Comment gérer l’articulation entre la vie de couple et le travail au regard de notre foi chrétienne ? C’est un prêtre qui nous aide à voir plus clair dans cette harmonie à laquelle chaque couple est appelé à tendre pour veiller à trouver et maintenir son équilibre.
Parcourons le sujet avec le père Pierre-Marie Castaignos de la congrégation des Serviteurs de Jésus et de Marie. Il publie Couple et vie professionnelle aux éditions Salvator.
Nous avons tendance à compartimenter les dimensions de notre existence. Je me suis formé comme thérapeute de couple, à la communication non violente, à l'ennéagramme, et à certaines réalités des sciences humaines qui sont évidemment à regarder à l'aune de notre expérience de disciples de Jésus et la foi qui éclaire le chemin. Dans le premier chapitre j'invite à retrouver une lumière qui vient éclairer la totalité des aspects de notre vie. Cette lumière est celle de la spiritualité de communion. Je m'inspire d’un texte du pape Jean-Paul II, écrit dans le cadre d'une lettre apostolique sur le prochain millénaire (début des années 2000). Il parle de la communion comme d’une nécessité pour les individus au début de cette nouvelle époque.
Dans le cadre du sacrement de mariage, la source de cette communion est à trouver dans la communion en Dieu trinité. Cette lumière nous permet de voir comment la vie professionnelle, parfois, parasite cette communion. Il devient alors nécessaire de décloisonner les dimensions. La vie professionnelle représente plus de 80 % du temps éveillé, les implications de la vie professionnelle sont donc considérables sur le couple et la famille. Jusqu’à présent, dans la littérature consacrée à la vie conjugale, je n’ai pas rencontré de livres sur ce point particulier, qui est pourtant essentiel pour les couples qui peuvent être mis en grande difficulté par des questions professionnelles.
Les signes d'une communion riche, c'est d'abord le fait de prêter attention à l’autre. Saint Jean-Paul II nous invite à prêter attention avant de se lancer dans des activités extérieures, vérifiant que la qualité de la relation soit au rendez-vous. Cette qualité de la relation, elle est d'abord une relation à Dieu. Et la communion est trinitaire. Par conséquent, quand je vois le visage de l'autre, je deviens capable de voir Dieu. Je suis invité à considérer mon conjoint comme un don de Dieu, comme ce qui m'est arrivé de mieux dans ma vie. L'activisme et le perfectionnisme vont à l’encontre de cette communion. Ajoutons d’emblée qu’ il est normal d'éprouver une pénibilité dans l’effort de la communion. Il y a un combat intérieur qui se vit.
Placer Dieu à la première place, c'est traditionnel dans la vie chrétienne, même si c'est quelque chose à retravailler. Ce n'est jamais le conjoint qui doit occuper la première place, les enfants encore moins ! Parce que si je mets l'autre à la place de Dieu, je serai dans une forme d'idolâtrie. Dans l'évangile, les noces de Cana sont une situation où on se retrouve en présence d’un manque. Ce manque-là, c'est la place de la transcendance, c'est la place du contact avec le Christ, avec le Seigneur présent dans le sacrement, présent dans le couple, et présent en chacun par l'”inhabitation” de la Trinité. C'est là-dessus qu'il faut être attentif et ne pas s'éloigner d'une vie intérieure, d'une intériorité. C'est pour cette raison qu'après Dieu, je situe la personne elle-même avec sa vie intérieure, ce contact avec le Seigneur. Je me souviendrai toujours de cet homme qui avait eu malheureusement des infidélités dans son couple. Il m’a dit « j'ai perdu l'union intime avec le Christ, j'ai perdu le contact personnel avec Dieu, de ce fait j'étais dans une forme d'impunité”. Avoir le sens de ces priorités produit un effet domino et permet de placer les personnes aux bonnes places.
Garder en mémoire cet ordre de priorités va nous aider lorsqu'il s'agit d’opérer les discernements.
