Cancer du sein : pourquoi ça peut aussi arriver aux hommes ?
Comment vont vos seins ? C'est la question posée en ce mois "Octobre Rose" consacré au dépistage du cancer du sein. Mais si l'on pense aux femmes, ce type de cancer peut aussi exister chez les hommes. Dans quelle mesure ? Quels signes d'alerte et quelle prise en charge ? Le point avec le Dr Benoîte Méry, oncologue au Centre anti cancéreux Léon Bérard à Lyon et le témoignage de Joël, retraité, atteint à l'âge de 65 ans.
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Le cancer du sein, plutôt une rareté. "En Europe, c’est un homme sur 100 000." indique le Dr Méry, "soit 0,5% des cancers masculins et 1% de l’ensemble des cancers du sein." Et on l’estime à 500 nouveaux cas chaque année, bien loin des 60 000 pour les femmes. Particularité : il intervient en moyenne plus tard, à l’âge de 71 ans, contre 60 pour les femmes.
Ses causes : les mutations de certains gènes (BRC 1 et BR2 notamment,) mais aussi des syndromes spécifiques, comme celui de Klinefelter lié à un chromosome X supplémentaire. Plus globalement, des facteurs de risques "classiques", comme le tabac, l’alcool et l’obésité, de par la surproduction d’œstrogènes. "Enfin", rappelle l'oncologue, "certains patients ayant eu des radiations ionisantes, comme par exemple pour le traitement de lymphomes Mais dans une famille où il y a eu plusieurs cas de cancers du sein, on propose une recherche onco génétique." d’autant si cela concerne un homme.
Des signes qui doivent alerter
Terrain familial, alcool ou surpoids. Aucune de ces causes n’a pourtant concerné Joël, retraité sportif (et non-fumeur) vivant dans l’Ain, près de Bourg en Bresse. En 2021, il constate cependant une petite douleur en effleurant son mamelon gauche. "Je n’avais pas de grosseur, l’aspect était normal." confie-t-il "Mais j’avais mal en le touchant." Consulté, son généraliste ne trouve rien d’inquiétant. Mais six mois après, les douleurs persistant, une échographie est prescrite : elle révèle une petite tâche d’un cm sous le mamelon. Suivra une biopsie, qui, elle, confirmera bien la présence d’un cancer.
Un retard de diagnostic qui n’étonne pas le Dr Méry, vu la rareté de ce type de cancer. Et d’en rappeler les signes d’alerte : "Le symptôme le plus fréquemment rencontré sera une masse derrière l’aréole, Egalement une rétractation ou ulcération du mamelon, parfois le gonflement d’un ganglion axillaire, situé sous l’aisselle. C’est vraiment la modification anormale du sein qui doit amener à consulter."
Un sein en moins
Quoi faire alors quand le diagnostic est établi ? "On ne dispose pas d’études spécifiques du cancer du sein chez l’homme et donc les recommandations thérapeutiques sont calquées sur ce que l’on fait chez la femme." observe la cancérologue. "La pierre angulaire pour l’homme restant une ablation du sein."
Le cas pour Joël, opéré un mois après le diagnostic. Une intervention suivie d’une chimio thérapie pendant quatre mois au centre Léon Bérard. Des effets secondaires parfois difficiles à supporter : fatigue, manque d’appétit et perte de cheveux "même si je les perdais déjà avant" sourit-il. Avoir un sein en moins ne lui a par contre pas posé de problème "J’ai une cicatrice à la place. Et se mettre torse nu à la plage, je l’assume bien." A noter que comme pour les femmes, une reconstruction mammaire est possible, notamment par réinjection de graisse. "Mais sur le plan esthétique, souligne le Dr Méry, "c’est moins impactant que pour une femme."
"Un homme à 100 %"
Avoir un cancer du sein, pour un homme, ça reste exceptionnel. Comment le vivre ? Pour Joël, ça a d'abord été la surprise. "Je n’étais pas fatigué, mais toujours en forme. Après, on est inquiet car le mot cancer n’est pas rassurant." Choc aussi pour l’entourage familial et amical "Certains m’ont dit qu’ils ne pensaient pas que ça pouvait aussi arriver chez un homme." Mais le fait que ce type de cancer soit associé aux femmes n’a jamais posé question au retraité. "Je me suis toujours senti un homme à 100 % ! " affirme-t-il. Une remarque qu’aucun des patients n’a d'ailleurs formulée au Dr Méry "Ca reste un coup de massue quel que soit le sexe." Joël qui a eu droit tout de même à un reportage télévisé sur l’antenne lyonnaise de BFM TV. Une célébrité "dont il serait bien passé", avoue-t-il, mais qui a permis de témoigner sur le sujet.
Le sport, meilleur allié
Mais homme ou femme, dans ce combat contre le cancer, il n’y a pas que les traitements médicamenteux ou chirurgicaux. Acupuncture, sophrologie, art thérapie, autant de soins dit de support pour aider à aller mieux. En tête, une activité physique régulière, pendant et après les traitements. "C’est capital !" martèle le Dr Méry. "Ca peut paraitre paradoxal, mais ça diminue de 30 % le niveau de fatigue physique et psychique, de même que les risques de récidive. Il est donc indispensable de bouger tous les jours. Plein d’activités encadrées sont ainsi proposées au centre Léon Bérard par des coaches spécialisés ou des vidéos et c’est une victoire pour nous de mettre en mouvement les patients."
Pour sa part, Joël va marcher toutes les semaines, fait régulièrement des étirements et s’est relancé dans la compétition de boules lyonnaises, dont il est un adepte chevronné. Et pas de problème pour le lancer : il est droitier et c’est seulement le côté gauche qui a été touché par les opérations. "J’ai encore quelques douleurs au niveau des muscles. Mais deux mois de kiné m’ont permis de retrouver ma mobilité comme avant." De quoi briller au futur tournoi prévu samedi prochain !
Un dépistage en baisse
Reste que vu sa rareté, suspecter un cancer du sein chez l’homme n’est pas encore un réflexe chez les généralistes. Ce qui peut avoir des effets sur le pronostic. Une étude américaine récente a montré que le taux de survie à 5 ans était de 8 % moins élevé pour un homme que pour une femme. Un dépistage qui a tendance aussi à baisser pour les femmes. 44 % ont suivi une mammographie en 2024 contre 48 % en 2023."C’est problématique." déplore le Dr Méry. "Il y a des questions de déni ou de méfiance. Après, l’espoir qu’on a, c’est de proposer dans un avenir proche un dépistage plus ciblé sur les personnes à risque."
En attendant, toute modification du sein, de l’aréole ou du mamelon doit amener à consulter rapidement. Et Joël de confirmer par l’exemple :"Pendant que j’avais mon cancer du sein, j’ai l’ami d’un ami qui lui a eu une grosseur. Et qui du coup, a tout de suite été consulter." A bon entendeur ..


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