Barrage de Guerlédan : un siècle d'électricité au coeur de la Bretagne
À cheval entre le Morbihan et les Côtes-d’Armor, le barrage hydroélectrique de Guerlédan est un monument du patrimoine énergétique breton. Construit il y a près d’un siècle et exploité par EDF, il alimente aujourd’hui environ 15 000 habitants. S'il est habituellement fermé au public, RCF a pu entrer au cœur de ce lieu pour comprendre son histoire et son fonctionnement.
L'usine hydroélectrique se trouve en contrebas du barrage. © Alix BertelootÉrigé en 1930, le barrage de Guerlédan est l’un "des plus vieux barrages de France", rappelle Hervé Cureau, médiateur à l’Électrothèque du lac de Guerlédan, musée consacré à l’électricité situé à deux kilomètres de l’ouvrage. L’idée de ce barrage remonte au lendemain de la Première Guerre mondiale, à une époque où l’électricité restait rare et où l’on cherchait "des alternatives au charbon importé d’Angleterre", de plus en plus coûteux. L’objectif était clair : produire de l’électricité pour répondre à une demande croissante et alimenter tous les secteurs, des transports à la mécanisation des fermes et des usines.
En 1921, Joseph Ratier, alors sous-préfet de Pontivy, imagine de barrer le Blavet au niveau de l’écluse de Guerlédan, sur le canal de Nantes à Brest, afin d’y installer une grande usine hydroélectrique. Il est rejoint dans ce projet par Auguste Leson, ingénieur concepteur, originaire de Pontivy. De cette collaboration, naîtra la construction du barrage de Guerlédan.

Fini de construire en 1929
Les travaux, étalés sur sept années et interrompus "pendant un an et demi pour des raisons techniques et financières", aboutissent en 1929 à la mise en service de l’ouvrage de type "barrage-poids". Après avoir coulé 110 000 m³ de béton coffré, un mur de 45 mètres de hauteur s’élève, surplombant l’usine hydroélectrique, qui sera opérationnelle un an plus tard, avec la création du lac de Guerlédan.
Long de 12 km, le lac a englouti une partie de la rivière du Blavet et demeure aujourd’hui le plus grand lac artificiel de Bretagne avec une retenue de 51 millions de mètres cubes d'eau. Son aménagement a profondément transformé le paysage environnant et modifié les modes de vie locaux. "L'électricité va progressivement arriver un peu partout dans tous les domaines de la société, souligne Hervé Cureau, et notamment suppléer la main d'œuvre".

De l'électricité pour 15 000 personnes
Aujourd’hui, la centrale hydroélectrique produit 28 millions de kWh par an, soit la consommation annuelle de plus de 15 000 habitants. C'est l'équivalent d'une ville comme Pontivy. Une production considérable dans une région comme la Bretagne "en déficit d'électricité". Exploitée par EDF, elle tourne grâce à quatre groupes de production, activés principalement en fin de journée, lorsque la demande est la plus forte.
Le fonctionnement de l'installation repose sur le principe d’un moulin à eau : "on va ouvrir une vanne de tête qui se situe en haut du barrage, ce qui va permettre à l'eau de passer dans les conduites forcées", explique Nicolas Champsaur, responsable d’exploitation du groupement d’usines de Guerlédan. "Ces tuyaux vont permettre à l'eau de gagner en vitesse, qui arrive ensuite dans la turbine", colorée en bleu.
La chute de 40 mètres entraîne ainsi la rotation des roues de la turbine, qui font tourner les alternateurs, peints entièrement de rouge, puis passent par les transformateurs avant de générer de l'électricité et d'arriver dans les foyers. Ce modèle hydraulique repose donc sur une "énergie renouvelable", sans émission de CO2.

Un multi-usage de l'eau
Mais le barrage ne sert pas qu’à produire de l’électricité. L’eau joue plusieurs rôles essentiels. "Premièrement, c’est une réserve d’eau potable", précise Nicolas Champsaur. Elle alimente de nombreuses stations de pompage situées sur le Blavet ou le lac de Guerlédan ; et permet aussi de maintenir le niveau du Blavet pendant l’été afin "de sauvegarder la faune et la flore".
L’eau est également utilisée par diverses industries pour le fonctionnement ou le refroidissement de leurs machines, ainsi que par les bases de loisirs locales pour des pratiques comme le kayak ou le ski nautique.
Parmi toutes ces activités, "la production d'électricité n'est pas forcément prioritaire sur ces autres usages", ajoute celui à la tête du site, expliquant qu’en période de sécheresse, les services de l’État arbitrent entre les différents usages. "Il y a des instances qui se mettent en place avec tous ces acteurs et chacun met ses besoins sur la table."

Pas de vidange à venir
Un moment crucial dans la vie d’un barrage est la vidange. Sur Guerlédan, la dernière a eu lieu en 2015, laissant le lac totalement à sec. "Un moment important et très impactant", reconnaît Nicolas Champsaur.
De nos jours, "des drones sous-marins équipés de capteurs et de caméras acoustiques" permettent de contrôler l’état du barrage, sans avoir à le vider. Ces appareils détectent les fissures de l’ordre du millimètre, et si nécessaire, des plongeurs ou cordistes peuvent intervenir. Interrogé sur la possibilité d’une future vidange, la réponse du responsable est claire : "Non, ce n'est pas prévu pour tout de suite."



Ici en Bretagne offre un récit autour d'un sujet à portée régionale, qui privilégie le témoignage et donne à entendre un lieu, un évènement, des faits historiques, des initiatives de groupes ou individuelles...




