Enfants : comment dépister les problèmes de vue ?
Est-ce que vous voyez bien ? Une question qui se pose pas seulement quand on vieillit. Mais aussi pour les enfants. Or, selon la dernière étude de l'observatoire de la Vue, près d'un sur deux avant 5 ans n'ont jamais consulté d'ophtalmologiste. Quels sont donc les problèmes oculaires les plus fréquents à cet âge-là ? Quels signes d'alerte pour les parents ? Quelles nouveautés en matière de correction visuelle ? L'expertise du Dr Florence Ribeaudeau, ophtalmologiste dans la Sarthe et membre du groupe Ophtamaine, très impliqué dans la lutte contre les déserts médicaux.
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Quand débutent les problèmes de vue ? "Déjà" rappelle le Dr Ribeaudeau,"l’acuité visuelle d’un bébé est tout à fait immature. Il voit des ombres, il voit les visages. Mais sa vision va ensuite se développer très rapidement." Quels sont alors les pathologies les plus fréquentes à cet âge ? "Ça peut être une cataracte congénitale ou un rétinoblastome, qui est un cancer de l’œil. Heureusement, c'est rare." rassure la praticienne. Mais comment s’en rendre compte ? D’abord par le comportement : "Un enfant qui ne va pas bien fixer, qui va avoir un positionnement particulier de la tête." Mais aussi des anomalies "comme une lueur blanche dans la pupille ou un strabisme. Ce sont des signes qui doivent amener à consulter un ophtalmologiste quel que soit l’âge pour un examen approfondi."
Myopie et compagnie !
Et plus tard, quels genres de problèmes peuvent se poser ? Petit tour d’horizon dans une cour d’école primaire auprès de porteurs de lunettes :"Moi, je regardais la télé de trop près et je clignais des yeux. Moi, je louchais, donc je devais mettre un cache œil. Moi, je voyais trop petit, du coup, je n’arrivais pas trop à lire." Autant de témoignages révélateurs pour l’ophtalmologiste. D’abord les troubles de la réfraction : "lorsque les rayons lumineux ne se projettent pas sur la rétine, mais soit trop en avant, trop en arrière ou de manière inégale. D’où la myopie, vision nette de près mais flou de loin." L'hypermétropie, son contraire, qui oblige à forcer pour avoir une vision nette. Enfin l’astigmatie, vision déformée qui fait voir tout le temps flou de près comme de loin.
Autre difficulté visuelle : l’amblyopie, à savoir la vision basse d’un œil qui ne peut pas être améliorée par des lunettes. "C’est souvent lié à un trouble de la réfraction, notamment quand il y a une différence de correction entre les deux yeux." explique le Dr Ribeaudeau. "Ça peut aussi être dû à un strabisme, quand les deux yeux ne sont pas parallèles. Le cerveau va alors privilégier la vision d’un seul œil, tandis que l’autre ne va pas se développer." Troisième raison : "Quand il y a une privation, par exemple un ptosis, une paupière qui est fermée, une cataracte congénitale ou encore une anomalie organique." L’objectif sera donc de faire travailler l’œil "paresseux" en créant un handicap visuel pour l’œil le meilleur, soit par un cache, soit un verre flou.
Lunettes et nouvelles techniques
Quoi faire quand ces troubles sont dépistés ? "La base, ce sont des lunettes. Tout trouble visuel commence par le port de lunettes adaptées." assure la spécialiste. A privilégier : "Les montures plastiques, sans plaquettes pour les bords du nez et avec un pont nasal bas entre les deux verres. Les montures doivent cacher les sourcils." Pourquoi ? "Parce que l’enfant est petit, regarde vers le haut alors qu’il il faut qu’il regarde à l’intérieur des lunettes. Donc, s’il a des montures trop basses, il va regarder par-dessus et ça ne servira à rien." Des indications bien prises en compte par les opticiens et favorisées aujourd’hui par la mode, qui privilégie aujourd’hui les grandes montures, loin des plates ou allongées d’il y a une dizaine d’années..
Mais les lunettes classiques ne sont pas la seule réponse à ces troubles visuels. D’autres techniques ont fait leur apparition pour lutter notamment contre la myopie. En premier lieu, les verres freinateurs. "Ce sont des verres spécialement adaptés, qui, sur les parties périphériques, vont avoir des petites zones qui vont défocaliser l’image vers l’avant et donc avoir un effet freinateur de la myopie. Et pour des enfants dont elle évoluait d’une année sur l’autre, on voit que ça bloque. C’est vraiment formidable !" constate l'ophtalmologiste.
Autre approche : l’orthokératologie, à savoir des lentilles de contact rigides, plates dans la partie centrale et que l’enfant va porter du coucher au réveil. "L’intérêt, c’est qu’elles vont exercer une pression sur les yeux avec les paupières fermées la nuit et vont faire du modelage cornéen qui va avoir là aussi un effet freinateur de la myopie." Enfin, citons la prescription de collyre d’atropine, une substance qui, avec un dosage très faible, va bloquer l’accommodation, ce réflexe naturel de mise au point, source de fatigue visuelle.
Une myopie pas si anodine
Autant de méthodes nouvelles contre la myopie …qui ne cesse de progresser. Un enfant sur 3 dans le monde et en France, un ado sur deux entre 11 et 13 ans. La faute aux écrans ? "Tablettes ou smartphones, on les regarde de trop près." reconnait le médecin. "Donc faire des pauses régulières et lever le nez toutes les vingt minutes, pour éviter l’accommodation. Privilégier également pour les enfants des activités à l’extérieur, à la lumière du jour et au moins deux heures par jour." Enfin éviter la lecture avec une faible lumière artificielle.
Car l’enjeu est important : "Une myopie faible pourra se corriger facilement. Mais une plus sévère - moins 6 diopties- pourra entrainer plus tard des anomalies anatomiques, avec risques de décollement de la rétine ou glaucome. " D'où l’importance de faire contrôler sa vision dès le premier âge. "Tous les enfants devraient voir régulièrement un ophtalmologiste à partir de deux ans et demi, trois ans, puis cinq ans , dix ans et quatorze ans. C’est le minimum ! " Une bonne prévention … à tout point de vue !
A noter : L’initiative d’Ophtamaine pour lutter contre les déserts médicaux dans la Sarthe. Réunissant 33 professionnels de la santé, ce réseau permet un accès plus facile aux soins visuels grâce à sept postes avancés d’ophtalmologies (PAO) implantés en milieu rural. Chaque unité regroupe un orthoptiste spécialement formé pour des premiers examens, en lien avec un ophtalmologiste qui vient consulter sur place en cas de problèmes oculaires graves. Depuis sa création en 2019, Ophtamaine prend en charge chaque année près de 90 000 patients, dont 55 000 en postes avancés. Toutes les infos sur https://ophtamaine.fr/


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