Henri-Dominique Lacordaire: La liberté ne se donne pas elle se prend 3/5
3. La liberté ne se donne pas, elle se prend.
« La liberté ne se donne pas, elle se prend. » En une phrase se trouve résumé le principe d’action d’Henri Dominique Lacordaire. Le mémoire pour le rétablissement de l’Ordre des Frères Prêcheurs en 1839 est le prélude à l’œuvre de sa vie : le retour de la liberté religieuse en France. En revendiquant le retour d’un ordre expulsé par la Révolution et la liberté de parler de Dieu dans les églises et les rues de France en habit dominicain, il affirme haut et fort : « Mon habit est une liberté ! »
Mon pays,
Pendant que vous poursuivez avec joie et douleur la formation de la société moderne, un de vos enfants nouveaux, chrétien par la foi, prêtre par l'onction traditionnelle de l'Église catholique, vient réclamer de vous sa part dans les libertés que vous avez conquises, et que lui-même a payées. Il vous prie de lire le Mémoire qu'il vous adresse ici, et connaissant ses vœux, ses droits, son cœur même, de lui accorder la protection que vous donnerez toujours à ce qui est utile et sincère.
Ce qui est inexplicable, c'est que quelques hommes las des passions du sang et de l'orgueil, pris pour Dieu et pour les hommes d'un amour qui les détache d'eux-mêmes, ne puissent se réunir dans une maison à eux, et là, sans privilège , sans vœux reconnus de l'État, uniquement liés par leur conscience, y vivre, occupés de ces services que l'humanité peut bien ne pas concevoir toujours, mais qui, dans tous les cas , ne font de mal à personne. Cela est inexplicable , pourtant cela est.
Et quand nous, ami passionné de ce siècle, né au plus profond de ses entrailles, nous lui avons demandé la liberté de ne croire à rien, il nous l'a permis. Mais aujourd'hui que, pénétré des éléments divins qui remuent aussi ce siècle, nous lui demandons la liberté de suivre les inspirations de notre foi, de ne plus prétendre à rien, de vivre pauvrement avec quelques amis touchés des mêmes désirs que nous, aujourd'hui nous nous sentons arrêté tout court, mis au ban de je ne sais combien de lois, et l'Europe presque entière se réunirait pour nous accabler, s'il le fallait.
Cependant nous ne désespérons pas de nous-même en face de tous ces obstacles extérieurs. Nous nous confions à Dieu qui nous appelle, et à notre pays. Je crois donc faire acte de bon citoyen, autant qu’acte de bon catholique, en rétablissant en France les Frères Prêcheurs. Si mon pays le souffre, il ne sera pas dix années peut-être avant d’avoir à s’en louer. S’il ne le veut pas, nous irons nous établir à ses frontières, sur quelque terre plus avancée vers le pôle de l’avenir, et nous y attendrons patiemment le jour de Dieu et de la France. L’important est qu’il y ait des Frères Prêcheurs français, qu’un peu de ce sang généreux coule sous le vieil habit de Saint Dominique. Quant au sol, il aura son tour ; car la France arrivera tôt ou tard au rendez-vous prédestiné où la Providence l’attend.
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