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Handicap acquis : faciliter le retour au travail d'un salarié

Handicap acquis : faciliter le retour au travail d'un salarié

Un article rédigé par Martin Obadia - RCF Haute-Loire, le 17 novembre 2025 - Modifié le 18 novembre 2025
5 minutes éco en AuvergneFaciliter le retour en entreprise d'une personne avec un handicap acquis

La 29e édition de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées se tient du 17 au 23 novembre. Certains handicaps sont de naissance, d’autres sont acquis, c’est à dire qu’ils surviennent en raison d’une maladie, suite à un accident. Il n’est pas toujours facile de réintégrer son entreprise après. Des actions peuvent être mises en place pour faciliter ce retour à l'activité.  

Le taux de chômage des personnes en situation de handicap est de 12% contre 7% pour la population générale selon l'Observatoire des inégalités /image d'illustration PixabayLe taux de chômage des personnes en situation de handicap est de 12% contre 7% pour la population générale selon l'Observatoire des inégalités /image d'illustration Pixabay

85% des handicaps sont acquis, c’est à dire qu’ils ne remontent pas à la naissance. Ils sont dus à un accident ou une maladie. Retourner dans son entreprise avec un handicap peut susciter des inquiétudes et une appréhension. Nicolas Iordanoff, consultant en stratégie et conduite du changement à Alterego43 propose des pistes d’action.  

 

Martin Obadia : 85% des handicaps surviennent au cours de la vie, sont-ils toujours visibles ?  

Nicolas Iordanoff : Non. Ça peut être une collègue qui a une maladie chronique, qui doit faire des siestes. Ça peut être un collègue diabétique qui doit gérer son insuline et ses pauses régulières. Ça peut être quelqu'un aussi avec des troubles anxieux, qui a besoin d'un télétravail de 2 jours par semaine. Ça peut être aussi une personne avec des acouphènes qui ne peut plus supporter l'open space. 80% des handicaps sont invisibles.

Pour cette personne, c'est ce qu'on pourrait appeler le grand huit émotionnel. Il y a le triple deuil silencieux.

 

MO : Ce n’est pas forcément facile pour la personne en situation de handicap de retourner dans l'entreprise, de reprendre l'activité. Quelles questions et quelles appréhensions la personne peut-elle avoir ?

NI : Pour cette personne, c'est ce qu'on pourrait appeler le grand huit émotionnel. Il y a le “triple deuil silencieux” pour cette personne. D'abord le deuil de son corps d'avant. “Avant je pouvais porter des cartons, maintenant je suis essoufflé après 10 marches”. C'est le deuil de son identité professionnelle. Du type “j'étais la Boss qui gérait 3 dossiers en même temps et maintenant j'ai un peu de mal sur mes mails”. C'est aussi le deuil de sa place dans le groupe. Imaginez, “ils me voyaient comme le pilier de l'équipe et maintenant ils me voient comment ?

 

Pour faciliter le retour dans l’entreprise, la personne joue un rôle clé. Elle doit s’impliquer, mais comment ?  

Dans ces moments-là, effectivement, le rôle de la personne qui va revenir avec un handicap acquis est primordial. Elle doit préparer son retour. Tout d'abord avec ses proches, sa famille, ses amis. Ils sont autant de creusets d'expérimentations bienveillants pour voir et vivre la vie différemment et entrevoir aussi des nouvelles façons de mettre en œuvre ces nouveaux comportements et de se fixer de nouveaux objectifs. Ensuite la personne doit travailler sur elle-même pour franchir ces différents deuils. Avec l'aide d'un psychologue par exemple, voire d'un coach selon ses compétences. Ça, c'est vraiment important aussi parce que dans cet accompagnement, les sujets de fond pourront être abordés de manière neutre, confidentielle et personnelle. Et puis s'engager dans un vrai travail de réflexion, notamment avec la médecine du travail, la Maison Départementale des personnes handicapées, l'Agefiph, le médecin de famille. C'est vraiment important parce qu’elle doit comprendre cette personne qu'elle ne peut pas avancer toute seule. Et qu'il y a des acteurs fondamentaux qui sont là pour l’ accompagner.

Clarté, constance, compassion, voilà une nouvelle manière d'aborder sa relation avec soi-même et surtout avec les autres.

 

Pour vous un outil d’accompagnement c’est la règle des 3 C, de quoi s’agit-il ?  

C'est la clarté. J'exprime mes besoins précisément parce que les autres ne peuvent pas les imaginer ou les présupposer. Après c'est la constance. Je répète mes besoins sans avoir à culpabiliser. Et le troisième C, c'est celui de la compassion. D'abord envers moi-même, je m'autorise à ne pas être parfait. Clarté, constance, compassion, voilà une nouvelle manière d'aborder sa relation avec soi-même et surtout avec les autres.

