Migraines : quelles solutions quand la vie tourne au casse-tête ?
D’après l’OMS, c'est la deuxième maladie neurologique la plus invalidante. En France, dix millions de personnes en souffrent à des degrés divers. Mais en quoi les migraines sont-elles différentes de simples maux de tête ? Par quoi elles se traduisent-elles et comment essayer de vivre avec ? Le point avec Le Pr Xavier Moisset, neurologue au CHU de Clermont-Ferrand et chercheur au laboratoire Neurodol et Sabine Debremaeker, présidente et co fondatrice de "La Voix des Migraineux".
©Freepik "T’as mal à la tête ? Prends un doliprane, ç’est rien, ça va passer." Voilà le genre de réflexion que Maïwen, 18 ans, n’a pas arrêté d’entendre pendant sa scolarité, minimisant la gravité des crises qu’elle traversait. Pourtant la migraine, c'est une vraie maladie neurologique, avec des effets particulièrement handicapants, que détaille le Pr Moisset. "Il y a la douleur de la tête qui peut être très intense, augmentée par l’activité physique. Une gêne liée au bruit, à la lumière, des nausées, des vomissements. Et ça peut durer quelques heures, voire plusieurs jours. Donc il faut reconnaitre cette maladie."
Un cercle vicieux
Mais qu’est-ce qui se passe dans le crâne pour déclencher ces réactions ? "Ce sont d’abord les neurones qui s’hyper activent.", explique le neurologue. "Ils vont exciter l’ensemble du cerveau, libérer des substances inflammatoires qui vont dilater les vaisseaux, lesquels devenus poreux vont laisser passer ces substances qui à leur tour vont exciter les neurones. Et c’est un cercle vicieux qui se met alors en place." Différentes zones vont être impliquées, rendant le cerveau hypersensible au bruit, à la lumière, aux odeurs, mais aussi au toucher, "certaines personnes allant même jusqu’à ne plus supporter d’avoir les cheveux attachés ou encore le port des lunettes."
Dix millions de migraineux à des degrés divers en France. Mais qui est concerné ? "Il y a une part de génétique. "explique le chercheur de Neurodol. "On connait 123 gènes qui présentent ce risque de déclencher des crises de migraines." Les femmes sont aussi plus touchées : trois pour un homme. "Les hormones sexuelles jouent un rôle dans la sensibilité des méninges. Mais on ne comprend pas tout encore sur leur implication. Par contre, cette majorité féminine a contribué à minimiser ces douleurs. Le fameux "pas ce soir, j’ai la migraine" reste quelque chose qui fait rire les gens et a décrédibilisé cette maladie."
Des phases caractéristiques
Comment alors diagnostiquer la, ou plutôt, les migraines ? "Dans la très grande majorité des cas, ce n’est pas très difficile, si on prend le temps d’écouter la personne." assure le neurologue. "Quand les choses sont très typiques, on peut poser le diagnostic en une seule consultation." Car les crises évoluent généralement en phases caractéristiques: L’hypothalamus, horloge interne du cerveau, va commencer à s’activer, ce qui va déclencher des envies de bailler, une fatigue, parfois une fringale." Une première phase qualifiée de "prodrome".
Dans un deuxième temps, chez certaines personnes, il y a l’aura migraineuse, avec notamment des choses brillantes, qui vont être vues pendant 20 minutes. Ensuite, la douleur commence, avec les gênes à la lumière, au bruit et les nausées. Enfin, une dernière phase dite "post drome" avec une sorte de brouillard mental ou les patients ont du mal à se concentrer après la douleur."
Trouver le bon traitement
Quoi faire contre ces migraines ? Malheureusement, rien pour l’instant ne permet d’en guérir définitivement. Mais des traitements existent à deux niveaux : contre les crises, comme les triptans, des molécules spécifiques anti douleurs Mais aussi des traitements de fond pour réduire les risques de déclenchements. Des médicaments qui ont été utilisés pour d’autres pathologies. "Certains anti dépresseurs, des antis épileptiques ou des béta bloquants qui vont ralentir le cœur ou faire baisser la tension artérielle." précise le Pr Moisset. D’autres approches peuvent aussi soulager, comme la relaxation, la méditation ou l’acupuncture, "même si" souligne le médecin, "les études ont montré qu’il fallait trois séances par jour pour être bénéfiques, ce qui peut représenter un coût majeur."
Mais si des traitements existent, encore faut-il trouver le bon, adapté à son cas personnel. Sabine avoue en avoir suivi plusieurs, avant de trouver celui qui a pu diminuer ses crises épisodiques. Diagnostiquée à 19 ans d’une migraine hémiplégique, sa vie reste encore conditionnée par des situations à risque « Je ne peux plus aller au spectacle. Dans les magasins où la musique est trop forte, je mets des boules Quiès." témoigne-t-elle. "Faire du shopping, pour beaucoup de migraineux, ça reste impossible."
Un handicap pas toujours reconnu au travail
Difficile aussi de concilier migraines et vie professionnelle, où les conditions de travail, comme les open space sont des terrains à crise. Il y a aussi le caractère imprévisible d'évènements pouvant déclencher les malaises en se rendant en entreprise, comme un bouchon et ses klaxons. "Il y a de plus en plus de personnes qui bénéficient de la reconnaissance de travailleur handicapé, mais certains médecins du travail le refusent encore. Une méconnaissance de la maladie qui fait que c’est aussi difficile de trouver des aménagements." constate la présidente de "La voix des Migraineux".
A cela se rajoute la culpabilité de devoir souvent être absent. "Les personnes essayent de tenir, vont se cacher dans les toilettes pour prendre leurs médicaments, dans leurs voitures sur le temps de midi. Moi, j’étais enseignante spécialisée en zone sensible, j’ai tenu, tenu. Mais à 50 ans, j’ai fini par perdre mon travail."
Des combats encore à mener
D’où le rôle de « La voix des migraineux » pour faire bouger les lignes. Créée en 2018 et reconnue d’intérêt général en 2024, l’association propose toute une information pour mieux comprendre la maladie. Elle se mobilise aussi auprès des pouvoirs publics, notamment pour la prise en charge de traitements. Dans sa ligne de mire : les anti CRGP. Un traitement pourtant efficace, utilisé partout en Europe, sauf qu'en France, "il n'est pas remboursé, avec des coûts de 250 € par mois, ce qui est prohibitif pour la majorité de la population." regrette le Pr Moisset.
En attendant, Sabine veut garder le moral : "Ce qui me fait tenir, ce sont ma famille, mes enfants, les combats que l’on mène pour faire progresser la reconnaissance de cette maladie. Et malgré les crises, je peux profiter de la vie."
Pour aller plus loin :
"La Voix des migraineux" : une mine d'information pour mieux comprendre les migraines, apprendre à gérer les crises et connaitre ses droits . A retrouver sur le site : https://www.lavoixdesmigraineux.fr/


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