51e Festival de Deauville et la carte blanche à Kristen Stewart : « Quoi que actrice, je suis plus lectrice que spectatrice ».
Déjà en 2019, le Festival de Deauville avait remis un Nouvel Hollywood à l’actrice américaine Kristen Stewart, alors âgée de vingt-neuf ans. Celle qui fut révélée à l’affiche de « Panic Room » de David Fincher, puis aux côtés de Robert Pattinson dans la saga de « Twilight » a ensuite tourné sous la direction de Woody Allen, Barry Levinson, Walter Salles, Ang Lee ou encore David Cronenberg.
Kristen Stewart à Deauville © Pierre GermayPassionnée de cinéma français, elle y a fait ses premiers pas à l’affiche de « Sils Maria » d’Olivier Assayas, en 2015. Ce qui lui valut le César de la meilleure actrice dans un second rôle, excusez du peu !
Premier passage derrière la caméra
Elle est aujourd’hui de retour sur les planches de Deauville, non seulement pour une carte blanche et une rencontre avec le public, mais aussi pour présenter son premier long-métrage comme réalisatrice, « The Chronology of Water », en français « La mécanique des fluides ».
Optant volontiers pour des projets loin des sentiers battus de Hollywood, Kristen Stewart adapte ici librement les mémoires de Lidia Yuknavitch, une jeune femme marquée par des maltraitances, y compris sexuelles, au sein de sa famille puis par des abus, des excès liés à des addictions à la drogue et à l’alcool. C’est grâce à l’écriture et à la natation, qu’elle trouvera une voie de résilience. Mère de famille, elle devient enseignante ainsi qu’une écrivaine moderne et singulière.
Prix du jury révélation
De ces mémoires que d’aucuns disaient inadaptables au cinéma, Kristen Stewart tire un film très abouti même si son récit est déstructuré, comme le personnage principal du livre, à coups de fragments, de morceaux de scènes inachevées traduisant à merveille le trouble, la violence et la douleur intime endurées par cette femme qui tente malgré tout de se reconstruire.
Ce film, « The Chronology of Water », a été présenté en compétition ce vendredi à Deauville. La projection a été suivie d’une rencontre avec le public, dans la salle de projection, comme le veut la tradition pour les films de la compétition. Kristen Stewart a alors expliqué les choix de son processus créatif : « Je n’ai pas essayé d’éviter de représenter les choses les plus dures, les plus traumatisantes. Parfois les réalisateurs ont besoin d’être explicites, parfois non. C’est cet équilibre que j’ai essayé de maintenir ».
On retiendra la prestation, dans le rôle principal de cette femme meurtrie au plus profond d’elle-même, de l’actrice Imogen Poots, dont l’interprétation viscérale est sidérante.
Ce samedi soir, lors de la proclamation du palmarès, Kristen Stewart a été récompensée du prix du jury révélation présidé par l’acteur et réalisateur Jean-Pascal Zadi.
Gourmande de cinéma français
Quelques heures plus tôt, elle avait rencontré le public et confié son amour pour le cinéma français en sélectionnant, en guise de carte blanche, quelques films français qui l’ont particulièrement marquée. Elle a ainsi cité « Les amants du Pont Neuf » de Léos Carx, le premier film français qu’elle a vu. Elle a expliqué avoir « aimé la relation bancale du couple (ndlr : Juliette Binoche – Denis Lavant), il a peur de la perdre, mais en voulant contrôler quelqu’un qu’on aime, ça veut dire qu’on ne l’aime plus ». Ajoutant que « les sentiments, ça me bouleverse, j’ai ressenti quelque chose qui me parle, j’ai eu l’impression de me voir dans le miroir ».
Kristen Stewart a ensuite évoqué « Une jeune fille » de Catherine Breillat, un film qu’elle dit avoir visionné peu de temps avant de commencer le sien, ce qui n’a pas manqué de « démultiplier les idées que j’avais déjà. On avait le droit de raconter les choses comme Catherine Breillat le faisait dans son film, waouh. Ça a provoqué en moi une explosion. C’est parfois dégoutant mais c’est important de montrer tous les moments horribles qu’on peut passer durant l’adolescence, au moment où on se découvre soi-même ».
"La pianiste" de Michael Haneke, l'un de ses films préférés
La néoréalisatrice a enchaîné en parlant du film « La pianiste » de Michal Haneke : « C’est un de mes films préférés. C’est une géniale adaptation du roman d’Elfriede Jelinek. Je l’avais lu avant, je l’ai relu. C’est tellement bien articulé. Ça peut paraître curieux pour une actrice comme moi, mais j’aime la littérature, je suis obsessionnelle des mots, des écrits, si bien que je suis plus lectrice que spectatrice ! »
« Hiroshima mon amour », le sommet absolu !
Kristen Stewart s’enflamme enfin pour « Hiroshima mon amour » d’Alain Resnais : « Quand je l’ai vu, je me suis dit qu’on devrait tout simplement arrêter de vouloir faire mieux ! C’est le sommet absolu. Il fait comprendre la violence de la culpabilité, de l’oubli, c’est la meilleure adaptation du texte de Marguerite Duras ».
Tiens, une adaptation littéraire au cinéma, précisément comme elle, pour son premier essai, réussi, derrière la caméra...