 

Pour faciliter le retour dans l’entreprise d’une personne en situation de handicap acquis, quelle approche doit avoir l’employeur ou le manageur ?  

L’employeur a une obligation légale en adaptant le travail de la personne concernée par des aménagements raisonnables. Il va y avoir aussi pour l'employeur un mythe à casser qui est “ça va coûter une fortune”. La réalité c'est que le coût moyen d'un aménagement c'est entre 500 et 3000 €. C'est souvent financé par l'Agefiph. Exemple, un licenciement avec un recrutement et la formation d'un remplaçant, c'est entre 15 et 50 000 €. Si j'aménage le poste, c'est entre 500 et 3000€. La médecine du travail, l'Agefiph, la MDPH sont là aussi pour aider l'employeur.  

Il y a aussi des comportements à éviter du type : “on va en faire une communication interne. Une entreprise qui prend soin de ses salariés fragiles est une entreprise qui prend soin de tous ses salariés”. On va éviter ce genre d'argument tout à fait maladroit. On pourrait dire de manière générale que l'inclusion c'est rentable. En plus d'être éthique, l'employeur devra s'appuyer aussi sur un cercle vertueux : le médecin du travail qui évalue, préconise et prescrit, la personne elle-même qui exprime ses besoins, va valider les solutions. Et puis bien sûr, lui-même, manager RH qui met en œuvre, suit et ajuste. C'est ce que j'appelle le triangle vertueux médecin du travail, personne, manager, avec bien sûr les autres acteurs déjà cités précédemment.

Si l'employeur ne fait rien, d'abord il y a un risque de contentieux, il y a ensuite une condamnation possible pour discrimination.

 

Quelles sont les conséquences s'il ne fait rien ?  

Si l'employeur ne fait rien, d'abord il y a un risque de contentieux, il y a ensuite une condamnation possible pour discrimination et il y a des coûts énormes qui vont être liés aux licenciements et aux indemnités. Et puis bien sûr, ça va toucher la mauvaise réputation et la marque employeur de manière générale en revanche.  

Entretien avec Nicolas Iordanoff - Faciliter le retour en entreprise d'une personne avec un handicap acquis

Un troisième maillon est vital, c'est l'équipe. Elle peut avoir des préjugés, vouloir bien faire et avoir beaucoup de fausses bonnes idées. Des choses qu'il faut éviter. Mais quoi par exemple ?

Quand on est membre de l'équipe, il faut proposer, jamais imposer et respecter la réponse. C'est ni trop ni pas assez, juste disponible. Il y a aussi des comportements très maladroits. On va éviter d'être surprotecteur du type : “laisse je vais le faire pour toi”. Le résultat c'est qu'on finit par infantiliser la personne qui est en face. Il y a le comportement de l'éviteur, “je ne sais pas trop comment réagir alors du coup je ne dis rien ou je ne fais rien”. Le résultat c'est qu'on va favoriser l’isolement du collègue. Il y a le comportement du maladroit, “mais c'est quoi exactement ton truc ?” Ça peut générer un malaise. Et puis bien sûr, il y a toujours dans une équipe quand même quelqu'un qui aura un comportement équilibré du type “tiens salut, content de te revoir. Si tu as besoin tu n'hésites pas”. Et il y a un autre sujet rencontré souvent en entreprise que j'appellerai le syndrome de on parle de lui sans lui ou d’elle sans elle. La solution c'est d'en parler toujours ouvertement, sans tabou, puisque c'est une réalité avec cette personne. On ne peut pas parler de quelqu'un sans l'impliquer dans les discussions. L'inclusion du handicap, c'est la porte d'entrée vers une culture du travail plus humaine.

Ça booste la créativité parce qu'à problème nouveau, solution nouvelle. Ça développe la cohésion d'équipe. Ça va nourrir une culture d'entreprise qui est plus humaine.

 

Quels avantages et bénéfices l'entreprise et l’équipe peuvent-elles retirer de mettre tout en œuvre pour faciliter le retour à l'emploi d'une personne en situation de handicap ?

Dans les équipes où cela a été très bien géré, d'une part ça booste la créativité parce qu'à problème nouveau, solution nouvelle. Ça développe la cohésion d'équipe. Ça va nourrir une culture d'entreprise qui est plus humaine, qui va attirer et fidéliser d'autres salariés. Ça va renforcer l'image de l'employeur dans la réalité de la prise en charge des problématiques de son personnel. Et ça va favoriser la culture d'une gestion du risque, quel qu'il soit, parce qu'effectivement c'est un risque et qui peut arriver presque à tout le monde. C'est ça ce que j'appelle l'intelligence collective, c'est ça travailler autrement ensemble. S'il y avait un conseil à donner, c'est de faire pour l'autre ce qu'on aimerait qu'on fasse pour soi-même dans cette situation-là.

 

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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