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Qu'est-ce que le transhumanisme ?

Qu'est-ce que le transhumanisme ?

RCF, le 13 janvier 2023  -  Modifié le 17 juillet 2023
Où va la vie ? La bioéthique en podcast Transhumanisme, de l'homme augmenté à l'homme modifié (1/3) Évolutionnisme et c

Refuser la tyrannie de la vieillesse et de la mort grâce à la science, compléter notre cerveau humain par une machine... Les transhumanistes reprochent aux religions, entre autres, d'avoir accepté les limites biologiques du corps humain. Pour eux, tous les moyens sont bons pour "améliorer" l'espèce humaine.

Figure du transhumanisme américain, Max More est le fondateur dans les années 80 du mouvement extropien ©Wikimédia commons Figure du transhumanisme américain, Max More est le fondateur dans les années 80 du mouvement extropien ©Wikimédia commons

Quand on parle de transhumanisme aujourd’hui, il s'agit le plus souvent de sa version américaine. Un courant de pensée dominé par l’idée selon laquelle le progrès est inévitable et nécessaire et qu’il peut améliorer l’être humain. "Il y a dans le courant transhumaniste une adhésion, une confiance dans la technique, explique Franck Damour sur RCF, comme constituant un bloc, la technologie est un ensemble." Au milieu des années 80, c’étaient surtout les nanotechnologies qui étaient l’objet de fantasmes, puis les biotechnologies au début des années 2000. Aujourd’hui c’est surtout l’intelligence artificielle qui suscite l'intérêt des transhumanistes.

 

Aux origines du transhumanisme, une vision eugéniste

 

"Vous serez comme des dieux" (Gn 3, 5) dit la Genèse. L'idée que l'on peut améliorer l'espèce humaine est fort ancienne. C'est dans les années 50 qu'a émergé la notion de "transhumanisme" ou "ultrahumanisme". Mais avant d’être corrélée à la technique, elle a été pensée dans une perspective évolutionniste, notamment avec le théoricien de l'eugénisme anglais Julian Huxley (1887-1975). Frère du célèbre auteur de science-fiction Aldous Huxley, "il a développé une version quasiment non technique du transhumanisme", explique le Père Éric Charmetant, prêtre jésuite et philosophe.

 

Dans la conception de Julian Huxley, biologiste de formation et premier directeur de l’Unesco, l’être humain peut et doit s’améliorer. Il a défendu l’idée selon laquelle "l’humanité arrivait à un point de l’évolution où elle devait prendre en charge elle-même sa propre évolution et ne plus être le jouet d’une sélection naturelle arbitraire", résume Éric Charmetant. Dans les années 50, c’était le moyen de dépasser le marxisme, le libéralisme, le christianisme, de "se transcender en allant plus loin que les limites de ces trois courants". Et cela devait passer "par l’éducation".

 

Le recours à la technique : la version américaine du transhumanisme

 

"En franchissant l’Atlantique, le transhumanisme a changé un peu de nature", et s’est "centré sur la technique et la technologie", analyse Franck Damour, historien des idées et auteur du livre "Le transhumanisme - Histoire, technologie et avenir de la réalité augmentée" (éd. Eyrolles, 2019). Dans les années 50, 60, pendant les Trente Glorieuses, alors qu’aux États-Unis les foyers s’équipaient de réfrigérateurs, l’Américain Robert Ettinger (1918-2011) rêvait d’une "société du frigo". Il est l’inventeur de la cryogénie. "Il a fondé des sociétés où on va congeler des personnes juste après leur décès, raconte Éric Charmetant, dans l'hypothèse qu’on puisse les ramener à la vie des décennies plus tard, quand la science sera plus avancée pour les guérir de ce qui a été la cause de leur mort." Aujourd’hui encore, plusieurs milliers de corps sont en attente de ce progrès technique…

 

 

Ce que les transhumanistes reprochent à beaucoup de traditions religieuses ou autres, c’est d’avoir accepté une forme de défaite à l’égard des limites biologiques

 

 

Lettre à mère nature : "Ce que vous avez fait de nous est glorieux mais imparfait"

 

Écrite en 1999, la "Lettre à mère nature" du philosophe américain Max More fait aujourd’hui office de charte du transhumanisme. Max More est le fondateur dans les années 80 du mouvement extropien. "L'extropie, c’est quelque chose qui s’oppose à l’utopie, c’est une dimension de mouvement perpétuel", explique Éric Charmetant. Le mouvement défend l'idée selon laquelle "l’être humain est en perpétuelle recherche ou amélioration" et que "les utopies classiques ont le tort de fixer l’horizon"... Dans sa fameuse lettre, s’adressant à la nature, Max More lui fait des reproches : 

 

"Nous devons dire que vous avez à bien des égards fait un mauvais travail avec la constitution humaine. Vous nous avez rendus vulnérables aux maladies et aux dommages. Vous nous contraignez à vieillir et à mourir juste au moment où nous commençons à atteindre la sagesse. Vous nous avez rendus fonctionnels uniquement dans des conditions environnementales étroites. Vous nous avez donné une mémoire limitée, un mauvais contrôle des impulsions et des pulsions tribales et xénophobes. Bref, ce que vous avez fait de nous est glorieux mais imparfait… Nous avons décidé qu’il était temps de modifier la constitution humaine."
Max More, "Lettre à mère nature" (1999)

 


Cette lettre de Max More énonce plusieurs principes, comme : refuser la  tyrannie du vieillissement et de la mort, compléter le cerveau humain avec un "méta cerveau"… Mais plutôt que le désir de remplacer l’homme par la machine c’est surtout l’idée de repousser les limites qui séduit les transhumanistes. "Je les pense très attachés à l’idée du corps comme support de l’individualité", confie Franck Damour. "Ce qu’ils reprochent à beaucoup de traditions religieuses ou autres c’est d’avoir accepté une forme de défaite à l’égard des limites biologiques." Nos limites biologiques sont pour les transhumanistes une défaite. Il y a donc "une sorte d’appel à prendre en charge l’évolution".

 

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©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Où va la vie ? La bioéthique en podcast

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