Camping en France : du bivouac au 5 étoiles, un succès historique

Entre tradition populaire et évolution vers le confort moderne, le camping demeure un pilier du tourisme français. Grâce aux analyses précises d’Olivier Sirost, il est possible de mieux comprendre comment cette pratique a traversé les époques, évolué avec la société, et conquis le cœur des vacanciers… sans jamais renier ses racines.

Aux origines du camping : un retour à la nature face à l'urbanisation

Chaque été, des millions de Français choisissent le camping pour leurs vacances, en tente, en caravane ou en mobil-home. Mais cette pratique populaire puise ses origines bien plus loin qu'on ne le pense. Selon Olivier Sirost, sociologue et écrivain spécialisé dans les loisirs et le plein air, "l'idée, c'est quand même globalement, au XIXe siècle, de s'extraire des métropoles, avec la pression, évidemment, urbaine, le travail à la chaîne, la pollution qui commence à être montrée du doigt".

Retrouver un air sain, pur, salubre.

À cette époque, les premières formes de camping apparaissent à travers des initiatives éducatives et spirituelles. "On voit se monter des coopérations dans des mouvements, par exemple, catholiques, protestants, dans beaucoup de mouvements de jeunesse qui vont se former en France dans les années 1910", explique Olivier Sirost. Ces groupes sont à l'origine du camping moderne, que l'on retrouve aussi dans des pays comme l'Angleterre ou l'Allemagne.

Le cyclotourisme, très en vogue dès la fin du XIXe siècle, favorise également ce mode de vacances. Le Touring Club anglais, fondé en 1875, encourage les citadins à "se déshabituer de leur mode de vie urbain", pour "retrouver un air sain, pur, salubre", dans un contexte de pollution et d'épidémies liées au travail industriel.

L'explosion du camping populaire : congés payés, progrès sociaux et municipalisation

Le véritable tournant pour le camping en France intervient avec l'arrivée des congés payés sous le Front populaire. Selon Olivier Sirost, "il y a une production absolument folle de 350-400 films qui font la promotion du plein air et du camping, financés par l'État, financés par les compagnies de chemin de fer, financés par certaines industries". Ces films mettent en avant le plein air comme un symbole de liberté, de santé, et de bonheur familial.

D'un phénomène associatif, le camping devient un enjeu politique et social. En 1933 naît l'Union française des associations de campeurs, et dans les années 1950, de nombreuses municipalités ouvrent leurs propres terrains. Comme l'indique Olivier Sirost : "On arrive à une situation française où, dans les années 1970, pendant la période des Trente Glorieuses, encore une fois, on a en France un camping majoritairement associatif et de gestion municipale."

Le camping sera confortable et familial ou il ne sera pas.

Cette démocratisation s'accompagne d'une amélioration des équipements. Une célèbre formule du Touring Club résume cette évolution : "Le camping sera confortable et familial ou il ne sera pas". Cette volonté de rendre le camping accessible à tous trouve son apogée dans les années 1980 avec "un million de caravanes qui circulent sur le territoire français", comme le souligne encore Olivier Sirost.

Une nouvelle ère : confort, luxe et transformation des attentes

Aujourd'hui, le camping a beaucoup évolué, s'adaptant aux nouvelles attentes des vacanciers. La France est le premier pays européen en nombre de campings, avec plus de 7 000 établissements. 

Il y a une nouvelle bascule du camping.

Mais les pratiques ont changé : les campeurs veulent plus de confort, de services, et parfois même du luxe. Olivier Sirost analyse ce phénomène : "On s'aperçoit que la bascule des années 2000 vers l'habitat léger de loisirs, le mobil-home, les parcs résidentiels de loisirs, a fait que, majoritairement, on a des campings 3 et 4 étoiles, donc piscines, Wi-Fi, tous les services à proximité." 

La montée en gamme continue avec l'apparition des campings 5 étoiles, qui représentent "11% des emplacements", soit autant que les terrains non classés d'autrefois. Cette transformation reflète une forme de gentrification du camping, portée notamment par les effets post-Covid et les nouvelles préoccupations environnementales. Comme le résume Olivier Sirost, "tout cela semble avoir favorisé une nouvelle bascule du camping".