Aux Îles Féroé, entre falaises, moutons et foi
Perdues dans les eaux glacées de l’Atlantique Nord, entre l’Islande, la Norvège et l’Écosse, les Îles Féroé forment un archipel de dix-huit îles balayées par les vents, habitées par quelque 55 000 âmes… et trois fois plus de moutons. Si elles semblent isolées, elles n’en sont pas moins reliées au monde : leur économie, tournée vers la pêche et l’élevage du saumon, exporte jusqu’en Europe, en Chine et aux États-Unis.
panorama thorsavnQuand on survole les îles Féroé, on a l’impression de voir une « griffe » de terre au beau milieu de la mer de Norvège. Les eaux froides de ce bassin nordique se faufilent entre les montagnes et forment des fjords, au bord desquels s’installent des villages aux maisons blanches ou colorées, souvent coiffées de toits d’herbe. En traversant en voiture ces petits centres, on constate facilement combien ils sont choyés par leurs habitants.

D'autre part, les Iles Féroé et son peuple, sont animés par une riche culture, des traditions et une foi toujours vivante en Jésus Christ. C’est ce qu’a pu constater l’équipe de RCF Loiret lors d’un reportage réalisé sur place (à réécouter en 2 épisodes : premier épisode, deuxième épisode) , en partenariat avec la compagnie Atlantic Airways qui relie l’archipel à plusieurs villes européennes, dont Paris (entre le printemps et l’automne). Au cœur du G Festival, événement musical mêlant artistes locaux et internationaux, la journaliste a rencontré Anna Jensen, membre du Parlement féroïen et consul honoraire de France dans l'archipel. Fière de ses racines, elle confie : « Les Îles Féroé sont en plein milieu de l’océan. On croit que nous sommes isolés, mais nous sommes au centre d’un carrefour maritime. Nous avons eu un rapport constant avec le monde, même si peu de gens savent combien notre société est développée, riche en culture et en industrie. »

Anna Jensen insiste sur le contraste entre l’image extérieure d’îles reculées et leur réalité moderne et créative. « Quand je suis venue en Bretagne, cela m’a rappelé mes îles : les falaises, la végétation, le vent. Mais nous ne sommes pas figés dans le passé : notre société est très développée, surtout grâce à la pêche et à l’élevage du saumon qui nourrissent le reste de notre économie », explique-t-elle. Ces deux secteurs représentent l’essentiel des exportations, et le saumon féroïen finit parfois dans nos assiettes françaises.
Pourtant, la vie féroïenne ne se résume pas à ces industries. « Nous avons une tradition orale très forte », souligne Anna Jensen. « Nous n’avions pas d’écriture avant le XIXᵉ siècle, alors notre littérature est jeune. Mais nous chantons des histoires très anciennes, des sagas, des épopées venues de toute l’Europe. » Cette mémoire chantée se retrouve dans les danses traditionnelles, pratiquées en cercle au son de ballades entonnées à l’unisson. « Quand je danse, je ressens la communauté dont je fais partie, explique-t-elle. On chante sur des thèmes très anciens et profonds ; c’est revitalisant. »
La nature omniprésente façonne aussi leur mode de vie : pas d’arbres, des collines rases, une lumière presque continue en été et des nuits interminables en hiver. « Les Féroïens ont une vie d’été et une vie d’hiver, confie Anna Jensen. L’hiver, tout se passe à l’intérieur ; nos maisons sont grandes et conviviales. En été, on sort, on crée des événements et on dort peu pour profiter de la lumière. » Cette alternance influence jusqu’à la cuisine : poissons et viandes fermentés ou séchés l’hiver, plats plus légers l’été. Même la chasse communautaire à la baleine-pilote, très encadrée, relève d’un équilibre ancestral : « C’est une tradition qui se fait avec respect pour ce que donne la nature. »
Enfin, Anna Jensen rappelle que ces îles aux allures de bout du monde possèdent aussi une vie politique bien affirmée : « Nous avons un Parlement très ancien, qui date de l’an 800 environ, comme celui d’Islande. Nous disposons d’une large autonomie, même si nous faisons encore partie du royaume du Danemark. La défense et la politique étrangère sont danoises, mais tout le reste est de notre responsabilité. » Élue elle-même au Parlement, elle incarne cette nouvelle génération de responsables politiques attachés à conjuguer traditions et ouverture au monde.
Le G! Festival, une plongée dans la culture Féroïenne
Chaque été le G! Festival transforme le village de Syðrugøta, en un théâtre musical hors du commun. Sur plusieurs scènes, installées sur la plage ou le terrain de foot, on peut assister à des concerts d'artistes locaux ou étrangers. En déambulant dans le village on se retrouve cœur de la vie locale et on est accueillis avec chaleur par les habitants. Ce rendez-vous de trois jours mêle panorama spectaculaire, héritage historique et ambiance intime. Depuis 2002 le G! Festival est un rendez-vous incontournable de l'été féroïenne, offrant une diversité musicale étonnante. L'édition 2026 du G! Festival aura lieu du 16 au 18 juillet 2026. D'ici la vous pourrez retrouver les vidéos tournées par l'équipe de RCF Loiret, sur le compte Instagram de la radio.
Une terre façonnée par le christianisme
Mais ce qui frappe aussi dans cet archipel, c’est l’ancrage profond du christianisme. Dès les VIᵉ–VIIᵉ siècles, des moines irlandais et écossais y auraient abordé, apportant l’Évangile. Après une parenthèse païenne, le roi Olaf de Norvège réintroduisit officiellement le christianisme au Xe siècle. Six siècles de catholicisme laissèrent des traces, comme les ruines de la cathédrale Saint-Magnus, avant que le luthéranisme ne devienne religion officielle au XVIᵉ siècle.
Aujourd’hui, la majorité des habitants appartient à l’Église luthérienne des Îles Féroé, la FolkaKirkjan. Steintóra Gleðisheygg Joensen, pasteure à la cathédrale de Tórshavn, explique : « Même si les gens ne viennent pas toujours au culte, ils sont très attachés à la Bible. Les marins la lisent quand ils naviguent. Certains disent : « Je suis chrétien, je ne vais pas au culte, mais je crois. » Pour toucher ceux qui hésitent à franchir le seuil de l’église, la paroisse a ouvert une « maison jaune » : « Nous y proposons du café après le culte, des projets sociaux, des activités pour enfants, des conférences… », détaille-t-elle.
Cette ouverture reflète l’évolution d’une Église longtemps perçue comme rigide : « Avant, chacun restait dans son Église. Aujourd’hui, nous organisons chaque année un culte œcuménique commun », souligne la pasteure Gleðisheygg Joensen.


