Comment transmettre et éduquer à l’heure de Chat-GPT, sans céder à la peur ni à l’enthousiasme naïf ?

L’IA nous challenge dans ce que nous sommes profondément : il faut choisir ce que nous voulons devenir

Depuis vingt-cinq ans, Jean Pouly observe le numérique non depuis les machines, mais depuis les humains. Ce qui le passionne : la manière dont la technique transforme nos relations, notre pensée, notre créativité. L’arrivée de l’intelligence artificielle, qu’il qualifie de « rupture peut-être encore plus importante que l’arrivée d’Internet », l’a décidé à faire le point. Il n’écrit « ni en technophile, ni en technophobe », mais en père et en éducateur : « Même moi qui travaille dans le numérique, je me suis retrouvé en difficulté pour transmettre à mes enfants un usage juste des technologies ».
S’appuyant sur la notion de pharmakon originaire du grec ancien et repris par Stiegler, il rappelle que toute technologie contient à la fois son remède et son poison. D’où la nécessité d’un discernement éclairé : « On ne peut pas éviter certaines doses de poison, mais on peut trouver des antidotes plus forts ».
Le premier défi : comprendre ce que fait l’IA à notre humanité, en bien comme en moins bien. Le second : se préparer à une révolution du travail, dans un monde où les machines prétendent nous libérer du labeur.
Le travail, rappelle-t-il, ne se résume pas à produire : « C’est aussi créer, être en lien, participer à la société ».
Alors que faire de ce temps gagné ? Continuer à accélérer, ou inventer de nouvelles manières d’être au monde ?

Former autrement et reprendre le pouvoir sur nos usages

L’IA bouleverse en profondeur notre rapport à l’apprentissage : « L’école n’a plus le monopole de l’accès au savoir depuis longtemps ». Entre webinaires, applications ludiques et agents conversationnels disponibles 24h/24, chaque individu peut désormais apprendre « de partout ». Mais cette ouverture appelle une vigilance éducative : « Tant qu’on ne s’est pas construit, c’est délicat de donner des IA trop jeunes à des enfants ». 

Une IA peut devenir orthèse, qui augmente, ou prothèse, qui remplace. La question n’est donc pas de diaboliser, mais de discerner : développer d’abord des compétences fondamentales, attention, concentration, créativité, avant d’introduire ces outils. Et reprendre le pouvoir sur des technologies conçues pour capter notre temps et notre regard : « Notre attention, c’est ce qui nous permet d’être présent au monde. Quand vous avez 5 à 7 heures d’écran par jour, qu’est-ce qu’il reste ? »
Il invite ainsi chacun à remettre le smartphone « à sa juste place », en particulier dans ces moments où, à force de filmer un concert ou de partager sa vie, on finit par moins la vivre.

Les machines vont trop vite. Un humain, lui, est limité et c’est ce qui fait sa nature

Une invitation : éduquer, discerner et devenir encore plus humains

Jean Pouly nous invite à relever un défi : maintenir ce qui fait la singularité humaine : émotions, subjectivité, mémoire imparfaite, créativité, incarnation, profondeur intérieure. Il évoque aussi les enjeux éthiques posés par des technologies « d’inspiration transhumaniste » : « Le risque serait de vouloir être comme les machines. Quand on accélère trop, on finit par se perdre ». Face à des outils sans limites, il invite à retrouver la nôtre, non pas comme une faiblesse, mais comme un repère pour vivre, décider, aimer et créer avec justesse.
Avec ses douze défis accessibles et concrets, Jean Pouly propose un chemin pour habiter l’âge de l’IA sans s’y dissoudre. Une démarche pédagogique, simple et profonde, qui ouvre un espace de dialogue entre parents, enfants et éducateurs. Et, à travers ses ateliers Smartphone Show@, il poursuit ce travail de terrain pour aider chacun à retrouver un usage plus libre, plus ajusté, plus humain du numérique.
Un livre pour comprendre notre époque, et une interview pour nourrir l’envie d’en parler en famille.