Cancer de la prostate : comment le surveiller et le traiter aujourd'hui ?
Avec près de 60 000 nouveaux cas par an, c'est le cancer le plus fréquent chez les hommes. Mais les premiers signes ne sont pas toujours évidents à repérer. Qui est donc concerné ? Comment établir un diagnostic et quelle prise en charge aujourd'hui ? En ce mois Movember dédié aux cancers masculins, l'éclairage du Dr Armelle Vinceneux, oncologue au centre Léon Bérard à Lyon et le témoignage d'Olivier Carduner, représentant l'association Cerhom.
La moustache, symbole de soutien dédié aux cancers masculins ©FreepikPour commencer, la prostate, c’est où et ça sert à quoi ? Petit rappel SVT du Dr Vinceneux : "C’est une glande qui se trouve juste en dessous de la vessie et à travers laquelle passent les voies urinaires. On compare souvent sa forme à une petite châtaigne." Sa fonction : participer aux composantes du sperme, le liquide séminal, avec les deux petites vésicules en forme de cornes qui en font partie. Mais où peut se créer un cancer ? "La prostate se divise en deux lobes." précise l’oncologue. "Et c’est sur l’un d’entre eux que des cellules cancéreuses peuvent apparaitre, avant de venir toucher les vésicules séminales." Le cancer peut ensuite s'étendre à l’extérieur, dans les ganglions situés dans le pelvis et former des métastases dans les os.
Un cancer dont l’évolution reste lente et les premiers signes pas toujours évidents à distinguer." Il peut y avoir des envies d’uriner plus fréquentes, notamment la nuit, avec l’impression de ne pas vider complètement sa vessie". indique la spécialiste. "Egalement des douleurs, de la fatigue dans un stade plus avancé et plus rarement du sang dans les urines, qui doit de toute façon amener à consulter."
Quels signes et facteurs de risque ?
Mais tous ces symptômes ne sont pas forcément signes d’un cancer : "La prostate peut augmenter de taille pour d’autres raisons", rappelle la responsable de l’unité onco urologique. Le cas d’un adénome, hypertrophie bénigne de la prostate ou encore une infection dite "prostatite". Eléments alors pour fonder un diagnostic : le taux de PSA dans le sang, (un marqueur spécifique de la prostate), le fameux toucher rectal pour palper la grosseur de la glande, un examen par imagerie médicale et, au final, une biopsie.
Mais qui peut être concerné ? Le vieillissement constitue le premier facteur de risque, vers 65 ans, même si on observe une tendance à un abaissement de l'âge. Autres causes : des prédispositions génétiques, "pas seulement côté masculin" souligne la cancérologue "mais aussi si une mère ou une sœur a eu un cancer du sein ou de l’ovaire."
Egalement des facteurs environnementaux, comme le chlordécone, un pesticide utilisé jusqu’en 93 dans les bananeraies en Guadeloupe et Martinique et inscrite aujourd’hui comme maladie professionnelle. Enfin, dans une moindre mesure, le surpoids,"avec des graisses situées au niveau de l’abdomen et une hypertension artérielle."
Le cas d'Olivier
Pas de symptômes, ni de terrain familial et encore moins de problème de poids. Olivier Carduner ne cochait aucune des cases. Et pourtant. ... Tout commence il y a 5 ans. A 56 ans, ce cadre en informatique passe un bilan de contrôle chez son généraliste. Celui-ci montre un taux de PSA, supérieur à la moyenne, soit 9 nano grammes par millilitre au lieu de 4. "Personne ne s’affole. Et on refait une deuxième prise l’année suivante." Cette fois, le taux est passé à 11ng. Le quinquagénaire est alors orienté vers un urologue. Mais le toucher rectal ne détecte rien de particulier. Sauf que trois mois après, sur l’insistance d’Olivier, une IRM est fait, qui révèle une lésion. Une biopsie est alors effectuée. Le verdict tombe trois semaines plus tard : cancer de la prostate, avec 80 % de cellules malignes.