Une Église catholique discrète mais vivante
La présence catholique, elle, reste modeste. Réapparue en 1931, elle s’organise autour d’une unique paroisse et d'une seule église catholique appelée "Mariukirkjan" (l'église de Marie, ndlr) à Tórshavn. Christian Gabrielsen, diacre permanent, en assure le fonctionnement au quotidien : « Nous vivons comme une paroisse normale, mais d’une manière étrange, car nous dépendons du diocèse de Copenhague. Or, la plupart des catholiques ici ne parlent pas danois, donc nous devons faire notre propre liturgie. » Les prêtres se succèdent souvent pour seulement trois dimanches ; la communauté repose donc beaucoup sur les laïcs.
Longtemps, les Franciscaines Missionnaires de Marie ont joué un rôle essentiel dans l’éducation et la vie paroissiale, avant de quitter l’archipel faute de relève. « Quand elles sont parties, des laïcs ont pris le relais », raconte M. Gabrielsen. Malgré les difficultés, il garde espoir : « J’ai toujours dit qu’il y aura une sainte paroisse, que les paroissiens deviendront des saints et que ce sera un lieu de paix. »
Chaque année, la messe de Noël célébrée à Tórshavn est diffusée à la radio nationale et suivie par un large public, y compris de non-chrétiens : signe que, même minoritaire, le catholicisme rayonne encore.

Des jeunes croyants assumés
À côté des luthériens et des catholiques, les églises évangéliques et pentecôtistes connaissent un dynamisme croissant. À Oivik, David Jacobsen, pasteur de l’Église pentecôtiste Emmanuel , évoque un environnement favorable : « Dans la plupart des écoles, il y a une prière le matin : on chante un hymne et on prie le Seigneur. » Sa fille, Joan Jacobsen, jeune croyante engagée, témoigne : « Je porte un sweat sur lequel est écrit : “Jésus t’aime”. Même sans parler aux gens, ils voient que Jésus les aime. »
Pour elle, l’adolescence peut être un moment délicat pour vivre sa foi, face aux pressions du groupe : « Beaucoup ont peur d’être jugés. Mais tout dépend de votre base solide. » Son père acquiesce : « Si vous êtes clair dans vos opinions, les gens respectent ça. »
Aux Féroé, même la nature semble porter un message spirituel. « Dans la nature, vous voyez les empreintes digitales de Dieu », s’émerveille David Jacobsen. « Il y a une beauté unique dans nos îles. » Une beauté qui, pour beaucoup, nourrit la foi et l’espérance.
En dépit de la sécularisation qui touche aussi cet archipel — l’Église luthérienne rassemblait 85 % de la population en 2000 contre 76 % aujourd’hui —, plus de 60 églises parsèment toujours les îles. Et le visiteur, qu’il débarque par le ciel ou la mer, ne peut que constater combien la foi et la culture continuent ici de battre à l’unisson, au milieu des vents, des chants et des falaises.


Aux Féroé, l’hélicoptère qui relie… et émerveille
Parmi les quelque soixante églises que compte l’archipel, certaines se trouvent dans des villages reculés, accessibles non seulement par la route ou la mer, mais aussi en hélicoptère grâce au service assuré par Atlantic Airways (notre partenaire dans ce voyage). Ce lien aérien est essentiel pour les habitants : il maintient un contact régulier entre les îles, même lorsque les autres moyens de transport sont interrompus par la météo ou les distances.
Survoler les Îles Féroé à bord de ces hélicoptères, c’est bien plus qu’un simple trajet. En quelques minutes, on passe d’une île à l’autre en admirant du ciel les falaises vertigineuses, les fjords profonds et les villages aux maisons colorées. Le vol devient une expérience à part entière, mêlant confort, sécurité et émerveillement, et offrant un point de vue unique sur la beauté brute de l’Atlantique Nord. Plus qu’un moyen de transport, c’est un véritable voyage au-dessus des nuages, où chaque instant se grave en souvenir.



Chaque semaine, RCF vous propose de découvrir le parcours extraordinaire d'un acteur loirétain qui a traversé les frontières pour découvrir un pays, une culture et un peuple. Et il revient à chaque fois avec des souvenirs plein la tête à nous partager !



