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La Volonté, de Marc Dugain
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La Volonté, de Marc Dugain

Un article rédigé par Christophe Henning - RCF,  -  Modifié le 17 juillet 2023

"La plus belle des fictions est celle qu’on entretient sur ses proches dans des souvenirs qui jalonnent une mémoire flottante. Ce n’est pas la biographie d’inconnus, c’est un vrai roman." Ces quelques lignes en guise d’avertissement ouvrent le nouveau roman autobiographique de Marc Dugain.

"La Volonté" de Marc Dugain "La Volonté" de Marc Dugain

Dresser le portrait du père

Dans La chambre des officiers, 1998, l’auteur racontait l’histoire de son grand-père, gueule cassée de Grande Guerre. Aujourd’hui, il veut dresser le portrait du père, cet homme insaisissable auquel, comme tout bon fils, l’écrivain s’est opposé rudement. Son père est mort à l’hôpital, il y a trente-six ans, mais le confinement  d’il y a quelques mois a poussé Marc Dugain dans ce récit singulier : "Les forces de l’esprit ont une logique mystérieuse qui me conduit à écrire ce livre maintenant que le silence gagne sur le bruit. (…) Au moins pendant quelques semaines, on aura respiré de l’air pur, on aura profité des siens et éventuellement de soi", écrit l’auteur confiné en bord de mer.

Son père était destiné à une carrière de marin, comme tous les hommes de la famille. Mais touché par la poliomyélite, l’adolescent reste avec la jambe droite paralysée. Ce qui, finalement, ne l’empêchera pas de bourlinguer, à force de courage : "Lorsqu’il retrouve la station debout, tout réapparait chez lui : le sentiment de la dignité, l’enthousiasme et l’appétit de vivre. Il parcourt bientôt des longueurs de couloirs jusqu’à l’épuisement."
 

Reconstituer l'époque paternelle

Marc Dugain raconte le père et cette période d’après-guerre durant laquelle il faut vivre de peu et où tout est possible. On croise encore le grand-père défiguré qui fait partie de ces "grands mutilés passés trop près de la mort pour ne pas être de bons vivants."

Et puis il y a l’amour, qui va unir ses parents, en dépit des oppositions : "C’est là le fondement de leur alliance, de l’égoïsme de leur couple qui va sceller leur comportement pour toujours". En 1957, c’est la naissance de l’auteur lui-même, sur les côtes sénégalaises, alors que son père devenu ingénieur parcourt le monde, sillonne la nouvelle Calédonie et les futures anciennes colonies. L’homme à la jambe paralysée devient l’aventurier qu’il voulait être : "Plus il s’enfonce dans ces vastes territoires où sa vraie nature s’exprime, plus il doute de sa capacité à se réinsérer dans cette vie normale qui régule votre temps, vos besoins et leur satisfaction." C’est dire le mystère qui entoure ce paternel imposant auquel l’enfant veut se mesurée, même si "l’enfant naît avec le devoir de ne jamais décevoir son père".

"Les enfants ne peuvent pas vivre pour leurs parents"

Et c’est dur d’être à la hauteur du regard paternel : "L’enfant cherche pourtant à séduire son père, à en ramener une partie à lui, à le charmer", explique Marc Dugain, qui souligne en même temps que "Les enfants ne peuvent pas vivre pour leurs parents quelle que soit la dette qu’ils ont envers eux." Il se raconte aussi, l’écrivain, pudiquement. Il confie combien les fragilités familiales l’ont miné : "Quand on lui apprend que son grand-père est mort, la confiance qu’il a dans l’existence, déjà entamée par les blessures du grand invalide et par l’infirmité de son père, s’évanouit. A neuf ans, il a perdu tout illusion." Le père, lui aussi, est parti trop tôt, trop vite : "Je me suis épuisé tout au long de mon adolescence à lui résister, tuer le père qu’il n’était pas et, quand il s’est révélé être lui-même, il est mort pour de bon", confesse Marc Dugain. A qui il reste la littérature pour renouer avec les siens, à l’image cette grand-mère qui lui a donné ce don : "il ne réalisera que plus tard à quel point il lui ressemble, par cette façon qu’ils ont l’un et l’autre d’inventer des histoires, d’accommoder la réalité à leur imagination, de douter cruellement du sens des choses." Continuez donc à raconter monsieur Dugain. 

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Émission L'Actualité littéraire © RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
L'Actualité littéraire

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