement, elle a dû recevoir le mien et elle est peut-être en train de le lire comme moi. Je commence cette lecture et je dis que ce point de départ est quelque chose qui a eu lieu dans ma vie. Et voilà que je tombe amoureux des les premières lignes mais de qui ? De l'héroïne, de la narratrice, de cette sorte d'alter égo féminin qui me ressemble tellement par l'état d'urgence de l'écriture, l'élan narratif, l'imagination, l'humour, la détresse mise en forme. Si c'est tout inventé, c'est extraordinaire parce qu'on y croit totalement. Bref, je n'ai qu'une envie, c'est de nous mettre en contact avec elle, comme peut-être elle en vit si elle est en train de lire mon livre, sauf qu'il n'y a pas de téléphone sur son manuscrit, il y a une adresse. Et voilà, je prends ma voiture et je mets l'adresse en question pour la rencontrer.
Janny Plessis: Je voulais revenir aussi sur votre père qui est assez présent dans ce livre. Vous lui rendez hommage à votre façon ? Est-ce bien à lui que vous devez votre carrière d'écrivain ?
Didier van Cauwelaert: C'est à lui que je dois mon identité, mon besoin d'écrire, parce qu'il me racontait des histoires dès la naissance qui étaient extraordinaires. J'avais un feuilleton avec un épisode chaque jour et je voulais moi aussi raconter des histoires, faire aussi bien, faire rêver les autres, les faire rire, les inquiéter, mais je n'avais pas les moyens à l'oral de raconter aussi bien que lui. Alors, quand j'ai appris à écrire à l'école, je me suis dit que les mots, ça sert à raconter des histoires. Et en plus, je vais écrire des livres, je vais les faire publier, ils vont toucher, comme ça, des inconnus partout dans le monde et des gens qui rentrent vraiment dans mon univers sans que je les connaisse.
C'est ça une vocation d'enfant, c'est aussi simple que ça. Et là, je n'ai pas arrêté d'écrire. À partir de ce moment-là, je suis rentré vraiment en vie active et d'écrivain et j'écrivais tout le temps, je faisais plus un devoir en classe pour avoir tout mon temps disponible pour mettre en forme des histoires. Alors, vos lectrices vont découvrir le jeune homme idéaliste que vous étiez à cette époque, ce mélange d'audace et de doute, d'ambition littéraire malmenée par les éditeurs, avant que l'un d'entre eux vous fasse confiance.
Janny Plessis: Avez-vous revécu cette période avec plaisir ?
Didier van Cauwelaert: Je ne suis pas un nombriliste autocentré. Ce qui m'importe, c'est de revoir les gens de cette époque, ceux qui ont été les acteurs, les personnes actives de la manière dont j'ai réalisé mon rêve. Et beaucoup ont disparu, malheureusement. Donc, les remettre en vie, c'est un privilège de romancier. Donc, quand je remets en vie mon premier éditeur, Jean-Marc Roberts, par exemple, oui, c'est une vraie émotion. Quand je remets en scène et en vie mes parents, c'est la même chose. Vous savez, le roman, c'est la vérité du romancier, parce qu'on n'est plus prisonnier de l'exactitude. On cherche la vérité derrière les faits trompeurs, derrière les interprétations parfois inappropriées, derrière les non-dits, derrière les édulcorations.
c'est la réalité qui avait de l'imagination
Janny Plessis: Vous parliez des gens que vous faites revivre. Je pense qu'Anaïs, votre héroïne, elle est toujours vivante. Il y a une partie de suspense, d'intrigues policières. Comment Anaïs a-t-elle reçu cette adaptation de votre histoire d'amour ?
Didier van Cauwelaert: Alors, je ne vous dirai pas ce qui est vrai, ce qui est inventé. Parce que c'est tellement passionnant d'entendre des lecteurs et des journalistes dire ça. On sent que c'est vrai, ça ne peut pas s'inventer. Or, justement, ils parlent d'une chose que j'ai inventée. Or, c'est la réalité qui avait de l'imagination. En l'occurrence, ce n'était pas moi. Donc, c'est une lecture. La lecture d'un livre, c'est le moment où le livre n'appartient plus à l'auteur, ce sont les lectrices et les lecteurs qui décident, ça c'est vrai, donc ça, c'est vraiment quelque chose que mon commentaire n'a pas le droit d'empiéter. L'essentiel, c'est qu'on croit à cette histoire comme c'est le cas et qu'on soit touché par elle et qu'on sente combien moi-même elle m'a remué.
Janny Plessis: Je suppose que ce livre est déjà un succès...
Didier van Cauvwelaert: Oui, et ce qui me touche, c'est justement de voir combien les lecteurs ont refait ce parcours avec moi, de discernement et de plaisir d'être brouillé, de se faire avoir tout le temps le long de la lecture. Et ce n'est pas juste une question de rebondissement, de fausse piste. Je ne savais pas ce qui était vrai, ce qui était faux. Est-ce que vraiment cette femme qui a tué son mari ? Est-ce que vraiment quelqu'un s'est servi de ce qui était dans le livre pour le faire ?
L’Impasse des rêves
Romand de Didier van Cauwelaert
Editeur : Albin Michel
240 pages – 21,90 €


Une émission proposée par Janny Plessis, à la rencontre des acteurs de Sophia-Antipolis.
