TDAH : que nous dit ce sigle de notre rapport à l’enfant et à la parole ?
Issu des classifications médicales, le sigle TDAH est devenu un mot du quotidien. Mais que dit-il vraiment de l’enfant ? Et que nous dit son usage généralisé de notre rapport au récit, à l’émotion et à l’identité ?
TDAH, un diagnostic devenu courant. Mais derrière le trouble, qu’en est-il du sujet, de l’histoire, de la parole ? © Thomas ParkTDAH : du diagnostic à la narration de soi
Aujourd’hui largement intégré dans le langage courant, le sigle TDAH (Trouble Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité) semble avoir quitté les manuels de psychiatrie pour entrer dans les conversations familiales, scolaires et médiatiques. Derrière ce diagnostic devenu banal, Gaëlle de Decker pose une question essentielle : à quel prix ?
Un sigle, un trouble, une identité ?
TDAH : trois lettres qui désignent un trouble neurodéveloppemental caractérisé par l’impulsivité, l’inattention, l’agitation. Ce sigle venu des classifications internationales (DSM) s’impose comme clé d’entrée dans un parcours de soin.
Pourtant, décrire un comportement n’épuise pas l’histoire d’un enfant. Ni son rapport à lui-même. "La narration de soi n’a pas de valeur diagnostique en psychiatrie", rappelle Gaëlle de Decker. La parole du patient (ses souvenirs, son désir, son histoire) pèse moins qu’un bilan, une échelle, un test. Le symptôme devient un dysfonctionnement, objectivable, mesurable, souvent hors contexte affectif et relationnel.
Le diagnostic : apaisement ou réduction ?
Le TDAH s’inscrit dans un mouvement de biologisation des troubles psychiques. Ces approches neuroscientifiques ont le mérite de parler un langage commun, compréhensible par les familles, les enseignants et les soignants. Le diagnostic peut alors devenir un soulagement : il apporte une explication, déculpabilise parents et enfants, et parfois répare un narcissisme blessé par des années de scolarité chaotique.
Mais il peut aussi, à force de simplifier, réduire la complexité d’un parcours à un sigle. Un TDAH, ce n’est pas seulement un cerveau qui fonctionne différemment, c’est une histoire, un milieu, un corps, des affects. Des facteurs biologiques, psychiques et environnementaux interagissent.
La HAS recommande… mais que reste-t-il de la parole ?
Dans ses dernières recommandations, la Haute Autorité de Santé insiste sur une approche pluridisciplinaire : psychoéducation, aménagements scolaires, thérapies comportementales, traitement médicamenteux. La psychanalyste souligne l'absence ou la marginalisation des entretiens cliniques approfondis, de la dimension subjective.
La thérapie par la parole n’est pas suffisante à elle seule, certes. Mais elle permet de relier un trouble à une histoire. Or, quand un enfant entre dans un parcours de soins, ce sont souvent les parents qui interrogent aussi leur propre récit, leurs croyances éducatives, leur place. Le TDAH devient alors un miroir, douloureux mais potentiellement fécond.
Un trouble qui interroge toute la famille
“Le médecin a dit” : cette parole a du poids. Elle oriente, structure, légitime. Mais elle peut aussi figer une identité. De nombreux enseignants et professionnels s’inquiètent d’un usage trop rapide du sigle, qui devient parfois le prétexte à une déresponsabilisation éducative.
Loin des caricatures, Gaëlle de Decker plaide pour une approche intégrative, qui n’oppose pas neurosciences et psychanalyse, mais cherche à relier les deux. Car derrière le trouble, il y a un enfant singulier, et des adultes souvent en quête de sens.


Dans "Les mots du divan", suivis d'une conversation avec Marie Olivares, Gaëlle de Decker, nous propose d'être à l'écoute des interrogations des femmes et des hommes d'aujourd'hui, confrontés aux autres, au monde et à eux-mêmes.


