Avec sa louange acoustique, Florine Smith réconcilie les sensibilités chrétiennes
Originaire du diocèse de Lille, elle a rejoint Lyon pour participer à l'École Pierre en 2022. Après un passage par l’incubateur Mauve de Sébastien Corn, elle a sorti le 1er juin 2025 son tout premier EP, « Proche ». Florine Smith est une des nouvelles voix de la louange francophone qui veut réconcilier toutes les sensibilités chrétiennes. Rencontre.
Florine Smith a sorti son premier EP à l'été 2025 - © RCF LyonRCF Lyon : Comment vous sentez-vous après la sortie de ce premier EP ?
Florine Smith : Je suis très heureuse, soulagée d'avoir fini ces deux ans de travail qui ont mené à cet EP. Je suis très contente aussi des retours très positifs que j'ai eus. Tout le monde a une chanson préférée différente donc je me dis que chaque chanson a trouvé sa place dans le cœur de quelqu'un. C'est un objectif atteint.
RCF Lyon : L'EP, c'était l'objectif que vous vous étiez fixé il y a deux ans ?
F.S : Oui. En fait, j'avais eu l'occasion de sortir des compositions pendant l'année à l'École Pierre et j'avais envie de lancer mon propre projet et de continuer à composer. Je me suis lancée tout de suite dans la composition de cet EP et voilà ! Ça a pris deux ans mais ça en valait la peine.
RCF Lyon : Cet opus est inspiré de plusieurs psaumes et de vos temps d'intimité avec le Seigneur. Qu'est-ce que vous avez voulu transmettre à ceux qui vous écoutent ?
F.S : Ce que j'ai voulu transmettre tout d'abord, c'est la présence de Dieu. Ce sont des paroles et des mélodies qui rendent Dieu proche, d’où le titre de l’EP, « Proche ». Je pense que Dieu est toujours proche même si nous, on peut se sentir un peu plus loin. C'est notamment les paroles de la chanson « Tu es là » : que je sois loin ou proche, Dieu, tu es là.
RCF Lyon : Vous avez des influences assez indé, vous aimez aussi les chansons à texte. Votre musique, c'est votre voix, très acoustique, avec des chansons intimistes et priantes. Qu'est-ce qui vous inspire ?
F.S : C'est déjà ma prière. Je peux me poser au piano ou à la guitare, jouer des accords et prier en chantant de manière spontanée. Alors il y a une phrase qui revient, qui peut devenir un refrain et je peux partir de là pour composer une chanson. Parfois, je lis un Psaume ou un autre texte de la Bible et une parole m’interpelle parce que c'est une notion qui est un peu différente de ce qu’on peut aborder d’ordinaire. Par exemple, le titre « Comme un enfant » est inspiré du psaume 130 : « Comme un enfant dans les bras de sa mère, je trouve la paix quand je suis dans les bras de Dieu. » Pour moi, ça parlait d'un amour maternel de Dieu qu'on entend peu alors qu’il est présent plusieurs fois dans la Bible. J'ai eu envie de mettre ça en valeur dans une chanson et j'ai eu des retours de personnes qui avaient besoin d'une mère à ce moment-là et qui ont pu trouver cette présence de Dieu un peu plus maternelle.
RCF Lyon : Les Psaumes sont une bonne source d'inspiration pour créer de la musique ?
F.S : Oui, parce que ce sont des chants de louanges ! C'est poétique, ça parle de tous les états d'âme dans la foi et ce ne sont pas que des choses joyeuses, c'est une palette d'émotions dans laquelle on peut piocher. Ce qui est beau, c'est de composer des nouveaux chants, des nouveaux psaumes finalement, même si on peut s'inspirer des anciens.
RCF Lyon : Dans ce projet, vous avez été accompagnée par l'incubateur artistique Mauve, qui a fêté son premier anniversaire début 2025, fondé par Sébastien Corn. Comment cet incubateur vous a-t-il aidé à créer votre propre identité musicale ?
F.S : La réussite d’un projet tient dans ce qui le différencie des autres. Et c'est le but de Mauve : nous aider à voir ce qui, dans notre projet, fait notre spécificité. Ce qui peut me différencier, c'est que j'aime vraiment prendre du temps pour écrire les textes. Parfois, les musiciens sont plus passionnés de musique, moi je suis plus passionnée par l'écriture des paroles que des mélodies. Et Mauve m'a permis d'aller au bout du projet, d'avoir des retours sur mes chansons pour les améliorer, à la fois de Sébastien Corn, qui est vraiment un expert dans le milieu, et de tous les autres artistes de l'incubateur.
RCF Lyon : Vous aviez besoin d'un nouveau coup de pouce après l'École Pierre ?
F.S : Les deux formations étaient complémentaires. Après l'École Pierre, je me suis mise à plein temps sur ce projet. Je travaillais comme surveillante d'internat la nuit mais mes journées étaient vraiment dédiées à ça. Et au bout de trois mois, j’ai réalisé que je n'arrivais pas à avancer seule. J'avais besoin d'un cadre, de rendez-vous réguliers, de retours sur ce que je faisais, de direction. Donc ça m'a vraiment permis d'aller au bout de ce projet.
