Le 17 mars 2020, la France rentrait en confinement, à la suite de l'épidémie de Covid. Cinq ans après, quels ont été les effets de cette pandémie dans la vie familiale, pour le couple et les enfants ? Quelles répercussions aussi dans les apprentissages scolaires ? Le point avec Marie Brintet, conseillère conjugale, Céline Ferrier, docteur en sciences du langage et Solveig Foucher, psycho-praticienne spécialisée chez les enfants et les adolescents.
"Nous sommes en guerre !" Qui ne se rappelle pas, le 16 mars au soir, le visage fermé du président Emmanuel Macron annonçant la restriction drastique des déplacements. Cinq après, difficile de faire une généralité sur la façon d’avoir vécu ce huis clos forcé. Il y a eu l’endroit où on l’a passé, appartement ou maison à la campagne. "Mais pas seulement", souligne la docteure en sciences du langage Céline Ferrier. "Il y a eu aussi la composition familiale et les relations qui pré existaient avant le confinement." A quoi rajoute la conseillère conjugale Marie Brintet "la place de la vie professionnelle chez les parents. Certains étaient complètement absents, comme les soignants ou le BTP, d’autres très présents et très occupés, voire pas du tout occupés. Il y avait tous les cas de figures."
Une période en tout cas anxiogène. Mais quelles répercussions chez les plus petits ? "Davantage de retard de langage", estime Céline Ferrier. "Selon les familles, les enfants ont eu moins l’occasion d’avoir des conversations et d’être à l’écoute d’adultes, occupés notamment par le travail à distance ou pris à l’extérieur. Mais il y a eu aussi l’absence de sorties comme au parc, à l’école et dans les magasins, ce qui développe d’habitude leurs compétences langagières."
Des enfants aussi plus stressés, vu les nouvelles alarmistes ? La psycho praticienne Solveig Foucher ne le nie pas. "Mais c’était aussi", estime-t-elle," le rôle des parents d’essayer de ne pas transmettre leurs inquiétudes, filtrer les informations et ne pas cacher la vérité tout en rassurant." comme en cuisinant ou en jouant ensemble.
Et les ados, comment ont-ils vécu cette période ? Petit tour d’horizon à la sortie d’un lycée lyonnais : "Comme des vacances, sans école" témoigne l’un. "Beaucoup de jeux vidéo", renchérit un autre."Quelques prises de tête avec ma mère" souligne une troisième. "C’était bien au début, mais long à la fin, de ne plus voir les autres." soupire une quatrième." Des réactions que Solveig Foucher analyse : "L’adolescent a besoin de se construire en dehors de ses parents. Et là, avec des parents très présents, ils ont été freinés dans leur besoin d’autonomie."
Un isolement qui a aussi, d’après des études qui ont suivi, augmenté les troubles sociaux anxieux pré existants avant la pandémie. Et la thérapeute de citer en exemple cette jeune fille de 16 ans, "frappée par une peur de sortir, d’aller en cours et de retrouver le monde extérieur."
Enfants, ados, mais aussi couple, qui pour certains, se sont retrouvés à cohabiter sous le même toit. Une situation qu’on retrouve généralement à la retraite. Si d'après une enquête Ifop, le confinement n’a rien changé pour six couples sur dix, un sur dix s’est séparé. "Le vécu du confinement a été un révélateur de ce qui n’allait pas déjà dans le couple" juge la conseillère conjugale Marie Brintet."Et le fait de ne pas avoir pu sortir a aussi été une accélération des ruptures." Et d’expliquer "Le couple a besoin de se retrouver, mais aussi de pouvoir être à l’extérieur pour s’enrichir. Etre H 24 en face de l’autre, il faut vraiment avoir des bases solides ou cette envie de continuer à construire au quotidien ce qui convient aux deux. Mais il a des personnes qui n’ont pas eu cette faculté, pas assez de recul ou trop de stress liées à la pandémie pour pouvoir gérer ces émotions."
Cela dit, quelles répercussions aussi sur le niveau scolaire ? "Pour les enfants qui ont été 2020 en Grande Section de Maternelle et CP, stade de l’apprentissage de la lecture, cela a été très compliqué." affirme Céline Ferrier. "Après, il faut rappeler que la France a été l’un des pays au monde où les écoles ont été fermées le moins longtemps et les enfants ont été moins impactés du fait de ce choix." Solveig Foucher note pour sa part qu' "il y a plus de cas de phobie scolaires, de refus scolaires anxieux dus à la déconnexion avec le monde extérieur.
Et le port du masque a eu aussi ses conséquences : "il a aussi créé une dépersonnalisation de soi et des autres avec des répercussions assez négatives sur l’épanouissement et le développement de l’enfant." Quant aux ados, des cours à distance plus ou moins suivis ont conduit certains à être moins motivés, voire décrocher ou pour d’autres à avoir des difficultés ensuite à rester concentrés une journée en classe. "Même si il y a eu le plaisir de retrouver mes camarades de classe !" assure une collégienne.
En conclusion, les confinements, une période à ranger au rayon des mauvais souvenirs ? Marie Brintet tempère : "Cela a permis à beaucoup de couples de se recentrer sur ce projet conjugal important dans leur vie et de retrouver une relation de très bonne qualité les uns avec les autres, les grands parents et aussi les voisins, parce qu’il y a eu une grande solidarité aussi pendant ces confinements, qui ne s’est pas éteinte après." Pour Solveig Foucher, il y a eu "ce quotidien qui a ralenti, surtout pour les mères de famille, pas de devoirs à rendre le lendemain, pas d’horaires et l’exploration de nouvelles activités en famille."
Enfin, dernier point positif concernant la scolarité, soulevé par Céline Ferrier: "Pour les parents, de s'être rendu compte à quel point le métier d’enseignant était essentiel et inversement pour les enseignants, de constater que beaucoup de parents étaient aussi très investis dans la scolarité de leurs enfants. Une dynamique donc à poursuivre !" Le confinement, une façon d'avoir mis tout le monde à bonne école ?
Pour aller plus loin :
Le Cler, Amour et Famille : Sous le slogan "Aimer, ça s'apprend", ce mouvement chrétien créé en 1962 propose un accompagnement pour les couples, mais aussi pour les plus jeunes à travers des sessions et week-ends. Toutes les infos sur : https://www.cler.net/
"Coup de pouce" Association nationale visant à lutter contre les inégalités sociales et promouvoir la réussite scolaire pour tous. Elle est présente dans 240 villes de France. A retrouver sur : https://coupdepouceassociation.fr/
Titres de Solveig Foucher, psycho praticienne : "Manuel à l'intention des parents qui voudraient avoir de l'autorité mais ne savent pas comment" et "Pourquoi votre ado vous déteste- parfois-" aux éditions Mango
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
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