Depuis bientôt 80 ans, Cannes est une scène mondiale, un miroir des bouleversements artistiques, politiques et sociaux. Mais c’est aussi un écrin pour les bandes originales alors que la 78e édition, qui débute ce mardi 13 mai, s’achèvera samedi 24 mai avec la révélation de la Palme d’or 2025. Six grands films et six grands thèmes musicaux qui ont marqué l’histoire de Cannes.
Ce n’est pas tous les jours qu’un film français, réalisé par une femme de surcroît, en l’occurrence Justine Triet, remporte la Palme d’or. La troisième de l’histoire, seulement. Aussi, Anatomie d’une chute n’est pas un film comme les autres. Et l’utilisation du célèbre morceau d’Isaac Albeniz, Asturias, une pièce pour piano, est aussi flamboyante que dramatique.
C’est elle que joue entre autres Daniel, 11 ans, doté d’une oreille très développée depuis qu’il a perdu la vue dans un accident. A plusieurs moments du film, cet enfant solitaire semble chercher des réponses insolubles dans le travail laborieux d’Asturias, composé à la fin du 19e siècle par l’espagnol Albeniz. Un choix réfléchi de Justine Triet, qui dit aussi son attachement à l’héritage du cinéma européen et à une forme d’élégance musicale.
En 2019, c’est un véritable séisme qui secoue la Croisette : Parasite, du coréen Bong Joon-ho, remporte la Palme d’or à l’unanimité. Quelques mois plus tard, il raflera aussi l’Oscar du meilleur film. Une première historique pour un film en langue étrangère. Parasite, c’est une satire sociale brillante, entre drame familial, comédie noire et thriller.
Et la musique y joue un rôle subtil et déterminant. Jung Jaeil signe une partition élégante, inspirée de la musique baroque, presque classique, à l’image du morceau : The Belt of faith. Une ligne de piano répétitive, tendue, qui évoque l’ordre, la stratégie, presque la manipulation. Car ce film, c’est aussi un jeu d’échecs social, où les plus pauvres infiltrent la vie des riches. La musique devient ici un fil tendu entre deux mondes, à la fois sobre, raffinée et implacable.
Cannes sans Federico Fellini ne serait pas vraiment Cannes. En 1960, La Dolce Vita fait scandale… et triomphe. Marcello Mastroianni déambule dans la nuit romaine, entre fêtes mondaines et désenchantement moderne.
La musique de Nino Rota est là, omniprésente, ironique, douce-amère. Dans le thème Via Veneto, on entend toute l’ambivalence du film de Fellini : des rythmes légers, presque jazzy, mais un parfum de mélancolie. La « malinconia » comme disent les Italiens. Trois ans plus tard, ce sera un autre film italien, Le Guépard de Visconti qui va marquer Cannes, avec le mythique bal final au faste incroyable. Alain Delon et Claudia Cardinale, beaux comme des dieux et toujours la musique de Nino Rota.
Deux époques, deux décadences, deux musiques raffinées qui habillent le crépuscule d’un monde qui disparaît avec une grâce infinie. Tout le génie du cinéma Italie en ces années 60.
Nous sommes en 1966 et Claude Lelouch crée la surprise avec Un Homme et une femme. Un film simple, presque modeste : la rencontre entre une jeune veuve, jouée par Anouk Aimée, et un pilote automobile veuf lui aussi, Jean-Louis Trintignant. Une romance née de silences, de regards, d’élans timides.
Mais ce qui emporte tout, c’est la magie du montage, de l’image… et de la musique. Francis Lai, alors inconnu, compose un thème devenu mythique. Celui que tout le monde connaît avec les célèbres "ba da ba da ba da". Mais on oublie parfois la version instrumentale, tout en douceur, qui traduit à merveille l’émotion contenue du film. Le piano y est discret, les cordes feutrées. C’est une musique qui respire, qui avance à petits pas, comme les personnages. Ce film a conquis le monde entier et donné à Francis Lai une reconnaissance immédiate. Un couple, une plage, un refrain : toute la poésie de Cannes en noir et blanc.
En 1993, La Leçon de piano de Jane Campion est un drame intime, celui d’Ada, une femme muette à la recherche de sa liberté et de sa sensualité dans la Nouvelle-Zélande du XIXe siècle.
La musique, encore une fois, joue un rôle essentiel. La bande originale du film nous plonge dans la mélancolie d’une époque révolue où le théâtre et la politique se mêlent dans une danse funeste. La musique de Michael Nyman livre une partition de piano entêtante, répétitive presque hypnotique, et une sensualité toute contenue. Le thème principal, The Heart asks pleasure from, c’est la promesse d’un désir silencieux, celui d’Holly Hunter, d’un souffle inaudible, d’un appel de la nature et du corps. Nyman y sublime la lutte intérieure de l’héroïne, une lutte entre liberté et soumission. Un chef-d’œuvre absolu.
En 1986, Mission est un choc esthétique. L’Anglais Roland Joffé raconte dans son deuxième long métrage l’histoire d’un prêtre jésuite, interprété par Jeremy Irons, qui tente de protéger une tribu indigène en Amérique du Sud qui va être rejoint par un ancien chasseur d’esclaves cherchant la rédemption qu’interprète un magistral Robert De Niro. Mission est un film intense, moralement complexe, qui interroge les valeurs de l'humanité. Et qui mieux qu'Ennio Morricone pour traduire cette quête spirituelle à travers sa musique ?
Morricone compose l’un de ses chefs-d’œuvre où l’on retrouve sa signature : des choeurs, des sons traditionnels et une émotion à l'état brut. Le morceau On Earth as it is in Heaven est à ce titre un cri de beauté et de souffrance, qui réunit la grandeur de la nature et la tragédie humaine. Un parfait écho à l’ambivalence du film.
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