RCF Lyon : À 14 ans vous pensiez devenir religieuse. Aujourd'hui, vous avez 22 ans, vous êtes mariée. Quand avez-vous décidé de servir l'église par la musique ?
F.S : C'est vrai qu'à 14 ans, j'ai cru avoir un appel à la vie religieuse. Pendant deux ans, j'ai nourri cet appel et ça a fait grandir en moi un désir de donner ma vie radicalement au Seigneur. Finalement, j'ai compris que c'était un autre appel, je suis mariée depuis septembre 2025 et très heureuse de l'être ! Je faisais des études d'ortho-prothèse et au bout d'un an et demi, j’ai réalisé que ce n’était pas pour moi. Je me suis souvenue de l’idée d’étudier le chant que j’avais dans l’adolescence et j'ai discerné que le Seigneur m'appelait à chanter pour Lui dans l’église et à utiliser ma voix pour aider les gens à mettre le Seigneur au cœur de leur vie. Donc j'ai arrêté mes études et je suis entrée à l’École Pierre, c’était pour moi l’évidence pour se lancer dans ce milieu. Aujourd'hui, je vis jour après jour cet appel. Ce n’est pas forcément évident parce que ce n’est pas un métier facile mais ça commence à être un quotidien que j'appréhende de mieux en mieux. C'est beau de voir les titres sortir, les retours des personnes qui commencent à écouter et qui sont touchées.
RCF Lyon : À peine lancée dans la musique, vous racontez dans « Comme un enfant » que vous avez complètement remis en question votre carrière. Qu'est-ce qui s'est passé ?
F.S : C’était pendant ces trois mois entre l’École Pierre et l'incubateur Mauve, c'était très difficile pour moi d'être seule. Je viens d'une famille nombreuse, j'ai l'habitude d'être toujours avec du monde et là, je passais mes journées seule chez moi pour travailler la musique. Je manquais d'un cadre clair donc j'avais pas mal de moments de découragement. Le problème avec un métier où on ne va pas au travail tous les matins, c'est qu'on peut remettre en question ce qu'on va faire dans la journée donc parfois c'est difficile de se lever. J’ai composé « Comme Un Enfant » dans ce moment où j'avais du mal à apprécier ce métier. Mais la présence du Seigneur était quand même là et même si je n’allais pas bien, je prenais des temps de prière, j'étais pas loin de Dieu. Je pleurais souvent parce que je lâchais tout devant le Seigneur et cette chanson parle vraiment de la prière, de ce moment d'intimité où on peut recevoir comme un câlin de Dieu, où on peut être consolés par le Seigneur.
RCF Lyon : Le 4e titre de cet EP, « Privilège » revient sur la grâce d'être près de Dieu ?
F.S : Oui, j'avais envie de proposer un titre plus dynamique. Naturellement, j’écris des chants assez calmes et j'avais envie de montrer ce côté plus joyeux que j'ai beaucoup au quotidien. J'aime tout ce qui est très coloré donc cette chanson c'est aussi dire l’énorme joie que c’est de suivre le Seigneur, de Le connaître et d'avoir son bonheur tous les jours.
RCF Lyon : Finalement la vie d'artiste est une forme de vie consacrée à Dieu ?
F.S : Oui parce que ça n'a pas de sens sans la présence de Dieu. Je n'aurais pas fait de musique si ce n'était pas pour Dieu parce que c'est difficile et que j'ai d'autres passions. Vraiment, je le vois comme une vocation. Ce n’est pas de l'évangélisation mais c’est pour exhorter les chrétiens à aller plus loin dans leur relation avec le Seigneur.
RCF Lyon : Vous êtes très touchée par les divisions dans l'église. La musique peut devenir un pont entre les différentes sensibilités ?
F.S : La musique est un très bon moyen de réconcilier les gens. L'unité entre les différentes confessions chrétiennes se fait beaucoup à travers des événements de louanges mais cette même louange peut diviser à l'intérieur de l'Église catholique parce que certains sont plus sensibles à des musiques traditionnelles avec du chant grégorien, de l’orgue. Par exemple, des prêtres refusent la batterie dans leur église donc n’accueillent pas de concert de louange. J'ai voulu proposer une louange un peu moins polémique, avec des instruments et une voix douce pour plaire à des personnes qui aiment moins les musiques plus pop. J'ai eu un beau témoignage sur les réseaux sociaux d'une jeune fille qui n’aimait pas du tout la louange mais mon album l’a aidé à prier alors qu’elle n’écoute que du chant grégorien.
RCF Lyon : Les Guetteurs, Hopen, Glorious… Malgré tout, les boys band de la pop louange ont encore de beaux jours devant eux ?
F.S : C’est vrai que, surtout dans la louange catholique, c'est beaucoup de groupes type boys band. Ça commence avec Glorious puis Hopen, Be Witness, Praise, Les Guetteurs aussi, même si c'est un autre style. Et je pense qu’on commence à avoir des artistes plus féminines avec Pauline Bétuel, Alizée qui est évangélique, et j'ai aussi envie de porter une voix plus féminine. On peut proposer un autre style, quelque chose de plus indé, poétique, acoustique.


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