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Maternité : un sentiment de solitude chez les jeunes mamans
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Maternité : un sentiment de solitude chez les jeunes mamans

Un article rédigé par Frédéric Mounier, Odile Riffaud - RCF, le 21 décembre 2022  -  Modifié le 17 juillet 2023
Où va la vie ? La bioéthique en podcast Les nouvelles manières d'enfanter (1/3) Un nouveau rapport à la maternité

Depuis une dizaine d'années, quelque chose a changé dans la perception de la maternité. Avec les réseaux sociaux, les mères sont très informées mais elles sont aussi très angoissées. Et si la maternité n'est plus autant idéalisée, la pression reste forte sur les épaules des jeunes mamans qui souvent se sentent très seules. 

La perception de la maternité a considérablement évolué en 10 ans ©Unsplash La perception de la maternité a considérablement évolué en 10 ans ©Unsplash

Être mère aujourd’hui : un nouveau rapport à la maternité

 

La baisse de la natalité que l’on constate en France s’accompagne d’une augmentation de l’âge moyen des mères. On est passés de 29,3 en 2010 à 30,8 ans en 2020. Les femmes deviennent mères de plus en plus tard. La perception de la maternité a elle aussi considérablement évolué en 10 ans. "En prêtant l’oreille aux jeunes parents autour de moi je me suis dit que le ton avait changé", confie Emmanuelle Lucas, journaliste à La Croix. Elle a enquêté sur ce nouveau rapport à l’enfantement et signe l’article "Discours féministe, éco-anxiété, bien-être… Quand l’époque bouscule la maternité".

 

Sur la maternité, comme sur bien d’autres sujets, la parole aujourd’hui se libère. En fait, les jeunes mères "sont prises dans une espèce de paradoxe", selon la journaliste. "D’un côté elles sont dans tout ce courant de libération de la parole où on dit les choses." De l’autre, "elles poursuivent un idéal peut-être encore plus qu’autrefois. Elles ont encore plus envie d’être la mère parfaite, plus que leurs aînées." En cause, les réseaux sociaux et la mise en scène de soi, où l’on se doit de montrer "un enfant mignon et bien habillé…"

 

Des mères mieux informées mais plus angoissées

 

Les mères d’aujourd’hui apprennent moins de leurs propres mères que des femmes de leur génération. C’est ce qu’a pu constater Clarisse Picard, philosophe, enseignante au Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris et spécialiste des philosophies de l’enfantement et de la naissance. Elle est l’auteure du livre "Philosophie de l’enfantement – Cinq méditations" (éd. Classique Garnier, 2022). "Il me semble que ce savoir de la maternité se transmettent moins de mère à fille. Il se transmet plus au sein d’une même génération par les amitiés, les confidences, les blogs, les podcasts..." Pour la philosophe, il y a là "un phénomène à la fois nouveau et tout à fait intéressant".

 

Si les femmes sont mieux informées qu’avant, elles sont aussi "beaucoup plus angoissées". "Cet accès à un nombre important d’information peut avoir son revers et devenir anxiogène puisqu’elles peuvent se transformer en injonctions…" Des injonctions là encore "paradoxales" : il y a tout ce "déploiement de techniques pour accéder au désir d’enfantement" mais aussi "un contexte anxiogène avec la crise écologique".

 

Il y a un troisième paradoxe sur la maternité, que pointe Bruno Saintôt, prêtre jésuite spécialiste de bioéthique au Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris et expert bioéthique auprès de la Conférence des évêques de France. Un paradoxe entre "la subjectivité et la solidarité". L’attention est portée sur l’individu et la parole des femmes, qui se libère. Et en même temps s’exprime "un besoin de solidarité". Ces femmes qui éprouvent le besoin de "valoriser leur expérience personnelle" font entendre le fait qu’elles ne peuvent pas tout porter, qu’elles se sentent seules dans leur vie de mère.

 

Accompagner les jeunes mères qui se sentent seules

 

Les couples qui se posent la question d’avoir ou non un enfant sont pris dans toutes ces injonctions contradictoires et ces paradoxes sur la maternité. "Ce n’est pas facile pour les couples de savoir comment se décider pouvoir retrouver la confiance, se recentrer en soi-même et savoir ce qui est bon pour soi et pour son couple", observe la philosophe. 

 

D’ailleurs pour Bruno Saintôt, qui accompagne des couples lors de la préparation au mariage, les jeunes couples "ne mesurent pas" ce que l’arrivée d’un enfant va bouleverser dans leur vie de couple et celle de chacun des conjoints. Et il n’y a plus cet ensemble de rites qui accompagnent une naissance. Ni "tout le tissu social dans lequel était pris le mariage et la naissance". "Les rites c’est ce qui nous fait faire des passages. On a conscience soi-même qu’on passe à autre chose", précise le jésuite.

 

Beaucoup de jeunes mamans se sentent extrêmement seules après la naissance de leur enfant. En réponse à cette solitude des jeunes mères, fleurissent un grand nombre de podcasts sur internet pour leur venir en aide. Ainsi, dans La Matrescence, la journaliste Caroline Sarlat, encourage-t-elle : "Occupez-vous des mamans, quand elles viennent d’accoucher ! Pour les gens qui vont visiter à la maternité : amenez à manger, offrez-lui un massage, un babysitting…" Elle évoque le "tourbillon" de la maternité, quelle compare à la période de l’adolescence, tant elle transforme une femme. Devenir mère, être une autre femme, rester épouse : "C’est un moment de grande conflictualité entre toutes les dimensions de la personnalité", selon Clarisse Picard. 

 

S’il est important de former et de prévenir les futures mères, il sera aussi nécessaire de les aider à prendre du recul sur tout ce qui se dit sur internet. Beaucoup de jeunes mères sont "hyper conscientisées sur des tas de choses", selon Emmanuelle Lucas, au risque d’oublier "que la meilleure des recettes c’est celle qui convient çà elle, à leur enfant à leur conjoint. C’est un équilibre très personnel qu’il faut trouver !"

 

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