Apprentissage de la musique : le solfège, vilain petit canard ?

Un article rédigé par Pierre Raoux - RCF, le 21 juin 2024 - Modifié le 21 juin 2024
Je pense donc j'agisApprentissage de la musique : le solfège, vilain petit canard ?

Cursus normal de l’apprentissage de la musique pour certains, le solfège est redouté par de nombreux aspirants musiciens. Souvent décrit comme poussiéreux, complexe et rébarbatif, il est parfois relégué au rang de "vilain petit canard" de l’éducation musicale. Cette réputation est-elle justifiée ? Une émission Je pense donc j’agis présentée par Melchior Gormand.

Photo d'illustration © Pexels / ShvetsaPhoto d'illustration © Pexels / Shvetsa

Plein le Do du solfège ? Cet enseignement qui hante encore certains musiciens n’est peut-être pas aussi négatif qu’il ne porte à croire. Trouvant leurs origines dans la première strophe de l'hymne pour saint Jean-Baptise, les notes de musiques sous leur forme écrite sont étudiées lors du solfège. On y apprend aussi la lecture des partitions, qui favorisent le pratique en groupe, au sein d'un orchestre. Le solfège est même très bénéfique pour les enfants, leur facilitant l’apprentissage d’autres matières comme les mathématiques. Alors pourquoi est-il vu aussi négativement ?

Solfège, formation musicale : de quoi parle-t-on ?

Remplacé en 1977 par le terme formation musicale, le solfège “partait de l’apprentissage du langage musical pour ensuite apprendre aux élèves à faire de la musique", d’après Florent Cholat, professeur de formation musicale et vice-président de l’Association des Professeurs de Formation Musicale (APFM). Ce changement de nom est à l’origine d’une transformation de l'enseignement de la musique pour les plus jeunes : “La formation musicale aide aujourd’hui le jeune apprenti à se former et à apprendre son instrument, contrairement au solfège qui avait une connotation très stricte, un enseignement magistral et déconnecté de la pratique, en étant plus axé sur l’étude théorique”, le professeur de musique. C’est pour cette raison, entre autres, que cet enseignement est moins redouté par les élèves, il part de méthodes d’apprentissage actives (apprendre en faisant) pour ensuite faire le lien avec le répertoire et la théorie musicale.

Pourtant, Hervé Platel, professeur de neuropsychologie à l’Université de Caen, explique que l’étude théorique reste très importante pour apprendre à faire de la musique : “En partant du répertoire de musiques préexistantes, on peut comprendre les rouages de la musique, comment et pourquoi certaines œuvres musicales sont si spéciales”. Le solfège reste donc un enseignement, bien que complexe et rébarbatif, très important pour comprendre comment la musique fonctionne, et pour pouvoir les lire les partitions.

La formation musicale aide aujourd’hui le jeune apprenti à se former et à apprendre son instrument, contrairement au solfège.

En plus d’apprendre ces bases, il a aussi un effet bénéfiques sur le cerveau, d’après le professeur de neuropsychologie : “Les musiciens qui maîtrisent le solfège sont une population d’intérêt pour l’étude de la neuroplasticité, la capacité du cerveau à s’adapter en réponse à de nouvelles expériences. Les études ont prouvé que des compétences comme la lecture rythmique et la lecture mélodique d’une partition nécessitent différentes zones du cortex cérébral selon l’exercice demandé.”

Les élèves en ont-ils toujours plein le Do du solfège ?

Aujourd’hui, cette formation musicale est redoutée par de nombreux enfants, mais aussi par d’anciens élèves, qui la trouvaient trop compliquée et théorique, comme Hugues, auditeur de RCF : “J’ai fini mes études de solfège, mais non sans difficultés. Ce qui ne me plaisait pas, c’était le manque de pratique et la surabondance d’enseignement théorique”, une critique que comprend le professeur de formation musicale Florent Cholat : “Dans ces cours, bien que la pratique de l’instrument soit importante, elle n’est pas nécessaire à chaque cours, et bien souvent, l’étude des partitions se fait sans l’aide d’un instrument”.

Ce qui ne me plaisait pas, c’était le manque de pratique et la surabondance d’enseignement théorique.

Cette difficultés dans l’apprentissage peut aussi être due à la personnalité de l’enfant : “Comme pour tout, cet apprentissage dépend de l’enfant et de ses affinités avec la musique : certains apprécieront l’aspect théorique et d’autres non. Au final, malgré les difficultés, l’enfant sera toujours heureux de s’être accroché et de voir ses efforts récompensés”, explique Hervé Platel.

Pourtant, cette difficulté se retrouve aussi de l’autre côté du spectre : chez l’enseignant. “Il est nécessaire de redoubler d’imagination quand on enseigne à dix ou quinze élèves, car chacun aura sa méthode d’apprentissage, ses forces et ses défauts”, explique Florent Cholat. Il faut aussi être très attentifs, pour savoir si tous les élèves suivent et comprennent le cours : “En plus de rechercher constamment des techniques inventives d’éducation, il faut être en mode "radar" permanent, c’est-à-dire à l'affût des difficultés de certains élèves, et adapter son cours de façon adéquate” ajoute-t-il.

Une formation musicale qui a des vertus

Malgré certaines difficultés qu’ils rencontrent dans l’apprentissage de la musique, les enfants en tirent de nombreux bienfaits : “On remarque souvent un "effet solfège" chez les enfants qui en font. Ils développent de meilleures performances de mémoire immédiate, mais aussi des facilités à l’apprentissage de l’écriture, la lecture et des mathématiques”, remarque Hervé Platel.

Mon neveu est autiste, et malgré son retard de langage, il joue du piano comme un génie, et cela lui fait beaucoup de bien.

En plus de ces capacités cognitives, ils développent aussi leur empathie selon le professeur de neuropsychologie : “L’orchestre El Sistema au Vénézuela recueille des enfants dans le besoin et leur apprend à jouer de la musique et à performer sur scène”. Mais ils apprennent aussi à jouer en groupe et à se coordonner d’après Isabelle, auditrice de RCF : “J’ai proposé de faire un orchestre dans le collège où j’enseigne, et j’ai dû refuser que certains élèves jouent car ils ne savaient pas lire de partitions, qui sont essentielles pour bien se coordonner dans un orchestre”.

Mais ces bienfaits sont aussi présents chez des personnes atteintes de troubles mentaux, comme l’autisme d’après Anne-Marie, fidèle auditrice de RCF : “Mon neveu est autiste, et malgré son retard de langage, il joue du piano comme un génie, et cela lui fait beaucoup de bien”, Hervé Broutel partage cette opinion, et y ajoute quelques précisions : “Les enfants autistes ont une sensibilité remarquable, et malgré un retard de langage très commun chez eux, ils ont une certaine sensibilité aux vibrations sonores, mais aussi une grande facilité à associer image et son, rendant la lecture de partitions très simple”.

J’ai dû refuser que certains élèves jouent car ils ne savaient pas lire de partitions.

En plus d’avoir des bienfaits pour les autistes, la musique a aussi prouvé son efficacité et ses vertus pour des personnes atteintes de schizophrénie, selon Florent Cholat : “J’ai pu faire cours à des personnes schizophrène, et des études que j’ai pu menées ont révélées que la musique apporte des améliorations sur le plan neurocognitifs pour ces personnes, prouvant que la musique peut être aussi bien utilisée pour faire de l’art que pour ses vertus thérapeutiques”.

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