78e Festival de Cannes : quatre ans après « Titane », Julia Ducourneau revient avec « Alpha », un huis clos familial immergé dans les années sida.
Palme d’or surprise et pour le moins innovante avec « Titane » en 2021, Julia Ducourneau revient en compétition avec « Alpha », un film qui ressemble d’abord à une histoire de famille : Alpha, une adolescente de 13 ans, vit seule avec sa mère. Au cours d'une fête, la jeune fille se fait tatouer un "A" sur le bras à l’aide d’une aiguille.
Julia Ducourneau en conférence de presse © Brigitte LepageDécouvrant cela, sa mère, médecin, s’inquiète et l'emmène faire des analyses de sang. Un virus dont on ne dit pas encore le nom a commencé à tuer ceux qui l'ont contracté. Quelques jours plus tard, Alpha découvre Amin, son oncle, installé sur un matelas à même le sol de sa chambre, complètement jeté.
Les années sida
C’est que derrière cette histoire en huis clos familial, Julia Ducourneau parle des années sida, ce virus qu’à l’époque on n’osait pas appeler par son nom, comme si ceux qui l’avaient contracté avaient quelque chose de honteux en eux.
Dès les premières images de « Alpha », on retrouve l’univers très singulier de la cinéaste française, un univers fait de corps torturés jusqu’à la décomposition, de sang qui gicle et d’une musique violente. Il y est aussi question d’un vent rouge qui dessèche les corps. À moins que ce ne soit la poussière des corps des malades du sida en décomposition.
L’exploration obsessionnelle des corps
Avec son troisième long-métrage, la cinéaste française poursuit son exploration obsessionnelle des corps de manière charnelle avec des seringues plantées dans les bras, dans le ventre ou dans un doigt, avec du sang qui coule. Mais elle y ajoute une dimension fantasmagorique quand ses malades du sida au corps asséché et décomposé deviennent de véritables sculptures d’albâtre, des sculptures mortuaires.
Derrière cette exploration des corps, Julia Ducourneau nous parle du rejet des autres, ici les malades du sida. On pourrait aussi y voir les victimes de la Covid et son discours pourrait être perçu de façon plus universelle encore. Elle évoque aussi la dichotomie entre médecine et croyances.
Quant à son casting, il n’a rien d’un casting cinq étoiles, à première vue du moins : Mélina Boros est Alpha, Golshifteh Farahani, l’actrice iranienne est la maman et Tahar Rahim, César du meilleur acteur en 2010 pour « Un Prophète », est le tonton, probablement le plus impressionnant des trois protagonistes.
