Au Théâtre Vilar, l'exigence et l'accessibilité
A Louvain-la-Neuve, le théâtre Jean Vilar vient de faire peau neuve. Institution culturelle majeure de la province du Brabant wallon, le lieu veut rendre le théâtre accessible, tout en maintenant son niveau d'exigence. La nouvelle saison promet une trentaine de représentations aux amateurs et aux publics les plus variés.
Le Théâtre Jean-Vilar de Louvain-la-Neuve s'est considérablement transformé. Ce 12 septembre, les amateurs ont pu découvrir les nouvelles infrastructures de ce lieu culturel phare dans le Brabant wallon, qui proposera d'ailleurs une trentaine de spectacles pour la saison 2024-2025. Emmanuel Deconinck, directeur du Théâtre, explique les nouveaux aménagements.
Amélioration des qualités techniques et de l'accueil
C’est l’apparence d’un ancien bâtiment emblématique de la ville de Louvain-la-Neuve qui disparaît. Une histoire qui démarra avec les prémices de la ville universitaire à la fin des années 1960. Le théâtre était déjà l'activité culturelle principale des habitants à l’époque ?
Emmanuel Dekoninck : déjà, à la fondation de Louvain-la-Neuve, Armand Delcampe et les équipes de “l'atelier théâtre” ont débarqué d'abord à la ferme du Blocry et puis, à partir de 1979, ils ont occupé le bâtiment où se trouve aujourd’hui le nouveau théâtre, dont l’affectation était initialement prévue pour un réfectoire et un self-service du restaurant universitaire.
Effectivement, le théâtre s’appelait d'abord “le théâtre de Louvain-la-Neuve”, il est devenu par après le théâtre Jean Vilar, était là effectivement ; on peut dire que, depuis la fondation de Louvain-la-Neuve, il s’agit d’un lieu emblématique de la ville universitaire.
Place à la modernité et à une remise au goût du jour après deux ans et demi de travaux. Quelles ont été les contraintes techniques et urbanistiques de ce nouveau projet d'aménagement du Vilar ?
E. D. : soulignons plusieurs objectifs. Tout d’abord, il y a celui qui était de tourner le théâtre vers le coeur de la ville pour le rendre plus accueillant. Des grandes baies vitrées ont été placées pour inviter les spectatrices et les spectateurs à entrer dans le lieu. Nous avons souhaité améliorer les espaces de convivialité - tels que le bar -, rassembler les équipes administratives en construisant des bureaux spacieux pour accueillir tout le personnel du théâtre.
D’autre part, nous avons voulu améliorer la salle et les qualités techniques de celle-ci ; le confort des spectatrices et des spectateurs et pour cela, il nous fallait gagner de la hauteur, parce qu'on sait qu'au théâtre, les dégagements des décors et du matériel de lumière se font souvent vers le haut - ce qui n'était pas possible précédemment compte tenu de la disposition de la salle avant les travaux. Cette hauteur, les architectes ont eu l'excellente idée de la gagner non pas vers le haut, mais vers le bas, puisque Louvain-la-Neuve repose sur une dalle de béton. Concrètement, ils ont percé et découpé la dalle sur la surface de l'entièreté de la salle de spectacle pour la descendre d'un étage, ce qui permet de gagner de la hauteur. Aujourd'hui, la salle se situe au -1 par rapport à la dalle principale de la ville, et le public arrive par le haut de la salle à savoir, le niveau 0.
Cela signifie donc que chaque spectateur, où qu'il soit dans la salle, a une vue et une qualité d'écoute presque similaires ?
E. D. : Oui c'est exactement ça. Le projet a vraiment privilégié la qualité à la quantité. Nous disposons de 385 places et la particularité, c'est qu'absolument toutes sont excellentes, ce qui correspond à notre désir de pouvoir offrir à chaque spectatrice et à chaque spectateur des conditions optimales.
Augmentation de la fréquentation culturelle
Les travaux ont été entrepris dès la sortie de la période de pandémie du Covid. Avez-vous observé une relance dans la fréquentation des activités culturelles après les confinements ?
E. D. : après le Covid, les gens avaient un grand désir, un besoin d'art vivant, d'être face à des êtres humains qui leur racontent des histoires, être face à des propositions esthétiques réelles, et pouvoir partager ça ensemble avec les autres spectateurs, et aussi avec les artistes sur le plateau. Après le confinement, le public est revenu en masse. Et ici, au Théâtre Jean-Vilar, ces trois dernières années, les spectatrices et les spectateurs étaient présents et ça, c'est vraiment formidable ! Précisons que le projet a commencé à prendre forme il y a 10 ans, mais l'aboutissement a pris beaucoup de temps. Notre joie, c'est qu'à Louvain-la-Neuve les publics sont très présents.
Le Vilar, vous le voulez ouvert à tous les arts vivants ?
E. D. : oui, bien sûr, nous sommes un centre scénique et nous avons donc vocation d'accueillir tous les arts vivants. Aujourd'hui séparer le théâtre de la danse ou du cirque, ça n'a vraiment pas beaucoup de sens ; la plupart des spectacles sont d'ailleurs hybrides. Dans tous les spectacles, il y a souvent des moments dansés, chantés, on mêle aussi des pratiques diverses comme la magie nouvelle. Au-delà de ça, nous désirons proposer une grande diversité, à la fois dans les textes et par rapport à l’esthétique.
Le théâtre est une expérience collective, le théâtre c'est l’art de partager une parole, c'est un art humain par excellence où la rencontre constitue l'essentiel de la représentation !
Porter le nom de "Vilar", qu'est ce que ça signifie pour vous ? En quoi sa personnalité se révèle-t-elle encore aujourd'hui dans l'aménagement du nouveau bâtiment ?
E. D. : c'était une idée du comédien Armand Delcampe de nommer le théâtre du nom de ce metteur en scène. J'en suis vraiment très heureux parce qu’il est vrai que Jean Vilar a une vision emblématique du théâtre. Pour lui, il fallait que le théâtre soit une démarche populaire de grande qualité, une démarche généreuse et en même temps très exigeante. L'enjeu est d'amener au théâtre des publics divers - en ce compris populaires - qui parfois n'ont pas dans leur culture ou dans leurs habitudes de venir au théâtre, et de leur proposer des spectacles qui leur soient accessibles, c'est-à-dire contenant en eux-mêmes les codes de compréhension. Mais il faut être vigilant pour que cette offre ne se fasse pas au détriment d'une qualité, d'une exigence et d'un travail esthétique.
Être un théâtre vilarien demeure une exigence. Il nous faut être extrêmement vigilant aux constructions narratives des spectacles qu'on propose. Ce qui nous permet, pour le reste, d'avoir les paroles les plus diverses, y compris très subversives, mais aussi des esthétiques très diverses, n’excluant pas qu’elles soient contemporaines. D’ailleurs, le fil rouge de cette nouvelle saison sera axé sur la diversité et l'exigence, mais aussi sur la générosité. Nous ne souhaitons pas que le public se sente dévalorisé. Les propositions sont donc celles qui permettent les rencontres entre le plateau et le public, ce qui reste l'enjeu principal de la représentation. Le théâtre est une expérience collective, le théâtre c'est l’art de partager une parole, c'est un art humain par excellence où la rencontre constitue l'essentiel de la représentation. Avec tout cela, il nous faut veiller à attirer les publics dans leurs diverses sensibilités artistiques !
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