Alexandre Bloch – 1880- 1921
Les années 1900-1917 sont les années glorieuses de la poésie russe, «l’Âge d’argent»,grande floraison artistique en peinture, littérature et musique, succédant aux années Pouchkine, l’âge d’or du début du XIXè siècle. Cette effervescence fut une renaissance des lettres russes. Mais ce flot se brisera sur le couperet d’Octobre 1917.
Alexandre Bloch fait partie de cet autre Russie qui disparaît à la révolution bolchévique. Il aura été sans le vouloir à la jonction des mondes qui s'opposaient, et dans le passage fiévreux d’espoir de l'un à l’autre. Il pressentait qu’il lui faudrait vivre dans un autre temps. Il le désirait: il en fut terrassé de déceptions.
À 41 ans, le 7 août 1921, il disparaît.
Voici deux poésies lues par Odile HOW SHING KOY:
- Ceux qui sont nés dans ces années obscures et
- Une voix surgie du chœur
Ceux qui sont nés dans ces années obscures
ne se rappellent plus de leur chemin,
et nous enfants des années terribles de la Russie,
ne pouvons rien oublier.
Oh ces années qui nous ont réduits en cendres !
avez-vous apporté folie ou un rayon d’espoir ?
en ces jours de guerre et de liberté
une lueur rouge sang est apparue sur nos visages.
Nous avons grandi muets ; le tocsin
nous a forcé à fermer nos lèvres.
Dans nos cœurs, jadis débordants de ferveur,
ne gît plus qu’un grand néant résigné...
Et laissez donc les croassants corbeaux s’envoler
au-dessus de nos lits de mort -
Dieu, oh Dieu, sans doute ceux-là sont-ils plus dignes
de Ton Royaume !
(8 septembre 1914)
Une voix surgie du chœur
Vous et moi, nous avons pleuré tant de fois,
sur nos vies en désarroi !
ô mes amis, si vous saviez vraiment le certain
de la froidure et la ténèbre des jours de demain !
Aujourd’hui vos mains chéries vous les serrez,
d’elles vous faites gaîté,
sur un mensonge seulement vous pleurez,
ou sinon pour un couteau dans sa main
orphelin, orphelin !
Mensonges et perfidies sont sans fin
et la mort est encore si loin...
Le monde terrible et sombre deviendra encore plus incertain,
Le tourbillon des planètes deviendra encore plus inhumain,
Et cela durera des temps lointains...
Et tous deux, toi et moi voyons les temps derniers,
le plus terrible des temps mauvais.
Les cieux seront couverts des nuages de nos pêchés repoussants,
sur nos lèvres les rires iront se figeant,
Tous prieront pour l’anéantissement.
Oh, enfant, vous languirez après le printemps, mais le printemps vous trahira
vous invoquerez le lever du soleil, mais le soleil point ne se lèvera.
Et quand vous commencerez à hurler, votre cri
comme une pierre dans les profondeurs sera englouti.
Aussi, enfants, contentez-vous de vos vies
plus silencieuses que l’eau, que les herbes plus rabougries !
ô mes amis, si vous saviez vraiment le certain
de la froidure et la ténèbre des jours de demain !
(6 juin 1910 - 27 février 1914)
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