
"T’as rien à me dire, t’es pas ma mère !" "Tes enfants, je ne les supporte plus !" "Ton ex n’arrête pas de me critiquer par derrière !" Pas toujours facile la vie de beau- père ou belle-mère dans une famille recomposée. Mais comment comprendre ces tensions ? Quelles bases poser pour une meilleure cohabitation ? Décryptage et pistes avec Béatrice Copper-Royer, psychologue spécialisée et Marie-Luce Iovane, présidente fondatrice du "club des marâtres".
Des conflits entre frères et sœurs ou avec les parents, ça existe aussi dans une famille traditionnelle. Qu’est-ce qui changerait pour une famille dite recomposée ? "On va essayer de faire cohabiter des enfants qui ne se connaissent pas au départ, qui n’ont pas d’histoire commune et qui arrivent avec un passé un peu douloureux suite à une rupture." rappelle Béatrice Copper-Royer "Et parfois, les parents rêvent un peu : ils sont dans le mythe de l’harmonie. Mais sous-estiment la complexité des rapports des enfants avec son beau-parent."
Faut-il pour autant demander l’accord des enfants pour l’arrivée du nouveau conjoint dans l’espoir qu’accepté, les choses se passeront mieux ? "Non" estime la psychologue. "Ce serait les mettre devant des choix d’adulte qui sont beaucoup trop lourds pour eux. Donc pleinement assumer son choix en tant que parent." Mais y-aurait-il un bon moment pour les présentations ? "Pas trop rapidement !" conseille l’auteure de "Et la famille recomposée", qui justifie "Il est mieux d’attendre que la séparation soit un peu liquidée, parce que les enfants ne peuvent pas tout digérer à la fois." D’autant plus si le nouveau conjoint est à l’origine de la rupture.
Pas le cas de Marie-Luce. A 30 ans, cette jeune "célibattante" s'est lancé dans l’aventure avec son premier mari, déjà divorcé depuis plusieurs mois et père de deux enfants de 8 et 5 ans. Pour elle, pas d’appréhension mais optimisme au départ. "Chouette!", raconte-t-elle. "Je prends un homme et il est déjà équipé ? Eh bien on va avancer dans cette histoire." Une belle-mère plutôt bien perçue, après une première rencontre sur le lieu de vacances. "J’étais celle qui allait redonner le sourire à papa, le plus malheureux, sous-entendu, celui qui avait été abandonné." confie-t-elle sans vouloir en dire plus.
Mais passé l’arrivée du nouveau conjoint, pourquoi les relations peuvent-elles se tendre avec les beaux-enfants ? D’abord à cause du fameux conflit de loyauté avec l’autre parent, resté seul et qu’on ne veut pas trahir, "d’où la difficulté de créer un lien affectif avec le nouveau venu." analyse Béatrice Copper-Royer.
Autre raison : la réactivation du complexe d’Œdipe chez les plus jeunes. "Après une séparation, l’enfant a pu avoir un tête -à -tête privilégié avec son parent et il n’est pas prêt à re céder cette place avec un intrus, de revenir à sa place d’enfant, ce qui est pourtant un service à lui rendre ! " Quant à l’adolescent, qui a besoin de s‘opposer pour se construire, plus de culpabilité à affronter le beau-parent, victime toute désignée !
Des propos agressifs. Mais pas seulement. Il peut y avoir aussi une forme d’indifférence. Ce dont a souffert Marie-Luce avec ses premiers beaux-enfants "Ils ne me disaient jamais bonjour quand j’arrivais. Tout de même, je n’étais pas une plante verte ! " se souvient-elle. Comment donc trouver sa place ? "Je dis toujours aux enfants qu’il y a une grande différence entre l’obligation d’amour et l’obligation de respect." déclare la psychologue. "On n’est pas forcé de s’aimer, mais on se dit bonjour, au revoir et merci sans se claquer la porte au nez !"
Une attitude qui doit être clairement exprimée par le parent en place car c’est lui qui, pour la psychologue, "doit donner l’autorisation au nouveau conjoint" pour intervenir dans cette nouvelle vie familiale. "Autorisation". Un mot qui fait réagir Marie-Luce "Apprendre à connaitre plus qu’autorisation" rectifie-t-elle. "Car cela reviendrait à dire que le beau-parent n’est pas suffisamment adulte pour être reconnu en tant que tel." D’où plutôt les termes "donner sa légitimité" sur lesquels les deux participantes s’accordent.
Enfants de l’un, enfants de l’autre, enfants communs. Difficile aussi pour eux de trouver leur place dans une "tribu" recomposée. D’où l’importance de s’accorder des temps privilégiés seul à seul. "C’est fou ce que les enfants apprécient, en tout cas les plus grands, de passer quelques moments seuls avec le parent." constate Béatrice Copper-Royer. "C’est comme s’ils pouvaient évoquer des moments ensemble, retrouver une espèce d’intimité et ça leur fait un bien fou !"
Etre attentif à sa progéniture. Sans pour autant oublier son couple. "Finalement les enfants prennent une place considérable et les couples peuvent souffrir d’une espèce de déficit de temps et d’intimité. Donc ne pas oublier que pour que ça marche, il ne faut pas être complètement envahi par les enfants ! "rappelle la psychologue. Et laisser du temps aussi pour que chacun puisse s'adapter et puisse créer des liens, y compris à l’âge adulte. Défi réussi pour Marie-Luce : pour sa deuxième union, ce sont deux de ses nouveaux beaux-enfants qui ont accepté de lui servir de témoins de mariage !
"Et la famille recomposée : pas facile, mais possible !" de Béatrice Copper-Royer. Editions Solar – 2019. Des clés pour comprendre ce qui se joue dans ce nouveau contexte familial, avec de nombreux témoignages de patients.
"Le Club des marâtres" fondé par Marie-Luce Iovane. Créée en 2003, cette association accueille des belles-mères de tout âge pour partager expériences et solutions dans des groupes de parole. "Marâtre", un terme d'ailleurs revendiqué, issu du latin "matrastra", qui signifie "femme du père", remplacé par Belle-mère au 16e siècle, après avoir pris une connotation péjorative suite ... aux fameux contes de fée !
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
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