Romilly-sur-Seine
Bruno Fron : médecin de famille, bien plus qu'un métier !
En pleine crise du système de santé, alors que les Français s'inquiètent devant la désertification médicale, on prend conscience de l’importance des médecins généralistes. Et plus particulièrement des médecins de famille. Un métier que Bruno Fron exerce depuis 40 ans avec passion. Témoignage.
L'attachement des Français au médecin de famille, le Docteur Bruno Fron en sait quelque chose. Il a ouvert son cabinet en en 1985 à Paris. Dans son premier ouvrage, "Toute une vie pour eux" (éd. L'Iconoclaste), il raconte son métier, sa passion. 40 ans de pratique médicale et surtout de rencontres et d'expériences humaines.
J’ai travaillé 70 heures par semaine. Aujourd’hui les jeunes ont sans doute raison de ne faire que 35 ou 40 heures. Mais donc il en faut deux pour en remplacer des comme moi
70 heures de travail par semaine
Dixième d’une famille de onze enfants, plutôt tournés vers l’ingénierie, Bruno Fron n’était pas destiné à devenir médecin. C’est une malencontreuse "bêtise" de jeunesse qui va changer la donne. Alors qu’il se frotte le torse de glaçons en plein été, il souffre d’une pneumonie et se retrouve aux urgences. "J'ai découvert un monde, une espèce de ruches. On a pris soin de moi, j'étais quelqu'un, un sujet de soin et c'était une découverte", raconte-t-il.
À son tour, Bruno Fron a voulu prendre soin des autres, être au cœur de la vie des personnes, "cheminer avec eux", comme il dit. Plus que le progrès de la science, c’est dans la rencontre avec les autres, "l’inattendu qui arrive en chair et en os dans [son] cabinet", que Bruno Front s’épanouit. Et ce malgré, les horaires à rallonge. "J’ai travaillé 70 heures par semaine. Aujourd’hui les jeunes ont sans doute raison de ne faire que 35 ou 40 heures. Mais donc il en faut deux pour en remplacer des comme moi", calcule-t-il. Car le médecin généraliste est désormais à la retraite, ou plutôt en cumul emploi retraite et continue de travailler presque tous les jours, en médecine généraliste ou en psychiatrie, à laquelle il s’est formé dernièrement.
Le goût des visites à domiciles
Parmi ses missions les plus chronophages, mais aussi les plus enrichissantes à ses yeux : les visites à domicile. "Avant de prendre ma retraite j’en faisais mille par an et maintenant j’en fais plus que 600. À l’époque, c’était dans la culture, il n’était pas question de ne pas faire de visite. J’étais ravi, je courais partout, je montais les escaliers, je ne me posais pas la question", raconte-t-il.
Aujourd’hui, de moins en moins de médecins effectuent ces visites car elles sont insuffisamment payées compte tenu du temps passé. La revalorisation de cet acte est d’ailleurs l’une des revendications actuelles. S’il comprend le désintérêt des jeunes pour ces visites à domicile, Bruno Fron ne peut pas s’en passer. "Je ne peux pas abandonner mes patients qui ont maintenant 80 ou 90 ans et qui ne peuvent plus se déplacer, et parce qu’on découvre des choses tout à fait étonnantes, quand quelqu’un m’accueille dans son intimité", sourit-il.
"Une personne malade s’inscrit dans une histoire familiale"
Connaître son patient mieux que personne, c’est d’ailleurs l’autre avantage du médecin de famille : "On voit les gens naître, grandir, s’unir, divorcer, se remarier... ça apporte une confiance renouvelée et la capacité de contextualiser le symptôme. Une personne malade s’inscrit dans une histoire familiale. Et ça nous permet d’avoir beaucoup de renseignements sur l’histoire de la personne et ça ce n’est pas négligeable pour la médecine générale." Bruno Fron n’a d’ailleurs jamais voulu faire autre chose que généraliste. "Pour moi c’est absolument unique. On part de quelque chose de brut. À partir d’un petit fil, on déroule la pelote et là on va découvrir ce qui embarrasse cette personne. C’est la première ligne", estime-t-il.
Accompagner plusieurs générations dans toutes les étapes de leur vie le confronte nécessairement à la finitude et à la mort. Mais cela fait partie du travail, souffle-t-il. "On tient parce qu'à côté de ça, il y a des choses étonnantes. C’est une curiosité qui n’est jamais assouvie, mais c’est vrai que des fois on est découragé parce que c’est trop dur", admet-il. S’il s’estime chanceux d’aimer encore passionnément son métier alors que certains de ses confrères sont désabusés, Bruno Fron sait bien qu’il devra arrêter un jour. "Là, j’ai beaucoup de difficulté à envisager d’arrêter, mais il va bien falloir physiquement un jour ou l’autre le faire. La vie, la finitude, me rattraperont."
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