André Manoukian : "La Sultane", un voyage entre Orient et Occident
À la Cigalière de Sérignan, André Manoukian a offert un concert d’une intensité magnétique autour de son nouvel album La Sultane. Entre jazz et résonances arméniennes, improvisations flamboyantes et héritage ancestral, le pianiste a entraîné le public dans un voyage où chaque note semblait relier Orient et Occident. Une soirée suspendue, profondément humaine, qui révèle plus que jamais l’âme du musicien.
André Manoukian, compositeur, pianiste et conteur d’histoires musicales © Antoine JaussaudAndré Manoukian, surtout connu du grand public comme ancien juré de La Nouvelle Star, est avant tout un pianiste et compositeur de jazz profondément curieux et ouvert aux influences du monde. Après cinq albums, il revient en 2025 avec La Sultane, un disque nourri par ses racines arméniennes et le dialogue entre Orient et Occident. RCF l’a rencontré avant son concert du 6 décembre à La Cigalière de Sérignan.
Un album comme une traversée intérieure
Avec ce nouvel album, André Manoukian poursuit un chemin artistique entamé il y a déjà plusieurs années, celui de la redécouverte de ses origines arméniennes. Une exploration qu’il décrit avec une joie presque enfantine :
C’est comme si on m’avait fait un cadeau et qu’on m’avait offert une nouvelle palette, avec une cinquantaine de couleurs supplémentaires.
Dans la musique orientale, les possibles semblent infinis, rappelle-t-il : 2 gammes en classique, 7 en jazz… et une cinquantaine dans les modes orientaux. De quoi ouvrir une porte immense, un territoire d’improvisation où le piano s’autorise toutes les audaces.
Cette source, il l’a rencontrée par hasard, lorsqu’on lui demande de composer la musique d’un documentaire sur l’Arménie. Étincelle fondatrice.
Lui qui raconte son enfance entre Beethoven et Sheila découvre alors une musique-monde, matrice de notre propre patrimoine occidental. Il évoque avec passion les chants chrétiens du premier siècle qui résonnaient d’accents orientaux.
La Sultane s’inscrit donc dans un mouvement de retour aux origines… mais un retour ouvert, tendu vers l’universel.
Tout le paradoxe est de partir du terroir pour aller vers l’universel. Si on reste dans le terroir, on fait de la musique folklorique. Ce qui m’intéresse, c’est de partager ce que j’aime, simplement.
Une trajectoire artistique qui se déploie encore
À ce stade de sa carrière, cette tournée est une étape féconde et vivante. Manoukian le dit avec évidence : il continuera d’explorer les musiques arméniennes. Comment y renoncer, alors qu’elles ont permis à son piano de trouver une voix plus vaste encore ?
Les mélodies populaires arméniennes ont quelque chose d’universel. Une mélodie, c’est déjà une histoire. Les Arméniens sont des conteurs.
D’autres projets viendront, plus jazz, plus collaboratifs aussi. Mais ce fil oriental, ce lien charnel entre récit, improvisation et mémoire, restera présent.
À la Cigalière : quatre solistes, un souffle commun
Sur scène, André Manoukian conçoit le concert est un organisme vivant, une rencontre, un moment unique qui n’existera plus ensuite. À Sérignan, l’alchimie a été immédiate, avec un véritable quatuor de solistes, où chacun lançait une note qu’un autre attrapait pour la transformer en arabesque nouvelle.
À ses côtés, Mosin Kawa, maître du tabla indien, venu de Jaipur, pulsation profonde qui relie l’Inde, la Perse, l’Orient et l’Occident dans un même continuum musical, Guillaume Latil, violoncelliste au lyrisme charnel, capable de faire sonner son instrument comme une voix humaine et Gilles Coquard, contrebassiste aux solos mélodiques d’une rare finesse.
Improvisations, respirations partagées, lente montée d’intensité… Manoukian a offert un moment de transmission, manière sincère de relier passé, présent, émotions intimes et souffle collectif.





