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"Et notre lassitude et notre force pleine" Charles Peguy

Un article rédigé par Madeleine Vatel - RCF Hauts de France, le 24 juin 2020 - Modifié le 27 février 2024
Mémoires de nos pères • RCF Hauts de France"Et notre lassitude et notre force pleine" Charles Peguy
En exécution d'un voeu pour la guérison de son fils Pierre, l'écrivain accomplit deux pèlerinages à la cathédrale de Chartres. De cette longue marche, naitra ce superbe poème.
Feher-Rapho, la Beauce et la cathédrale de ChartresFeher-Rapho, la Beauce et la cathédrale de Chartres

Poème "La présentation de la Beauce à Notre-Dame de Chartres" 

Étoile de la mer voici la lourde nappe

Et la profonde houle et l’océan des blés

Et la mouvante écume et nos greniers comblés,

Voici votre regard sur cette immense chape

Et voici votre voix sur cette lourde plaine

Et nos amis absents et nos coeurs dépeuplés,

Voici le long de nous nos poings désassemblés

Et notre lassitude et notre force pleine.

Étoile du matin, inaccessible reine,

Voici que nous marchons vers votre illustre cour,

Et voici le plateau de notre pauvre amour,

Et voici l’océan de notre immense peine.

[…]

Deux mille ans de labeur ont fait de cette terre

Un réservoir sans fin pour les âges nouveaux.

Mille ans de votre grâce on fait de ces travaux

Un reposoir sans fin pour l’âme solitaire.

Vous nous voyez marcher sur cette route droite,

Tout poudreux, tout crottés, la pluie entre les dents.

Sur ce large éventail ouvert à tous les vents

La route nationale est notre porte étroite.

Nous allons devant nous, les mains le long des poches,

Sans aucun appareil, sans fatras, sans discours,

D’un pas toujours égal, sans hâte ni recours,

Des champs les plus présents vers les champs les plus proches.

Vous nous voyez marcher, nous sommes la piétaille.

Nous n’avançons jamais que d’un pas à la fois.

Mais vingt siècles de peuple et vingt siècles de rois,

Et toute leur séquelle et toute leur volaille

Et leurs chapeaux à plume avec leur valetaille

Ont appris ce que c’est que d’être familiers,

Et comme on peut marcher, les pieds dans ses souliers,

Vers un dernier carré le soir d’une bataille.

[…]

Un homme de chez nous, de la glèbe féconde

A fait jaillir ici d’un seul enlèvement,

Et d’une seule source et d’un seul portement,

Vers votre assomption la flèche unique au monde.

Tour de David voici votre tour beauceronne.

C’est l’épi le plus dur qui soit jamais monté

Vers un ciel de clémence et de sérénité,

Et le plus beau fleuron dedans votre couronne.

 

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