Séniors : comment vivre l'attente de petits-enfants ?
Devenir grands-parents quand on a eu des enfants, ce n’est plus forcément automatique. Avec un taux de natalité en net recul depuis dix ans, l’attente peut être longue avant l’arrivée de petits-enfants, voire de ne pas en avoir du tout. Comment vivre cette situation ? Comment combler ce manque, si manque il y a ? Quel regard jette notre société sur ces séniors sans petite descendance ? L’éclairage de Vivianne Kovess-Masfety, psychiatre et épidémiologiste et Sophie Charteau, fondatrice de l’association Manou Partages.
Pourquoi tarde-t-on à être grands-parents ? Les causes peuvent être multiples. D’après les témoignages recueillis par Vivianne Kovess-Masfety, "il y a les grands-mères qui ont cru qu’elles ne le seraient jamais, pour des questions de fertilité, avec leurs filles engagées dans un vrai parcours du combattant suite à des fécondations in vitro... Une grande joie quand ça a pu se faire. Mais une grande angoisse avant."
Autres raisons souvent invoquées : des difficultés financières, notamment à pouvoir se loger, privilégier son travail avant de fonder une famille, l’orientation homosexuelle des enfants, mais aussi la volonté de ne pas en vouloir face à un avenir incertain concernant la planète. En tout cas, un choix à respecter pour la psychiatre qui souligne : "Aujourd’hui, on n’est pas dans une société où on est obligé de faire des enfants et notamment pour faire plaisir à ses propres parents."
Des "Mamies de cœur" avec Manou Partages
Reste qu’il peut y avoir un manque, voire un besoin de vouloir transmettre temps et affection à des enfants. Permettre justement à des séniors sans petits-enfants (ou qui ne voient pas assez les leurs) de rentrer en contact avec des familles qui n’ont pas de grands-parents, c’est la première mission de Manou Partages. "Manou", comme le surnom de cette dame isolée de 75 ans que Sophie Charteau, maman solo, a rencontrée à son arrivée près de Nantes et avec qui elle a eu de beaux moments de partage avec ses filles. "Une mamie de cœur" qui a inspiré la création de l’association en 2010 et qui compte aujourd’hui 130 mises en relation inter-générations.
Parmi ses "Mamies de cœur", Véronique, alias "Manou Véro". N’ayant pas eu d’enfants, elle s’est engagée il y a trois ans auprès d’une petite fille proche de chez elle. "On s’appelle régulièrement, on organise des sorties au musée ou à la mer, j’assiste à chaque rentrée des classes, avec un petit cadeau. Elle a son caractère, mais c’est une très belle relation qui s’est nouée avec elle et sa maman et ça m’apporte aussi beaucoup", témoigne-t-elle.
Une transmission dans les deux sens
Mais peut-on parler de besoin d’être grands parents ? "Besoin", un terme que nuance Vivianne Kovess-Masfety. "Il y a une énorme diversité de cas, liée aux cultures ou au passé. Il peut ainsi y avoir des femmes qui ont beaucoup travaillé, ont élevé leurs enfants et n’ont pas envie d’être grand-mère tout de suite, sans devoir être culpabilisées." Quant à la notion de transmission, "il faut aussi qu’il ait désir dans les deux sens", rajoute-t-elle. "Aujourd’hui les enfants n'ont pas forcément envie d’écouter leurs grands-parents, ils sont très informés et ne rêvent pas tous d’une grand-mère en tablier à carreaux qui fait des confitures" comme certaines publicités ont pu véhiculer l’image.
Pour autant, n’y a-t-il pas un risque d’isolement, voire de jalousie de ces séniors sans petits enfants, par rapport à d’autres, frères, sœurs ou amis qui en seraient pourvus ? Parrainer des petits enfants, en voulant être comme les autres, pour Sophie Charteau, ce n’est vraiment pas une raison pour laquelle ces séniors s’inscrivent à l’association. "Ça ne pourrait pas durer", estime-t-elle. "Il s’agit là d’un vrai engagement de cœur et des deux côtés." D’où d’ailleurs la signature d’une convention symbolique pour acter ce rapprochement.
Liens de sang ou liens du cœur ?
Mais en matière de petits-enfants, comme le soulève une auditrice, les liens du cœur peuvent-ils se substituer aux liens du sang ? "C’est une vraie question !", estime Vivianne Kovess Masfety, qui reconnait "qu’il peut y avoir des situations très conflictuelles dans les familles. Mais on n’est pas là pour utiliser les uns pour compenser les autres quand ça se passe mal." Un point de vue partagé par Sophie Charteau qui veille lors des premiers entretiens, à ce que les enfants des candidats soient bien informés de cette démarche de parrainage. Tout comme vérifier que les familles mises en contact ne prennent pas non plus les papys ou mamies de cœur pour des baby-sitters !
Mais petits enfants naturels ou d’adoption, mieux vaut ne pas trop attendre. Histoire de garder la forme pour cultiver (enfin) l’art d’être grand-père… ou grand-mère !
Pour aller plus loin :
"Être grand-mère aujourd'hui " de Vivianne Kovess-Masfety, psychiatre et épidémiologiste : De l'annonce des petits-enfants aux questions de disponibilité ou d'éducation, en passant par la façon de les appeler ou leur place en familles dite "recomposées" , le témoignage d'une quarantaine de grands-mères avec l'analyse de leur ressenti. Editions Odile Jacob - 2023
> "Manou Partages" : une association basée à Nantes et qui depuis 2010 favorise le lien entre générations, par des parrainages, mais aussi des temps de rencontres. Elle recherche actuellement des "grands-parents de cœur" pour la Loire-Atlantique, ainsi qu'en Gironde et dans la Sarthe.
Pour aller plus loin
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