J'ai écrit un chapitre sur l'argent car au fond, il ne s’agit pas tant d'une question financière que de la signification par rapport à la manière de fonctionner au sein du couple. L'argent va signifier la possibilité pour chacun de trouver sa place et la façon avec laquelle la personne sera ou non dans une attitude de communion. L’argent objective la communion. Et particulièrement quand il y a un décalage au niveau de l'apport de revenus. Comment vais-je valoriser mon conjoint, son travail “invisible” ? A cette occasion, j’aborde la question de la justice, cette vertu de rendre à chacun ce qui lui est dû. Je n’entends que trop rarement au cours d’une confession le croyant éprouver un péché de manque de justice. On peut rencontrer des situations d'injustice avec le conjoint qui reste à la maison, qui met entre parenthèses sa vie professionnelle en ne reconnaissant pas ce qu’il ou elle accomplit au quotidien. Aujourd'hui j’observe parmi les jeunes que j'accompagne une valorisation excessive de la vie professionnelle, qui n'est que trop souvent envisagée dans son aspect financier.
Le rapport à l'argent objective la communion, la rend visible du point de vue matériel
Le pape François, au tout début de son pontificat, a parlé de cette distinction. "Il faut privilégier le temps à l'espace", il faut privilégier des processus. Il se trouve que dans la vie professionnelle, la vie matrimoniale, on se situe forcément dans un temps long. Ca veut dire qu'il y a des choix qui, parfois, ne sont pas mûrs, parce qu'on n'a pas laissé d'intériorité suffisante pour éclairer un chemin et écouter la volonté du Seigneur. En privilégiant les processus, on ne se met pas la pression. L'espace, lui, est davantage lié au pouvoir matériel. Pratiquer le discernement de cette façon, c'est entrer dans une dynamique de "sainte indifférence" comme l'appelait Saint Ignace de Loyola. C'est-à-dire que face à une situation, je remets le discernement dans les mains du Seigneur et ce qui adviendra sera alors le signe de sa volonté. C'est aussi apprendre à être détaché par rapport à l'une ou l'autre possibilité.
Oui, il est nécessaire de décloisonner la question de l'intimité conjugale par rapport à ce qui se vit dans la vie professionnelle. Pour en revenir à Saint Jean-Paul II, et à la théologie du corps, le corps "dit" la personne. Dans l'union intime des époux, il faudra parfois faire le lien entre la situation professionnelle d'un conjoint et son manque de désir qui peut être causé par un chômage ou une situation de burn-out. Trop souvent, les couples ignorent ces liens qui peuvent abîmer la communion conjugale.
D'abord, rappelons que le repos se vit en Dieu. Sans vie intérieure, on va dans le mur !
Certainement. Si on est à l'image d'un Dieu qui travaille, c'est important qu'on soit aussi à l'image d'un Dieu qui se repose ! Les juifs sont très attachés au Shabbat, qui est un marqueur en fonction des familles et de l'implication religieuse de chacun. Du côté chrétien, ce repos nous vient de la résurrection, c'est le dimanche, le jour du Seigneur. Réfléchissons : au fond, qu'est-ce qui nous repose ? Parler de travail, c'est aussi parler de repos ; parler de repos, c'est parler du travail. Donc nous voyons que les forces sont unies. Qu'est-ce qui refait nos forces ? Qu'est-ce qui va contribuer à refaire celles du couple ? Le manque de bon repos est vraiment la maladie du siècle. Rappelons que ce repos se vit en Dieu. C’est la place de l'intimité avec le Seigneur, de la déconnexion. Prendre conscience de ce qui participe à notre état de repos est essentiel, ça peut être une maison familiale ou un lieu de vacances. Le regard du conjoint est très précieux puisqu’il permet de regarder en vérité la place qu'on accorde au travail. Sans vie intérieure, on va droit dans le mur !
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