Aujourd'hui sort en salles le film "De son vivant" d'Emmanuelle Bercot, avec Catherine Deneuve et Benoît Magimel. L'histoire d'une mère face à son fils atteint d'un cancer incurable.
Le cinéma s’intéresse de plus en plus au thème de la fin de vie. Normal pour un art qui se veut le reflet de nos questionnements contemporains, d’autant plus que le sujet va probablement s’inviter dans la prochaine campagne électorale. Emmanuelle Bercot est la bonne personne pour aborder ce thème. Elle sait tirer une vraie fiction, d’une problématique sociale. Sans trahir la réalité des faits. Elle l’a prouvé deux fois déjà, dans La Fille de Brest qui revenait sur le scandale du Mediator et sur le combat tenace mené par la pneumologue Irène Frachon. Et elle s’était intéressée aussi à la justice des mineurs, dans La tête haute, déjà avec Catherine Deneuve et Benoit Magimel. lls incarnaient respectivement une juge pour enfant et un éducateur spécialisé face à un jeune délinquant qui était LA révélation du film.
Dans ce nouveau film, le personnage central c'est Benjamin, joué par Benoît Magimel. Et il est épaulé dans sa maladie par le Docteur Eddé. C’est un rôle magistral pour Magimel ! Il a perdu plus de 20 kgs pour le rôle. Le film est construit en quatre chapitres, qui suivent les quatre saisons, dans l’ordre été, automne, hiver, printemps. Chaque saison s’ouvre sur une réunion de service de ce cancérologue, exceptionnel d’empathie et d’humanité. Il côtoie la mort tous les jours mais la fin de vie de ses patients l’intéresse autant que la guérison des autres. Et il sait trouver les mots justes avec eux et avec leur famille pour faire face à l’indicible, au déni, à leur colère. C’est très délicat, très subtil, très franc par moments et aussi très joyeux. Ça m’a fait penser à la belle formule d’Anne-Dauphine Julliand, qui écrit dans son livre "Deux petits pas sur le sable mouillé" : "Lorsqu'on ne peut plus ajouter de jours à la vie, il faut ajouter de la vie aux jours".
Le théâtre occupe une place importante dans le film. Benjamin est professeur d’art dramatique et il fait jouer à ses élèves des passages qui parlent de départ, de solitude mais aussi d’amour. Ça lui permet d’avancer dans l’acceptation de sa maladie. La musique aussi joue un rôle important. Celle qui est jouée aux patients dans les chambres, celle du fils de Benjamin, et celle de la bande son du film, magnifique reprise de "Voyage, Voyage" par la chanteuse autrichienne Soap&Skins.
La réalisatrice dit qu'elle aime pleurer au cinéma et il y a ici une vraie dimension mélodramatique. Prévoyez donc quelques mouchoirs ! Mais ce qui fait du bien, c’est de découvrir la réalité de l’accompagnement en soins palliatifs. Le Dr Eddé / Dr Sara dans la vraie vie, joue ici son propre rôle. Il nous révèle l’importance dans ces moments-là de paroles toutes simples, qu’on pense difficile à dire mais qui tiennent en quelques mots et qui libèrent autant ceux qui les disent que ceux qui vont partir. Pour peu que quelqu’un vous mette sur la voie…
Le film fait partie de la sélection Cannes 2021, de même que celui de François Ozon sorti en septembre dernier sur le même sujet. "De son vivant" c’est un peu l’anti-thèse de "Tout s’est bien passé" d’Ozon. Il y traitait avec légèreté du suicide assisté et il est passé selon moi totalement à côté du gouffre émotionnel, psychologique voire spirituel, qu’ouvre le sujet de la fin de vie pour les proches. Alors si vous voulez voir un très beau film tiré du même livre éponyme d’Emmanuelle Bernheim, vous pouvez acheter ou louer en DVD le dernier documentaire d’Alain Cavalier, "Être vivant et le savoir". C’est évidemment plus exigeant sur le plan esthétique et narratif mais c’est un film qui restera gravé en vous longtemps
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