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"Une nuit particulière" de Grégoire Delacourt
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"Une nuit particulière" de Grégoire Delacourt

Un article rédigé par Christophe Henning - RCF, le 19 mars 2023  -  Modifié le 17 juillet 2023
L'Actualité littéraire "Une nuit particulière", de Grégoire Delacourt

J’ai hésité à vous parler de ce court roman, une femme quittée par son mari sort dans la rue et entame une discussion avec un homme qui se trouvait seul, en train de fumer sur le trottoir. Ensemble, ils vont passer la nuit à se raconter, à se séduire aussi. Fallait-il s’arrêter à ce roman fait de bons sentiments ? La lecture nous en dit plus : la rencontre des deux solitudes nous entraîne en effet dans une sorte de parade amoureuse, faite de silences et de confidences, mais aussi d’une forme de complicité, d’appel au secours, de rappel de ce qu’est l’amour.

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Aurore et Simeone peuvent oublier durant quelques heures leur solitude, simplement parce qu’un inconnu, le temps d’une nuit, écoute, sans juger, sans conseiller, sans avenir. Et parce que « les chagrins éclosent la nuit. »

Après trente ans de mariage, Aurore raconte, elle fait mémoire de cet amour fou qui l’a comblée pendant toutes ces années, et qui s’écroule sans prévenir : « je me demande si on aime l’autre ou ce qu’il remplit de vide en nous », questionne-t-elle. Avec l’espoir qui résiste : « il faut quelquefois s’éloigner de ce que l’on désire pour en retrouver l’aiguillon, la petite souffrance nécessaire, veut encore croire l’épouse délaissée. Ainsi fut notre odyssée de  près de trente ans à préserver ce qui fut notre étincelle », explique-t-elle, fidèle à  cet idéal perdu. Le récit porte toute la gravité de l’échec et les mots décrivent l’événement : « Que retient-on de quelqu’un qui part hormis son dernier regard – toujours un regard de vaincu, d’ailleurs. »  Ces deux-là vont de bars en restaurant, avant un escapade en voiture, comme une fuite en avant, le temps, peut-être de mesurer leur finitude, la fragilité des destins. Juste le temps d’une nuit, s’intéresser à l’inconnue : « J’aimais ne rien connaître d’elle. N’avoir rien à partager d’autre qu’un présent absolu », confie Simeone.

En effet, c’est un temps suspendu, comme une échappée belle sans but ni projet : « Etre juste deux êtres qui passent, deux nuits qui se croisent et se télescopent, et pourquoi ne pas tenir jusqu’à l’aube, et pourquoi ne pas disparaître en silence dans le bruit des autres ? » Le temps de quelques heures n’être rien d’autre que soi-même, sans jouer un rôle, sans dépendre du regard de l’autre fut-il le plus proche. Car, affirme Simeone, « on n’est jamais soi, on est toujours ce que l’autre s’est inventé. » Grégoire Delacourt a cet art de partir des choses de la vie pour nous entraîner avec une certaine poésie dans les drames ordinaires. L’auteur de La liste de mes envies qui a connu un succès phénoménal, n’a pas eu peur d’explorer les affres de la violence intrafamiliale avec L’enfant réparé en 2021. Si, à première vue, ce nouveau roman évoque les naufrages de l’existence, il est finalement une ode à l’amour, fragile et vital : « J’avais envie de retrouver un homme et une femme capables de se jeter dans le vide par amour, écrit Grégoire Delacourt. Parce que c’est vivre sans amour qui est l’enfer »

Une nuit particulière, de Grégoire Delacourt, est publié chez Grasset.

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Émission L'Actualité littéraire © RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
L'Actualité littéraire

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