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Rencontre exceptionnelle avec Françoise Chandernagor, de l'académie Goncourt
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Rencontre exceptionnelle avec Françoise Chandernagor, de l'académie Goncourt

RCF, le 2 novembre 2022  -  Modifié le 17 juillet 2023
Au pied de la lettre Speciale Françoise Chandernagor

L'académie Goncourt vient de remettre son prix à Brigitte Giraud pour son livre "Vivre vite". Parmi les membres du jury, Françoise Chandernagor. La romancière a accordé un entretien exceptionnel à Christophe Henning pour évoquer les coulisses du prix mais aussi le dernier roman qu'elle vient de publier, "Le Jardin de cendres" (éd. Albin Michel).

Avec "Le Jardin de cendres", Françoise Chandernagor nous passionne pour le destin tragique de Séléné, fille de Cléopâtre ©LP - Olivier Corsan Avec "Le Jardin de cendres", Françoise Chandernagor nous passionne pour le destin tragique de Séléné, fille de Cléopâtre ©LP - Olivier Corsan

Dans les coulisses du prix Goncourt

 

Membre de l'académie Goncourt depuis 1995, Françoise Chandernagor nous dévoile les coulisses du fameux prix. Cet été, les membres du jury ont reçu 300 à 400 livres. "On en lit 50 60, c’est un boulot terrible ! Pendant trois mois on ne fait que ça, c’est trop parfois, on échange, à mesure qu’on lit on s’envoie des mails, on se donne des indications, ça guide nos choix." Un travail d’autant plus important qu’il existe aussi le prix Goncourt du premier roman (décerné cette année à Étienne Kern pour "Les Envolés", chez Gallimard), celui de la poésie (Jean-Michel Maulpoix est le lauréat 2022) ou encore le Goncourt de la nouvelle (attribué à Antoine Wauters pour "Le Musée des contradictions")… "Est-ce que ce sont les meilleurs livres de la rentrée ? Ce sont des bons quand même, alors il y a des livres qui ont pu échapper à tout le monde, c’est possible mais dans l’ensemble on fait un très, très gros boulot !" Un travail qui se fait, précise Françoise Chandernagor "au détriment de notre propre création, pendant que je lis je n’écris pas"…

 

Françoise Chandernagor, la romancière historienne

 

Cette année justement, Françoise Chandernagor publie un nouveau roman, le quatrième et dernier tome de "La Reine oubliée" (éd. Albin Michel). Avec "Le Jardin de cendres" on retrouve Séléné, fille de Cléopâtre et de Marc-Antoine. Depuis son roman culte "L'Allée du Roi" (1981), Françoise Chandernagor en est à près de 20 ouvrages. Pour chaque publication, elle consulte une importante documentation. "J’essaie d’accumuler le plus de faits que je peux, je vais sur les lieux, je guette les trouvailles archéologiques…"

 

Où s’arrête la science, la romancière prend le relais. "Je me donne la liberté d’inventer ce que personne ne sait." Ancienne haut fonctionnaire, passée par l’ENA et Sciences po, Françoise Chandernagor s’intéresse de près à l’histoire politique. Mais elle accorde une attention particulière aux détails de la vie quotidienne. "Je lis tout ce qui a été écrit à l’époque et plus tard, pas seulement sur les personnages mais aussi les manières de vivre et de sentir." Ainsi parvient-elle à décrire avec minutie un repas de l’Antiquité égyptienne ou des funérailles. "Il y a une chose qui m’a frappée, dit-elle à propos de l’Égypte ancienne, on n’avait pas le droit de faire des funérailles pour un enfant de moins de 10 ans." Si cela en dit long sur la mortalité infantile de l’époque, il ne faut pas prendre les gens de l’Antiquité pour des insensibles. "On trouve des épitaphes bouleversants même pour des bébés de six mois…"

 

Françoise Chandernagor nous passionne pour le destin tragique de Séléné, fille de Cléopâtre

 

Françoise Chandernagor a le génie d’emporter ses lecteurs dans les temps lointains. Elle nous donne à voir la vie quotidienne il y a 2000 ans, en suivant le destin tragique de Séléné. Depuis "Les Enfants d'Alexandrie" (2011), cela fait 11 ans que la fille de Cléopâtre et de Marc-Antoine est sa compagne. Une princesse qui a grandi dans un palais d’Alexandrie et qui a vu son monde s’écrouler à l’âge de 10 ans, quand les Romains ont assiégé la ville. Ses parents se sont suicidés, tous les aînés garçons de sa famille ont été tués par les Romains.

 

Elle, la seule survivante de la dynastie des Ptolémées, a été transportée à Rome comme prisonnière. Mariée au roi de Maurétanie, un grand pays formé par le Maroc et presque toute l’Algérie actuelle, Séléné, qui n’a vécu que dans des milieux politiques, elle est devenue elle-même une femme politique. Égyptienne d’un côté, grecque et romaine de l’autre, comment est-elle parvenue à naviguer entre deux rives alors même que le statut des femmes était loin de leur accorder une quelconque reconnaissance, encore moins du pouvoir ? 

 

L’irruption du christianisme dans le monde antique : un choc des cultures qui fascine Françoise Chandernagor

 

"Une des choses que l’on ne sait pas sur Séléné, c’est la date de sa mort, qui est encore très discutée par les historiens." Françoise Chandernagor choisit de faire vivre son héroïne jusqu’à une date précise, celle de la mort de ses demi-sœurs. Ce qui en fait une contemporaine de Jésus. "La fille de Cléopâtre pouvait connaître Jésus. Ils appartiennent à des mondes si différents : on croit qu’ils ne sont pas contemporains, or ils sont contemporains !"

 

Dans son livre, la romancière décrit une scène un peu hors du temps. Dans une triste vallée Galilée occupée par les Romains, Séléné fait halte dans une ferme habitée par une femme et son enfant. Si la romancière a voulu décrire "une scène merveilleuse", elle n’indique surtout pas qu’il s’agit de Marie et Jésus. Elle voulait juste laisser planer la possibilité d’une rencontre…

 

En tout cas ce n’est pas la première fois que Françoise Chandernagor convoque la figure du Christ. Déjà en 2015, avec "Vie de Jude, frère de Jésus", elle explorait la civilisation juive et l’irruption du christianisme dans le monde antique. "Le christianisme est une religion très différente des religions antiques, il y a une morale." Et aussi, c’est aussi le rapport qui temps qui change. "Nous vivons encore dans l’idée d’un temps fléché, on va vers quelque chose", observe la romancière, là où les Romains et Grecs avaient une conception circulaire du temps, sans idée de progrès ni vision de l'Apocalypse.

 

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