Apnée du sommeil : quelle prise en charge aujourd'hui ?
Au réveil, ce n'est pas la grande forme et dans la journée, vous avez du mal à vous concentrer, avec grosse fatigue et envie de dormir. Ce sont peut-être les signes d’une apnée du sommeil. 4 à 5 % des Français en souffriraient à des degrés divers. Mais qu’est-ce qui provoque ces troubles respiratoires ? Comment bien les diagnostiquer ? Et quelles solutions pour retrouver enfin un sommeil réparateur ? Le point avec le Dr Clémentine Daveau, chirurgien ORL aux Hospices Civils de Lyon et Jean-Michel, qui a bénéficié d'une technologie innovante contre son apnée sévère du sommeil.
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Apnée du sommeil. De quoi parle-t-on ? "Il s’agit d’une pause respiratoire pendant la nuit, qui peut être due parfois à des causes neurologiques", explique le Dr Daveau, "mais qui le plus souvent provient d’une obstruction des voies aériennes supérieures. On peut ainsi avoir des amygdales très volumineuses ou encore la base de la langue qui chute au moment du relâchement du sommeil, surtout quand on est en position dorsale." Conséquence : un "barrage", qui va alors empêcher l’air de circuler normalement et interrompre la respiration pendant 10 à 20 secondes, 20 à 30 fois par heure, voire davantage dans les formes les plus sévères.
Des signes d'alerte aussi pendant la journée
Facteurs aggravants : l’âge, avec en vieillissant le "relâchement des tissus". Egalement une déformation anatomique avec une mâchoire un peu en arrière. Mais surtout, l’obésité, "avec des espaces autour du pharynx qui vont se combler de graisse et rétrécir la filière respiratoire" souligne la chirurgienne. Si le ronflement se retrouve fréquemment, tous ces critères ne sont pas systématiques : "On voit beaucoup de jeunes de 20 ans, minces, ne présentant pas de problèmes de poids, ni de mâchoires, présenter pourtant des apnées sévères." constate l'ORL.
Absence de causes précises : c’est le cas de Jean-Michel, 59 ans. Pour ce conducteur de train, aujourd’hui à la retraite, les premiers symptômes se sont manifestés paradoxalement pendant la journée. "Avant d’avoir ces pauses respiratoires marquées, j’ai eu cette fatigue dès le réveil. Vous venez de faire une nuit. Et portant, vous êtes épuisé ! " Comment l’expliquer ? "En fait", analyse le Dr Daveau "on peut imaginer que parce que le patient fait une pause, il y a ce réflexe de l’éveiller, ce qui va l’empêcher de faire ces phases de sommeil normal et réparateur. Le corps va être toujours maintenu dans un état de vigilance pour éviter que le taux d’oxygène dans le sang diminue."
Diagnostic et premières solutions
Mais comment poser un diagnostic certain d’apnée du sommeil ? "Cela passe par un enregistrement du sommeil, qui peut se faire à domicile de manière simplifiée." détaille la praticienne des HCL "Mais pour avoir quelque chose de très précis, l’idéal est de faire une polysomnographie en clinique du sommeil. Un examen avec des électrodes et des capteurs qui analyse mouvements thoraciques, abdominaux, taux de saturation d’oxygène et activité cérébrale." Jean-Michel y a eu recours, après plusieurs années d’errance médicale. C’est en discutant avec un ambulancier, suite à une autre opération chirurgicale, que celui-ci lui a confié avoir ces symptômes communs de fatigue et de réveils nocturnes et qui l’a orienté vers ce centre spécialisé.
Mais quelles solutions une fois établi ce pronostic ? En premier lieu, les masques PPC, pour Pression Positive Continue. "C’est une machine qui va tout simplement envoyer de l’air et ouvrir les voies respiratoires obstruées. Et c’est le traitement le plus efficace." estime le Dr Daveau. Autre solution : l’orthèse mandibulaire, un équipement adapté dont le but est d’avancer la mâchoire pour dégager l’obstruction liée à la langue. Enfin, pour les patients jeunes qui ont un vrai recul de la mâchoire du bas, voire des deux, "on peut proposer une chirurgie d’avancée des mâchoires. Une intervention lourde, mais qui reste le seul traitement curatif à ce jour."
Un traitement innovant
Masque PCC, orthèse. Jean-Michel a utilisé ces deux systèmes. Mais sans résultats convaincants. En juillet dernier, il a alors pu bénéficier d’une technique innovante : l’implant d’un neurostimulateur. Le principe : pendant le sommeil, une sonde placée sous la cage thoracique envoie des impulsions électriques pour faire avancer la langue dès qu'une pause respiratoire est détectée. Un dispositif actionné par une télécommande activée au moment du coucher.
En vigueur depuis une dizaine d’années en Europe et Etats-Unis, cette technologie n’a été introduite que l’an dernier en France. Raison : son coût. 20 000 € entièrement pris en charge par la Sécurité sociale. Une solution qui reste donc réservée à des apnées sévères et sous conditions. "Il faut avoir été en échec d’une PPC et d’orthèse, avoir un index d’hypo apnée situé entre 15 et 50 et ne pas être en surpoids." précise le Dr Daveau.
Des résultats encourageants
En attendant un premier bilan prévu ce mois de novembre, le ressenti est encourageant pour Jean-Michel …et sa compagne, témoin inquiète de ces arrêts respiratoires nocturnes : " Il dort mieux, il est beaucoup plus reposé et il n’y a plus cette fatigue qu’il ressentait au moment du déjeuner." Ce que confirme l’intéressé avec un sourire : "Mes nuits ont changé et mes journées aussi !"
Et les risques également. Car non prise en charge, une apnée peut entrainer à terme infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux, sans oublier le danger de s’endormir au volant, ce qui est d'ailleurs arrivé à Jean-Michel en 2010. D’où les signes d’alerte, rappelés une dernière fois par le Dr Daveau : "Ronflement, réveils nocturnes, fatigue au réveil, maux de tête le matin, somnolence dans la journée." De quoi en parler à son médecin traitant ...sans s'assoupir dans la salle d'attente !


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