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78e Festival de Cannes : « Jeunes mères » des frères Dardenne, le portrait très juste d’une réalité sociale entre ombre et lumière.

78e Festival de Cannes : « Jeunes mères » des frères Dardenne, le portrait très juste d’une réalité sociale entre ombre et lumière.

Un article rédigé par Pierre Germay, au Festival de Cannes - le 23 mai 2025 - Modifié le 26 mai 2025

C’est le dernier jour de la compétition que Jean-Pierre et Luc Dardenne ont présenté leur nouveau film, « Jeunes mères », leur dixième sélectionné à Cannes, excusez du peu. Et c’est à pied qu’ils sont arrivés au bas des marches avec toute l’équipe du film.

Ovation triomphale pour les frères Dardenne lors de la projection officielle © Pierre GermayOvation triomphale pour les frères Dardenne lors de la projection officielle © Pierre Germay

Cinq jeunes filles mères

« Jeunes Mères », c’est l’histoire de cinq filles-mères, cinq adolescentes, Jessica, Perla, Julie, Ariane et Naïma, qui sont hébergées dans un foyer d’accueil, « une maison maternelle » de la région liégeoise où elles reçoivent l’aide, les conseils et l’accompagnement nécessaire pour affronter leur situation et espérer donner à leur enfant une vie meilleure.

Le récit des frères, empreint de réalisme et d’humanité, explore les tribulations semées d’embuches de ces cinq adolescentes qui tentent toutes de se reconstruire malgré les abandons, les addictions ou les troubles psychologiques venus de l’enfance. L’une a été abandonnée à sa naissance, une autre affronte une mère toxique. Mais elles tentent coûte que coûte de survivre.

Vers un cinéma social plus optimiste

Ce faisant, les frères dressent le paysage d’un monde saisissant, interpellant, un monde qui se déroule à notre porte mais qu’on feint trop souvent de ne pas voir. Cela dit, si leur dernier long-métrage s’inscrit dans la tradition du cinéma social qui leur est cher, il marque une réelle évolution vers un propos moins sombre et plus optimiste.

C’est que « Jeunes mères » laisse la place à une lueur d’espoir. En effet, les frères ne se contentent pas de montrer la vie en maison maternelle comme le ferait un documentaire avec toutes ses vicissitudes : la crise sociale, le chômage, les dettes, la caution locative impossible à payer….

Entre ombre et lumière

Non, les frères saisissent des moments de grâce où, à travers de petites choses du quotidien apparemment anodines, ici un rire partagé ou le choix d’un prochain repas en commun, là un geste tendre envers leur enfant, ces jeunes femmes se libèrent du poids de leur histoire et entrevoient une échappatoire à leur condition.

Et puis, dans ce foyer d’accueil, elles trouvent une famille de substitution, un peu de chaleur humaine et une belle solidarité face aux imprévus. Alternant ombre et lumière, les frères Dardenne révèlent la force insoupçonnée de ces adolescentes qui résistent face à un destin qui semblait écrit d’avance.

Film choral

Et outre, « Jeunes mères » est un film qui ne se focalise plus sur un seul personnage principal. Et ça, c’est nouveau : « Le Fils » en 2002, « L’Enfant » en 2005, et « Le Gamin au vélo » en 2011 abordaient déjà le thème de la progéniture mais leur titre se déclinait chaque fois au singulier. Pour la première fois, Jean-Pierre et Luc Dardenne abordent ce sujet au pluriel, faisant ainsi de leur film un film choral. Ce n’est donc pas juste une question de syntaxe.

Et les jeunes pères, où sont-ils ? Mis à part Dylan, l’un des jeunes hommes qui assume pleinement sa paternité récente et ne rejette pas la mère de son enfant, les pères des Dardenne sont aux abonnés absents ! Peur de s’engager, fuite face à leurs nouvelles responsabilités ?

Caméra à l’épaule dans le terroir liégeois

Sur la forme, les frères restent fidèles à leur façon de tourner : caméra à l’épaule, visages plein écran ou trois-quarts de dos, ça n’a pas changé. Et des bus du TEC brinquebalants ou une mobylette pétaradante sillonnent toujours des quais de la Meuse entre Seraing et Ougrée : les paysages enracinés dans le terroir liégeois sont toujours leur terrain de jeu préféré.

Le choix des actrices

Par deux fois, les frères Dardenne ont fait le choix d’actrices déjà confirmées comme Cécile de France dans « Le gamin au vélo » en 2011, et Marion Cotillard dans « Deux jours, une nuit » en 2014. Sinon, ils ont toujours eu l’art de choisir des actrices non professionnelles avec un flair étonnant.

Qu’il suffise de se souvenir d’Emilie Dequenne dans « Rosetta » ou de Déborah François dans « L’Enfant » : c’est grâce à eux qu’elles ont obtenu un premier rôle d’une carrière de comédienne qu’elles n’avaient même jamais osé imaginer.

Pour « Jeunes mères », Jean-Pierre et Luc Dardenne ont opté pour de jeunes  comédiennes débutantes, Babette Verbeek (Jessica), Elsa Houben (Julie), Janaïna Halloy Fokan (Ariane), Lucie Laruelle (Perla) et Samia Hilmi (Naima). Certaines ont déjà quelques films à leur actif ou ont joué dans des séries télé. Leur côté débutantes renforce l’authenticité des émotions.

Une troisième palme d’or historique ?

Déjà palmés d’or à deux reprises avec « Rosetta » en 1999 et « L’enfant » en 2005, les frères peuvent-ils rêver d’une troisième Palme ?

Au terme de la projection officielle, le public du Grand Théâtre Lumière leur a réservé une ovation triomphale, Jean-Pierre Dardenne ayant du mal à dissimuler son émotion. Qu’en sera-t-il des membres du jury cannois présidé par l’actrice Juliette Binoche : auront-ils été sensibles au portrait plein de tendresse de ces cinq jeunes femmes devenues maman trop tôt ? Réponse ce samedi sur le coup de 20 heures…

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