Une surveillance active
Comment expliquer un diagnostic aussi tardif ? Le Dr Vinceneux tempère : « Avec l’âge d’Olivier, le PSA élevé ferait discuter d’effectuer une imagerie de la prostate. Il y a vraiment un intérêt de diagnostiquer le plus tôt possible pour choisir le meilleur traitement. Mais aujourd’hui, dans certains cas, grâce au dosage du PSA, de l’IRM et de la biopsie, on peut proposer en discussion avec le patient une surveillance très rapprochée de ce cancer, une surveillance active, sans forcément intervenir." Reste tout de même à annoncer la nouvelle. Pour Olivier, cela a été un courrier avec des chiffres incompréhensibles. "Les médecins ne sont pas suffisamment formés à l’annonce d’un diagnostic lourd." déplore-t-il. "C’est ce que j’ai dit à mon urologue de ville, qui, à sa décharge, doit en annoncer 8 par semaine. Il y a les soins liés à la la maladie, mais aussi tout cet aspect psychologique dont on parle assez peu."
Des traitements et des effets secondaires
Quels traitements justement face à un cancer de la prostate ? La palette est large en fonction de l'étendue du cancer : l’ablation de la prostate, mais "pas systématique", la chimio thérapie, la radio thérapie, la curie thérapie ou encore l’hormonothérapie, qui a pour objectif de ralentir la croissance des cellules cancéreuses. Un traitement qui n’est pas sans effets sur l’humeur : irritabilité, fatigue et bouffées de chaleur, "comme pour une ménopause" imagine Olivier. Quant à l’ablation de la prostate, qu’il a dû subir, elle s’est traduite par des fuites urinaires, avec l’obligation de porter des couches, "ce qui n’est pas très glamour " ironise-t-il, mais aussi, plus intime, des problèmes d’érection. Deux séquelles qui font que le sujet reste encore largement tabou chez les hommes.
Vers un dépistage systématique ?
En parler, c’est justement l’objectif de ce Movember, contraction de Novembre et de moustache, porté en geste symbolique. Un mouvement né il y a 20 ans en Australie pour sensibiliser aux cancers masculins, prostate et testicules, mais aussi santé mentale et prévention du suicide. Un aspect à ne pas négliger pour Olivier, qui avoue avoir fait une dépression pendant un an, suite à l’annonce de son cancer. ..
Reste qu'avec 59 800 cas chaque année, pourrait- on instituer un dépistage systématique pour les hommes après 50 ans, comme il existe pour les femmes concernant le cancer du sein ? L’association Cerhom milite en ce sens. Le Dr Vinceneux, elle, serait plus favorable à un dépistage ciblé en fonction des antécédents et facteurs de risque. En attendant, malgré une rechute l’an dernier, Olivier garde le moral, porté par son engagement associatif depuis quatre ans. "Si je me dis qu’au bout d’une journée de prévention, j’ai aidé, ne serait-ce qu’un homme, eh bien, c’est génial ! "
Pour aller plus loin :
L'association ANAMACAP (association Nationale des Malades du Cancer de la Prostate) : Créée en 2002 et reconnue d'utilité publique en 2010, elle propose une information sur la maladie, son diagnostic et ses traitements, effets secondaires compris. Elle délivre également des conseils d’hygiène de vie et donne la parole aux patients et à leur famille, qui peuvent notamment échanger sur un forum. Toutes les infos sur le site : https://anamacap.fr/
CERHOM ("Cer" pour la fin du cancer et "Hom", pour le début de l'homme). Lancée par le Pr Fizazi, chef de service à l'Institut Gustave Roussy, l'association accompagne les hommes et leurs proches atteints de cancers masculins, en leur offrant soutien, information et prévention. Elle propose notamment trois lignes d'écoute : Test’écoute pour le cancer des testicules au 07 82 33 15 72 du lundi de 19h à 22h Prost’ecoute, le lundi de 19h à 22h au 06 41 22 41 51.
Egalement une permanence médicale le mercredi de 19h à 22h avec un médecin oncologue au 07 82 33 15 72. A retrouver sur le site : https://cerhom.fr/


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