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Foi et raison : ce que prouvent les neurosciences
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Foi et raison : ce que prouvent les neurosciences

RCF, le 11 janvier 2023  -  Modifié le 17 juillet 2023
Dialogue Peut-on articuler science et foi ?

Dans le débat entre foi et raison, l'intérêt n'est pas tant de les opposer mais de voir comment elles s'articulent. On peut aussi dépasser ce besoin de prouver scientifiquement l'existence de Dieu. Et se tourner vers ce que les récentes découvertes en neurosciences nous montrent : la grande complexité de l'être humain. Depuis 30 ans, on sait que le psychisme, les émotions et la vie spirituelle agissent sur la biologie. Une nouvelle approche scientifique de l'humain, où les croyances ont toute leur place.

Père Thierry Magnin ©Université catholique de Lille Père Thierry Magnin ©Université catholique de Lille

Dans "Le Hasard et la Nécessité" (1970), le biologiste Jacques Monod disait "que l’Homme est arrivé par hasard dans l’histoire de l’évolution et qu’il repartirait par hasard, qu'au fond, que tout cela n’aurait pas de sens". En résumant ainsi cet ouvrage, Thierry Magnin se souvient du "choc" qu'il a reçu quand il l'a lu alors qu'il était étudiant. Ça a été pour lui "le point de départ d’une recherche, d’une enquête : comment peut-on être croyant et scientifique aujourd’hui ?" Depuis, il a suivi un parcours original. Thierry Magnin est devenu prêtre pour le diocèse de Saint-Étienne, il est docteur en sciences physiques et en théologie. Et après avoir démissionné de son poste de secrétaire général et porte-parole de la Conférence des évêques de France, en 2020, il est aujourd’hui le président recteur délégué aux humanités à l’université catholique de Lille.

 

Peut-on être croyant et scientifique ?

 

Prêtre et scientifique, à quel prix cela est-il possible ? Thierry Magnin refuse tout "concordisme entre science et foi" mais aussi tout "discordisme, en étant savant dans son laboratoire et croyant dans son Église". Ce qu’il veut, c’est articuler ces deux aspects. Et c'est ce à quoi il s'emploie depuis une trentaine d’année. Il vient de publier "Foi et neuroscience - Dialogue sur l’homme vivant" (éd. Salvator, 2022). 

 

Thierry Magnin ne cherche pas à prouver scientifiquement l’existence de Dieu. Il n'est pas non plus en quête d'éléments de "la véracité de la foi chrétienne dans les neurosciences". "On ne mélange pas les domaines, prévient-il, mais on essaie de les articuler pour le service de la croissance de l’humain. C’est ça le dialogue sur l’homme vivant." 

 

Être prêtre et scientifique, c’est ce qui conduit Thierry Magnin à dépasser des clivages stériles et simplificateurs. Cette opposition si répandue entre ceux qui rejettent la technique et les sciences au nom d’une vision rigide de la religion, et ceux qui la sacralisent ou l’idéalisent au nom d’une vision hégémonique des technosciences. Le chercheur insiste sur l’unité de l’homme et la reconnaissance de ses composantes essentielles : le corps, l’esprit, l’âme. Or, depuis une trentaine d’année, les neurosciences nous montrent l’importance de l’interaction entre le biologique, le psychisme et le spirituel.

 

Spiritualité, émotion, sensations... "On pense avec tout notre corps"

 

Les récentes découvertes en neurosciences nous encouragent donc à penser l’homme dans sa complexité. On a pu observer qu’il y a des interactions entre le biologique et le psychisme. Que l’environnement peut jouer un rôle sur l’expression des gènes – ce que l’on appelle l’épigénétique. Et que la pratique spirituelle aussi a un effet sur le biologique. "Le fait de vivre, de faire des choix, ça joue aussi sur notre biologie. Ça, c’est une des grandes nouveautés, explique Thierry Magnin, les neurosciences nous montrent que l’on ne pense pas simplement avec son cerveau, mais on pense avec tout son corps. C’est tout le système nerveux, de ressenti, qui joue un rôle un rôle très important sur le fonctionnement du cerveau, y compris le lien entre émotion et raison chez l’humain en particulier."

 

C’est comme si, grâce aux techniques de recherche les plus pointues on sortait enfin d’une vision étroite de l’être humain et que l’on redécouvrait ce que les anciens savaient depuis longtemps. Ces découvertes en neuroscience rejoignent en effet certaines grandes traditions de l’anthropologie chrétienne. Et notamment ce qu’a développé saint Irénée de Lyon au IIe siècle. L’homme dans ses trois dimensions : corps (ou chair), âme, esprit, chair âme esprit. "La gloire de Dieu c’est l’homme vivant", écrivait saint Irénée. "C’est-à-dire en harmonie corps-âme-esprit, explique Thierry Magnin, et on pourrait rajouter dans ses environnements, dans ses écosystèmes - que ces écosystèmes soient humains, soient ceux de la nature, soient ceux du cosmos tout entier... C’est extrêmement intéressant !"

 

 

Les sciences du vivant ne disent pas tout. Elles ne parlent pas de la liberté en tant que telle - elles donnent des conditions des possibilités de la liberté

 

 

La liberté est-elle une donnée scientifique ? 

 

"Les sciences du vivant ne disent pas tout. Elles ne parlent pas de la liberté en tant que telle – elles donnent des conditions des possibilités de la liberté." En neuroscience, on parle de biais cognitifs pour désigner les stéréotypes ou les idées toutes faites. Comment s’en libérer ? Pour Thierry Magnin, "la vie dans l’Esprit saint ouvre notre regard, notre manière de voir". L’évangile nous apprend à changer notre manière de voir, à entrer dans une autre logique. Dans son livre, le théologien "essaie de montrer que Jésus a aidé les apôtres à déjouer leurs propres biais cognitifs, comment il leur a appris une autre logique de l’amour, qui vient donner du prix, du poids, à l’humain et qui vient transformer jusqu’à leur biologie, on pourrait dire aujourd’hui".

 

 

Nous avons les conditions biologiques d’ouverture à l’empathie et à la relation profonde

 

 

Nous sommes vraiment des êtres de relation

 

"Les sciences du vivant montrent comment nous avons des capacités d’interaction et de relations. Oui, plus que jamais on peut dire que l’humain est un être de relations. Ce sont les relations qui nos construisent, en particulier les relations de qualité plus que jamais ça vaut le coup de les construire." Les neurosciences ont montré que l'être humain est doué d'altruisme. "On a la capacité de se mettre dans la peau d’autrui", nous dit Thierry Magnin. Grâce aux "neurones miroir", l’être humain a "cette capacité d’altruisme enracinée dans [sa] biologie". "Ça ne veut pas dire qu’on va vivre des relations de qualité de manière automatique mais que nous avons les conditions biologiques d’ouverture à l’empathie et à la relation profonde." 

 

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Emission Dialogue © RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Dialogue

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